Le Rosier de Mme Husson. Guy de Maupassant
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Название: Le Rosier de Mme Husson

Автор: Guy de Maupassant

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ la décida pour le complet blanc en faisant voir que le Rosier aurait l’air d’un cygne.

      Derrière lui parut sa protectrice, sa marraine, Mme Husson triomphante. Elle prit son bras pour sortir, et le maire se plaça de l’autre côté du Rosier. Les tambours battaient. Le commandant Desbarres commanda: «Présentez armes!» Le cortège se remit en marche vers l’église, au milieu d’un immense concours de peuple venu de toutes les communes voisines.

      Après une courte messe et une allocution touchante de l’abbé Malou, on repartit vers les Couronneaux où le banquet était servi sous une tente.

      Avant de se mettre à table, le maire prit la parole. Voici son discours textuel. Je l’ai appris par coeur, car il est beau:

      «Jeune homme, une femme de bien, aimée des pauvres et respectée des riches, Mme Husson, que le pays tout entier remercie ici par ma voix, a eu la pensée, l’heureuse et bienfaisante pensée, de fonder en cette ville un prix de vertu qui serait un précieux encouragement offert aux habitants de cette belle contrée.

      «Vous êtes, jeune homme, le premier élu, le premier couronné de cette dynastie de la sagesse et de la chasteté. Votre nom restera en tête de cette liste des plus méritants; et il faudra que votre vie, comprenez-le bien, que votre vie tout entière réponde à cet heureux commencement. Aujourd’hui, en face de cette noble femme qui récompense votre conduite, en face de ces soldats-citoyens qui ont pris les armes en votre honneur, en face de cette population émue, réunie pour vous acclamer, ou plutôt pour acclamer en vous la vertu, vous contractez l’engagement solennel envers la ville, envers nous tous, de donner jusqu’à votre mort l’excellent exemple de votre jeunesse.

      «Ne l’oubliez point, jeune homme. Vous êtes la première graine jetée dans ce champ de l’espérance, donnez-nous les fruits que nous attendons de vous».

      Le maire fit trois pas, ouvrit les bras et serra contre son coeur Isidore qui sanglotait.

      Il sanglotait, le Rosier, sans savoir pourquoi, d’émotion confuse, d’orgueil, d’attendrissement vague et joyeux.

      Puis le maire lui mit dans une main une bourse de soie où sonnait de l’or, cinq cents francs en or!… et dans l’autre un livret de caisse d’épargne. Et il prononça d’une voix solennelle: «Hommage, gloire et richesse à la vertu».

      Le commandant Desbarres hurlait: «Bravo!» Les grenadiers vociféraient, le peuple applaudit.

      À son tour Mme Husson s’essuya les yeux.

      Puis on prit place autour de la table où le banquet était servi.

      Il fut interminable et magnifique. Les plats suivaient les plats; le cidre jaune et le vin rouge fraternisaient dans les verres voisins et se mêlaient dans les estomacs. Les chocs d’assiettes, les voix et la musique qui jouait en sourdine faisaient une rumeur continue, profonde, s’éparpillant dans le ciel clair où volaient les hirondelles. Mme Husson rajustait par moments sa perruque de soie noire chavirée sur une oreille et causait avec l’abbé Malou. Le maire, excité, parlait politique avec le commandant Desbarres, et Isidore mangeait, Isidore buvait, comme il n’avait jamais bu et mangé! Il prenait et reprenait de tout, s’apercevant pour la première fois qu’il est doux de sentir son ventre s’emplir de bonnes choses qui font plaisir d’abord en passant dans la bouche. Il avait desserré adroitement la boucle de son pantalon qui le serrait sous la pression croissante de son bedon, et silencieux, un peu inquiété cependant par une tache de vin tombée sur son veston de coutil, il cessait de mâcher pour porter son verre à sa bouche, et l’y garder le plus possible, car il goûtait avec lenteur.

      L’heure des toasts sonna. Ils furent nombreux et très applaudis. Le soir venait; on était à table depuis midi. Déjà flottaient dans la vallée les vapeurs fines et laiteuses, léger vêtement de nuit des ruisseaux et des prairies; le soleil touchait à l’horizon; les vaches beuglaient au loin dans les brumes des pâturages. C’était fini: on redescendait vers Gisors. Le cortège, rompu maintenant, marchait en débandade. Mme Husson avait pris le bras d’Isidore et lui faisait des recommandations nombreuses, pressantes, excellentes.

      Ils s’arrêtèrent devant la porte de la fruitière, et le Rosier fut laissé chez sa mère.

      Elle n’était point rentrée. Invitée par sa famille à célébrer aussi le triomphe de son fils, elle avait déjeuné chez sa soeur, après avoir suivi le cortège jusqu’à la tente du banquet.

      Donc Isidore resta seul dans la boutique où pénétrait la nuit.

      Il s’assit sur une chaise, agité par le vin et par l’orgueil, et regarda autour de lui. Les carottes, les choux, les oignons répandaient dans la pièce fermée leur forte senteur de légumes, leur aromes jardiniers et rudes, auxquels se mêlaient une douce et pénétrante odeur de fraises et le parfum léger, le parfum fuyant d’une corbeille de pêches.

      Le Rosier en prit une et la mangea à pleines dents, bien qu’il eût le ventre rond comme une citrouille. Puis tout à coup, affolé de joie, il se mit à danser; et quelque chose sonna dans sa veste.

      Il fut surpris, enfonça ses mains en ses poches et ramena la bourse aux cinq cents francs qu’il avait oubliée dans son ivresse! Cinq cents francs! quelle fortune! Il versa les louis sur le comptoir et les étala d’une lente caresse de sa main grande ouverte pour les voir tous en même temps. Il y en avait vingt-cinq, vingt-cinq pièces rondes, en or! toutes en or! Elles brillaient sur le bois dans l’ombre épaissie, et il les comptait et les recomptait, posant le doigt sur chacune et murmurant: «Une, deux, trois, quatre, cinq, – cent; – six, sept, huit, neuf, dix, – deux cents»; puis il les remit dans sa bourse qu’il cacha de nouveau dans sa poche.

      Qui saura et qui pourrait dire le combat terrible livré dans l’âme du Rosier entre le mal et le bien, l’attaque tumultueuse de Satan, ses ruses, les tentations qu’il jeta en ce coeur timide et vierge? Quelles suggestions, quelles images, quelles convoitises inventa le Malin pour émouvoir et perdre cet élu? Il saisit son chapeau, l’élu de Mme Husson, son chapeau qui portait encore le petit bouquet de fleurs d’oranger, et, sortant par la ruelle derrière la maison, il disparut dans la nuit.

      …………………

      La fruitière Virginie, prévenue que son fils était rentré, revint presque aussitôt et trouva la maison vide. Elle attendit, sans s’étonner d’abord; puis, au bout d’un quart d’heure, elle s’informa. Les voisins de la rue Dauphine avaient vu entrer Isidore et ne l’avaient point vu ressortir. Donc on le chercha: on ne le découvrit point. La fruitière, inquiète, courut à la mairie: le maire ne savait rien, sinon qu’il avait laissé le Rosier devant sa porte. Mme Husson venait de se coucher quand on l’avertit que son protégé avait disparu. Elle remit aussitôt sa perruque, se leva et vint elle-même chez Virginie. Virginie, dont l’âme populaire avait l’émotion rapide, pleurait toutes ses larmes au milieu de ses choux, de ses carottes et de ses oignons.

      On craignait un accident. Lequel? Le commandant Desbarres prévint la gendarmerie qui fit une ronde autour de la ville; et on trouva, sur la route de Pontoise, le petit bouquet de fleurs d’oranger. Il fut placé sur une table autour de laquelle délibéraient les autorités. Le Rosier avait dû être victime d’une ruse, d’une machination, d’une jalousie; mais comment? Quel moyen avait-on employé pour enlever cet innocent, et dans quel but?

      Las de chercher sans trouver, les autorités se couchèrent. Virginie seule veilla dans les larmes.

      Or, le lendemain soir, quand passa, à son retour, la diligence de Paris, Gisors apprit avec stupeur que son Rosier avait arrêté la voiture à deux cents mètres du pays, était monté, avait СКАЧАТЬ