Les terres d'or. Gustave Aimard
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Название: Les terres d'or

Автор: Gustave Aimard

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ j’ai le dos rompu!

      – Peuh! vous parlez comme une femme, observa Flag d’un ton superlativement dédaigneux pour ce symptôme de faiblesse.

      – Ah! miséricorde! reprit Doc piteusement, je ne voudrais qu’une seule chose;… entendre ici la voix d’une vraie femme!

      – Sans aucun doute, interrompit philosophiquement Squire, de tous les animaux domestiques la femme est le plus usuel. Tout homme peut s’organiser une maison confortable sans chien, ni chat, ni cheval, ni vache: mais, sans femme, rien ne va bien. La femme est pour moi le résumé du monde domestique.

      – Je trouve que vous parlez bien peu respectueusement du beau sexe! observa Doc avec gravité; je saurais m’exprimer sur ce point avec plus de convenance.

      – Vous croyez? fit Squire d’un ton insouciant et moqueur.

      – Allons! reprit Doc; voilà le souper prêt. Le café sera, j’espère, assez chaud pour vous brûler la langue et la punir de ses méfaits.

      Le souper fut bientôt terminé; les plats furent empilés dans un chaudron sans être lavés; l’intéressante tâche du récurage était réservée à Ed, en ce moment hors de la maison.

      – Ah! bien, oui! je ne ferai pas, durant une minute de plus, l’ouvrage de Master Ed: – trois jours chacun, c’est la règle; ce paresseux a esquivé un jour de son service suivant sa coutume; et ça m’est tombé dessus, naturellement!

      Parlant ainsi, Doc se jeta en gémissant sur le lit que Flag lui abandonna par déférence pour le lumbago dont il se plaignait.

      – Oui, Ed est un carotteur, c’est un fait, observa Squire sentencieusement.

      Doc gardait un silence précurseur du sommeil.

      – Je suis de cet avis, complètement! appuya Flag. Master Ed sait très-bien s’approprier tout ce que nous avons de bon, et ce qui nous a souvent coûté bien de la peine à nous procurer: en revanche, il n’apporte jamais rien.

      – C’est parfaitement juste, approuva Doc; Ed est un fainéant et un égoïste.

      – Si nous lui faisions une bonne farce? proposa Squire.

      – Ah! certes, bien volontiers! mais que pourrions-nous imaginer?

      – On peut être sûr, reprit Squire, qu’il se gardera bien de rien apporter pour son souper; or, voici un plan délicieux pour le mystifier: laissons sur la table, d’une façon négligente, le pain et quelques rogatons froids, comme si nous les avions oubliés. Je parie cent contre un, qu’au lieu de se faire cuire la moindre chose, notre paresseux dévorera tout cela à belles dents.

      – Mais je ne vois là rien de bien farceur, interrompit Doc; c’est précisément ce qu’il fait toujours, sans se gêner.

      – Patience! jeune homme! vous n’avez pas la parole; répondit Squire en voix de fausset: je continue: Alors, nous sortirons tous, et nous resterons dehors, juste assez longtemps pour qu’il ait le loisir de bien goinfrer: puis, l’opération fatale accomplie, nous reparaîtrons, nous constaterons le fait, et nous lui donnerons, d’un air funèbre, l’aimable assurance qu’il vient d’engloutir des boulettes à loups empoisonnées, de la strychnine et tout ce qui s’ensuit! Seigneur quelle charge! de le voir souffler, gigoter, hurler!… il se croira perdu!!

      – Charmant! s’écria Doc.

      – Superlatif! appuya Flag: mais dépêchons-nous, je crois l’entendre siffler dans le lointain.

      – Vite! vite! les victuailles sur la table! et… filons! camarades!

      Doc, vif et alerte comme une sauterelle, oublia son lumbago; la petite troupe des conspirateurs s’envola comme un seul passereau.

      – Hé! les autres! où allez-vous comme ça? demanda Ed qui arrivait au même instant.

      – Nous allons vérifier, lui dit Squire précipitamment, si cette vieille bête de Newcome ne démolit pas nos clôtures au clair de lune, pour les replanter à trente pas en arrière au profit de son claim.

      Et, toujours courant, les trois conjurés se retirèrent dans un coin, attendant la moment favorable.

      Ed, sans la moindre méfiance, s’attabla avec l’empressement d’un convive affamé, et fit consciencieusement disparaître tous les vivres qui lui tombèrent sous la main. Ensuite, pour faciliter la digestion, il tira de sa poche un journal tout récent, qui datait d’au moins quinze jours.

      Pendant cet intervalle, les autres étaient revenus.

      – Vous êtes tardif, ce soir, observa Flag pendant que ses complices prenaient place en sourdine; apportez-vous quelques nouvelles?

      – Euh! pas grand’chose. J’ai là seulement des détails sur la Crimée; les épisodes de cette guerre sont fabuleux. Mais une vraie calamité, c’est de n’en avoir connaissance que lorsque ce sont des nouvelles vieilles de quinze jours. Quel malheur d’être dans un pareil dénuement! ne trouvez-vous pas?

      – Sans doute, mon garçon; mais nous ne sommes pas les seuls dans ce cas. Ce n’est là qu’une affaire d’habitude.

      – Mon Dieu, oui! comme en toute chose, du reste; appuya Doc. Avez-vous soupé, Ed? ajouta-t-il avec une indifférence calculée.

      – Oui: je me suis accommodé de ces restes; je pense que cela me suffira.

      Doc se retourna vers la table avec un tressaillement admirable de naturel.

      – Miséricorde du ciel! s’écria-t-il; vous avez mangé ces rogatons?

      – Oui. Il y avait quelques croûtons de pain et deux ou trois morceaux de viande froide: ce n’était ni indigeste par la quantité, ni merveilleux par la qualité. Mais pourquoi cette question effarée? Vous avez tous des airs lugubres et stupéfiants!

      – Ah! mon pauvre ami! vous êtes un homme mort! s’écria Doc en se laissant tomber sur un banc.

      – Des boulettes à loups! farcies de strychnine! s’exclamèrent à la fois Squire et Flag d’une voix horripilante.

      – Que me dites-vous? C’était… empoisonné? bégaya Ed terrifié, pendant que son visage passait par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel et que ses jambes flageolaient.

      – Doc! quel est le contre-poison pour la strychnine? hurla Squire avec des intonations convulsives; il n’est peut-être pas encore trop tard pour le sauver.

      – Mais, c’est que la strychnine agit immédiatement! grommela Flag, comme s’il se fut parlé à lui-même, tout en ayant soin de se faire parfaitement entendre du patient.

      – Huile! saindoux! lard! graisse! dit Doc avec volubilité; nous avons ici du lard et de l’huile, je vais en essayer l’usage.

      Ed, convaincu de son funeste sort, se roulait sur un banc avec de piteux hoquets, et se tenait l’estomac serré à deux mains, d’un air agonisant.

      Sans perdre une seconde, Doc coupa une énorme tranche de lard et la lui présenta.

      – Oh! il n’y a pas besoin… murmura Ed; il est trop tard, le poison a commencé son œuvre diabolique. СКАЧАТЬ