Contes de bord. Edouard Corbiere
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Название: Contes de bord

Автор: Edouard Corbiere

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ irrité: votre passager n'est qu'un mauvais fanfaron un peu soufflé d'orgueil et d'impudence. Rien n'est plus facile à mystifier que les gens de cette espèce.

      – Oh! pour celui-là, il est à mystifier ou à claquer; et si je ne puis pas réussir à l'humilier, je sens là, au bout de mes cinq doigts, que j'aurai recours aux moyens violens, car, je vous l'avoue, mon cher ami, malgré la longanimité qu'il vient d'admirer si insolemment en nous, je n'y tiens en vérité plus.

      – Voyons, calmons-nous un peu, mon cher commandant. Si vous voulez bien me laisser agir et vous prêter de bonne grâce au petit projet assez plaisant que je viens de concevoir et qu'il nous est très-facile d'exécuter, je vous promets une complète et risible vengeance.

      – Disposez de moi, mon ami; tout ce que vous voudrez me faire faire pour tirer raison de l'impudence de cet impertinent passager, sera exécuté à la lettre par votre commandant. Parlez, vous vous entendez en malice beaucoup mieux que moi, et sous ce rapport-là j'amène pavillon devant vous.

      – J'ai besoin de faire repeindre ma frégate. Depuis notre départ nos équipages n'ont pas fait l'exercice à feu.... Permettez-moi, une belle nuit et au premier petit coup de vent que nous éprouverons, de me séparer de vous pour cinq à six jours.... Comprenez-vous mon projet?

      – Oui, j'entrevois bien quelque chose.... Votre intention serait.... Oh! je devine bien à peu près.... Mais expliquez-moi comment, par exemple, vous....

      – On nous écoule. Votre plénipotentiaire paraît même nous observer avec curiosité; allons dans votre chambre concerter notre affaire. Là je vous déroulerai tout mon plan de campagne, et nous conviendrons de tous les faits.»

      Les deux amis descendirent. Ils parlèrent bas assez long-temps, et à la suite de leur entretien, qui dura près d'une heure, on les entendit rire aux éclats. En montant sur le pont pour s'embarquer dans le canot qui devait le ramener à bord de sa frégate, le commandant de l'Albanaise serra joyeusement la main de son confrère, qui paraissait ne pas se tenir d'aise, et qui lui répéta plusieurs fois, de manière à être entendu de tout le monde: «Surtout, mon ami, n'oubliez pas que je vous recommande de naviguer le plus près possible de moi.

      – Soyez assuré, mon commandant, qu'il ne faudrait rien moins que de bien mauvais temps ou qu'une forte avarie pour me faire abandonner mon chef de file.»

      Mais, après avoir prononcé ces paroles le plus haut qu'ils avaient pu, l'un dit tout bas à l'oreille de l'autre: «Dans huit jours, par les 4 degrés sud et les 15 ouest.... C'est entendu.»

      A la mer, en effet, deux navires se séparent et conviennent de se retrouver à tel point du globe, à peu près comme deux amis se donnent rendez-vous, à Paris, dans telle ou telle partie du Palais-Royal ou du jardin des Tuileries.

      Les deux frégates amies, quelques quarante-huit heures après la dernière entrevue de leurs commandans, éprouvèrent dans la nuit une forte brise qui les força de naviguer sous leurs huniers au bas ris. Les passagers, un peu secoués dans leurs cabanes, crurent qu'il s'agissait d'une tempête; mais, malgré l'émotion qu'il ressentait, le plénipotentiaire pensa qu'il devait faire bonne contenance aux yeux du commandant devant qui il s'était mis dans la presque obligation de montrer du calme et du courage. Il monta sur le pont. L'obscurité était profonde. On distinguait à peine, de temps à autre, le fanal de poupe de l'Albanaise, balloté par les grosses lames et errant sur les flots plaintifs, comme ces feux qui, pendant les orages nocturnes, se balancent au-dessus des abîmes dont les funèbres échos rejettent aux vents le bruit de la foudre qui gronde au loin.

      La nuit se passe: le calme renaît avec le jour, et la mer, encore un peu agitée, laisse voir à l'horizon, comme de hautes montagnes qui s'écroulent, les vagues qu'a soulevées pendant quelques heures l'impétuosité de la brise. L'officier de quart recommande aux premiers matelots qui montent en vigie sur les barres, de regarder au large pour tâcher de découvrir l'Albanaise. Les matelots promènent attentivement leurs regards sur la vaste étendue de mer au centre de laquelle ils sont perchés sur les barres de catacois.... Ils n'aperçoivent rien.... L'Albanaise a disparu dans la nuit, mais par quel motif? Le coup de vent n'a pas été assez fort pour lui occasioner des avaries! Elle n'a fait, au moyen de ses fanaux, aucun signal de détresse! S'il lui était arrivé quelque accident qui eût pu exiger le secours de sa conserve, elle n'aurait pas manqué de tirer un coup de canon, dans le cas où l'obscurité n'aurait pas permis d'apercevoir ses feux.... Qu'est-elle donc devenue?

      La disparition de la frégate donna lieu, comme on doit bien le penser, à mille conjectures, à mille objections à bord de la Bramine. On attendit l'arrivée du commandant sur le pont, pour tâcher de lire sur sa physionomie l'effet que produirait la nouvelle de l'absence de sa compagne de route.

      «Si notre commandant n'est pas surpris quand on lui annoncera cela, disaient les matelots, c'est une preuve qu'il aura permis à l'Albanaise de lui brûler la politesse.

      – Mais s'il se montre étonné du coup de temps, répondaient d'autres matelots, quel signe ce sera-t-il?

      – Ce sera signe que l'Albanaise aura été obligée de nous quitter par force majeure.»

      Le commandant paraît sur le pont à sept heures du matin.

      L'officier de quart, après l'avoir salué respectueusement, lui apprit qu'on ne voyait plus la frégate.

      «A-t-on bien regardé partout de dessus les barres? reprend le commandant avec vivacité, et en feignant un air d'inquiétude.

      – Partout, commandant: moi-même j'y suis monté pour parcourir avec ma longue-vue tous les points de l'horizon. Je n'ai rien aperçu.

      – Diable! diable! c'est contrariant.... Que lui sera-t-il donc arrivé?…» Tout l'équipage prit un air inquiet. Les passagers et les passagères arrivèrent bientôt sur le pont, et en voyant toutes les figures se rembrunir, ils se mirent aussi à prendre un air soucieux. On ne parla plus de l'Albanaise qu'à voix basse et toujours en arrière du commandant. Le vieux marin avait au mieux joué son rôle.

      Six à sept jours se passent sans qu'on revoie la fidèle compagne de la Bramine; chaque matin les hommes placés en vigie se crèvent les yeux pour découvrir quelque chose à l'horizon, et chaque matin la Bramine fait de la route, et l'on finit par oublier l'Albanaise, sur laquelle on ne compte presque plus. Le plénipotentiaire, ce passager qui va si mal au vieux commandant, s'avise encore de lancer quelques épigrammes sur la séparation forcée des deux frégates, et sur l'insuffisance des moyens qu'a l'homme de mer à sa disposition pour lutter contre la puissance ou le caprice des élémens. Le commandant enrage toujours; mais il sait se contenir pourtant, car il espère bientôt se venger de la crânerie de son insupportable passager. L'heure de la vengeance, en effet, va sonner.

      Un beau jour, vers midi, les officiers, armés de leurs cercles de réflexion ou de leurs sextans, observent la hauteur du soleil qui darde perpendiculairement ses rayons sur les tentes qui abritent les gaillards. On est par 4 degrés de latitude sud. Bientôt on fait le point, et l'on trouve que la longitude est de 15 degrés et quelques minutes ouest.

      Le commandant, après s'être entretenu un moment avec l'officier de route chargé des montres marines, se promène sur le pont; il laisse échapper des mouvemens d'impatience.

      La vigie du grand mât crie: Navire!

      Toutes les têtes se dressent.

      Le commandant continue de se promener, mais en riant sous cape, et en faisant demander où se trouve le navire aperçu. La vigie répond: Par le bossoir de tribord!

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