Consuelo. George Sand
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Название: Consuelo

Автор: George Sand

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ rêves de voyage dont elle me menace. Je puis très bien me consoler de ses infidélités; mais je ne pourrais remplacer ni sa voix, ni son talent, ni la fureur du public qu’elle captive à San Samuel.

      – Je comprends; mais qui donc peut être ce soir l’amant heureux de cette folle princesse?»

      Le comte et son ami passèrent en revue tous ceux que la Corilla avait pu remarquer et encourager dans la soirée. Anzoleto fut absolument le seul dont ils ne s’avisèrent pas.

      V. Cependant un violent combat s’élevait dans l’âme de cet heureux amant que l’onde et la nuit emportaient dans leurs ombres tranquilles…

      Cependant un violent combat s’élevait dans l’âme de cet heureux amant que l’onde et la nuit emportaient dans leurs ombres tranquilles, éperdu et palpitant auprès de la plus célèbre beauté de Venise. D’une part, Anzoleto sentait fermenter en lui l’ardeur d’un désir que la joie de l’orgueil satisfait rendait plus puissant encore; mais d’un autre côté, la crainte de déplaire bientôt, d’être raillé, éconduit et traîtreusement accusé auprès du comte, venait refroidir ses transports. Prudent et rusé comme un vrai Vénitien, il n’avait pas, depuis six ans, aspiré au théâtre sans s’être bien renseigné sur le compte de la femme fantasque et impérieuse qui en gouvernait toutes les intrigues. Il avait tout lieu de penser que son règne auprès d’elle serait de courte durée; et s’il ne s’était pas soustrait à ce dangereux honneur, c’est que, ne le prévoyant pas si proche, il avait été subjugué et enlevé par surprise. Il avait cru se faire tolérer par sa courtoisie, et voilà qu’il était déjà aimé pour sa jeunesse, sa beauté et sa gloire naissante! Maintenant, se dit Anzoleto avec cette rapidité d’aperçus et de conclusions que possèdent quelques têtes merveilleusement organisées, il ne me reste plus qu’à me faire craindre, si je ne veux toucher au lendemain amer et ridicule de mon triomphe. Mais comment me faire craindre, moi, pauvre diable, de la reine des enfers en personne? Son parti fut bientôt pris. Il se jeta dans un système de méfiance, de jalousies et d’amertumes dont la coquetterie passionnée étonna la prima donna. Toute leur causerie ardente et légère peut se résumer ainsi:

      Anzoleto. Je sais bien que vous ne m’aimez pas, que vous ne m’aimerez jamais, et voilà pourquoi je suis triste et contraint auprès de vous.

      Corilla. Et si je t’aimais?

      Anzoleto. Je serais tout à fait désespéré, parce qu’il me faudrait tomber du ciel dans un abîme, et vous perdre peut-être une heure après vous avoir conquise au prix de tout mon bonheur futur.

      Corilla. Et qui te fait croire à tant d’inconstance de ma part?

      Anzeloto. D’abord, mon peu de mérite. Ensuite, tout le mal qu’on dit de vous.

      Corilla. Et qui donc médit ainsi de moi?

      Anzoleto. Tous les hommes, parce que tous les hommes vous adorent.

      Corilla. Ainsi, si j’avais la folie de prendre de l’affection pour toi et de te le dire, tu me repousserais?

      Anzoleto. Je ne sais si j’aurais la force de m’enfuir; mais si je l’avais, il est certain que je ne voudrais vous revoir de ma vie.

      Eh bien, dit la Corilla, j’ai envie de faire cette épreuve par curiosité… Anzoleto, je crois que je t’aime.

      – Et moi, je n’en crois rien, répondit-il. Si je reste, c’est parce que je comprends bien que c’est un persiflage. À ce jeu-là, vous ne m’intimiderez pas, et vous me piquerez encore moins.

      – Tu veux faire assaut de finesse, je crois?

      – Pourquoi non? Je ne suis pas bien redoutable, puisque je vous donne le moyen de me vaincre.

      – Lequel?

      – C’est de me glacer d’épouvante, et de me mettre en fuite en me disant sérieusement ce que vous venez de me dire par raillerie.

      – Tu es un drôle de corps! et je vois bien qu’il faut faire attention à tout avec toi. Tu es de ces hommes qui ne veulent pas respirer seulement le parfum de la rose, mais la cueillir et la mettre sous verre. Je ne t’aurais cru ni si hardi ni si volontaire à ton âge!

      – Et vous me méprisez pour cela?

      – Au contraire: tu m’en plais davantage. Bonsoir, Anzoleto, nous nous reverrons.»

      Elle lui tendit sa belle main, qu’il baisa avec passion. Je ne m’en suis pas mal tiré, se dit-il en fuyant sous les galeries qui bordaient le canaletto.

      Désespérant de se faire ouvrir à cette heure indue le bouge où il se retirait de coutume, il songea à s’aller étendre sur le premier seuil venu, pour y goûter ce repos angélique que connaissent seules l’enfance et la pauvreté. Mais, pour la première fois de sa vie, il ne trouva pas une dalle assez propre pour s’y coucher. Bien que le pavé de Venise soit plus net et plus blanc que dans aucun autre lieu du monde, il s’en fallait de beaucoup que ce lit légèrement poudreux convînt à un habit noir complet de la plus fine étoffe, et de la coupe la plus élégante. Et puis la convenance! Les mêmes bateliers qui, le matin, enjambaient honnêtement les marches des escaliers sans heurter les haillons du jeune plébéien, eussent insulté à son sommeil, et peut-être souillé à dessein les livrées de son luxe parasite étalées sous leurs pieds. Qu’eussent-ils pensé d’un dormeur en plein air, en bas de soie, en linge fin, en manchettes et en rabat de dentelle? Anzoleto regretta en ce moment sa bonne cape de laine brune et rouge, bien fanée, bien usée, mais encore épaisse de deux doigts et à l’épreuve de la brume malsaine qui s’élève au matin sur les eaux de Venise. On était aux derniers jours de février; et bien qu’à cette époque de l’année le soleil soit déjà brillant et chaud dans ce climat, les nuits y sont encore très froides. L’idée lui vint d’aller se blottir dans quelque gondole amarrée au rivage: toutes étaient fermées à clé. Enfin il en trouva une dont la porte céda devant lui; mais en y pénétrant il heurta les pieds du barcarolle qui s’y était retiré pour dormir, et tomba sur lui.

      Par le corps du diable! lui cria une grosse voix rauque sortant du fond de cet antre, qui êtes-vous, et que demandez-vous?

      – C’est toi, Zanetto? répondit Anzoleto en reconnaissant la voix du gondolier, assez bienveillant pour lui à l’ordinaire. Laisse-moi me coucher à tes côtés, et faire un somme à couvert sous ta cabanette.

      – Et qui es-tu? demanda Zanetto.

      – Anzoleto; ne me reconnais-tu pas?

      – Par Satan, non! Tu portes des habits qu’Anzoleto ne pourrait porter, à moins qu’il ne les eût volés. Va-t’en, va-t’en! Fusses-tu le doge en personne, je n’ouvrirai pas ma barque à un homme qui a un bel habit pour se promener et pas un coin pour dormir.»

      Jusqu’ici, pensa Anzoleto, la protection et les faveurs du comte Zustiniani m’ont exposé à plus de périls et de désagréments qu’elles ne m’ont procuré d’avantages. Il est temps que ma fortune réponde à mes succès, et il me tarde d’avoir quelques sequins dans mes poches pour soutenir le personnage qu’on me fait jouer.

      Plein d’humeur, il se promena au hasard dans les rues désertes, n’osant s’arrêter de peur de faire rentrer la transpiration que la colère et la fatigue lui avaient causée. Pourvu qu’à tout ceci je ne gagne pas un enrouement! se disait-il. СКАЧАТЬ