Mont Oriol. Guy de Maupassant
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Название: Mont Oriol

Автор: Guy de Maupassant

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ un paralytique, chelle-là, tant qu’elle est chaude et bonne de goût, je l’ parie!

      Il parut chercher dans sa tête, puis regarder au sommet des monts voisins s’il ne découvrirait pas le paralytique désiré. Ne l’ayant point découvert, il abaissa ses yeux sur la route.

      À deux cents mètres de là, on distinguait, au bord du chemin, les deux jambes inertes du vagabond dont le corps était caché par le tronc du saule.

      Oriol mit sa main en abat-jour sur son front et demanda à son fils:

      – Ch’est pas l’ païrè Cloviche qu’est encore là?

      Colosse répondit en riant:

      – Oui, oui. Ch’est lui, il n’ s’en va pas chi vite qu’un lièvre.

      Alors Oriol fit un pas vers Andermatt, et avec une conviction grave et profonde:

      – T’nez, Monchieu, écoutez-moi. En v’là un là-bas, de paralytique, que monchieu le Docteur connaît bien, mais un vrai, qu’on n’a pas vu faire un pas d’puis diche ans. Dites-le, monchieu l’ Docteur?

      Latonne affirma:

      – Oh! celui-là, si vous le guérissez, je paie votre eau un franc le verre.

      Puis, se tournant vers Andermatt:

      – C’est un vieux goutteux rhumatisant atteint d’une sorte de contracture spasmodique de la jambe gauche et d’une paralysie complète de la droite; enfin, je crois, un incurable.

      Oriol l’avait laissé dire; il reprit lentement:

      – Eh bien, monchieu l’ Docteur, voulez-vous faire l’épreuve chur lui, un mois durant? Je ne dis pas que cha réuchira, je n’ dis rien, je demande cheulement à faire l’épreuve. Tenez, Coloche et moi, nous allions creuser un trou pour les pierres, eh bien, nous ferons un trou pour Cloviche; il y pachera une heure chaque matin; et puis nous verrons, là, nous verrons!…

      Le médecin murmura:

      – Vous pouvez essayer. Je réponds bien que vous ne réussirez pas.

      Mais Andermatt, séduit par l’espérance d’une guérison presque miraculeuse, accueillit avec joie l’idée du paysan; et ils retournèrent tous les quatre auprès du vagabond toujours immobile au soleil.

      Le vieux braconnier, comprenant la ruse, feignit de refuser, résista longtemps, puis se laissa convaincre, à la condition qu’Andermatt lui donnerait deux francs par jour pour l’heure qu’il passerait dans l’eau.

      Et l’affaire fut conclue ainsi. Il fut même décidé qu’aussitôt le trou creusé, le père Clovis prendrait son bain ce jour-là même. Andermatt lui fournirait des vêtements pour s’habiller ensuite, et les deux Oriol lui apporteraient une ancienne hutte de berger remisée dans leur cour, où l’infirme s’enfermerait afin de changer de hardes.

      Puis le banquier et le médecin retournèrent au village. Ils se séparèrent à l’entrée, celui-ci rentrant chez lui pour ses consultations, et celui-là allant attendre sa femme qui devait venir à l’établissement vers neuf heures et demie.

      Elle apparut presque aussitôt. En toilette rose, des pieds à la tête, chapeau rose, ombrelle rose et visage rose, elle avait l’air d’une aurore, et elle descendait le roidillon de l’hôtel, pour éviter le détour du chemin, avec un sautillement d’oiseau qui va de pierre en pierre, sans ouvrir les ailes. Elle cria, dès qu’elle aperçut son mari:

      – Oh! le joli pays, je suis tout à fait contente!

      Les quelques baigneurs errant tristement dans le petit parc silencieux se retournèrent à son passage, et Petrus Martel qui fumait sa pipe, en manches de chemise à la fenêtre du billard, appela son compère Lapalme, assis dans un coin devant un verre de vin blanc, en disant avec un claquement de langue:

      – Bigre, voilà du nanan.

      Christiane pénétra dans l’établissement, salua d’un sourire le caissier assis à gauche de l’entrée, et d’un bonjour l’ancien geôlier assis à droite; puis, tendant un billet à une baigneuse vêtue comme celle de la buvette, elle la suivit dans un corridor où donnaient les portes des salles de bains.

      On la fit entrer dans l’une d’elles, assez vaste, aux murs nus, meublée d’une chaise, d’une glace et d’un chausse-pied, tandis qu’un grand trou ovale, enduit de ciment jaune comme le sol, servait de baignoire.

      La femme tourna une clef pareille à celles qui font couler les ruisseaux des rues, et l’eau jaillit par une petite ouverture ronde et grillée au fond de cette cuve, qui fut bientôt remplie jusqu’aux bords, et qui déversait son trop-plein par une rigole s’enfonçant dans le mur.

      Christiane, qui avait laissé sa femme de chambre à l’hôtel, refusa, pour se dévêtir, les soins de l’Auvergnate et resta seule, disant qu’elle sonnerait, si elle avait besoin de quelque chose, et pour son linge.

      Et elle se déshabilla lentement, en regardant le presque invisible mouvement de cette onde remuée dans ce bassin clair. Lorsqu’elle fut nue, elle trempa son pied dedans et une bonne sensation chaude monta jusqu’à sa gorge: puis elle enfonça dans l’eau tiède une jambe d’abord, l’autre ensuite, et s’assit dans cette chaleur, dans cette douceur, dans ce bain transparent, dans cette source qui coulait sur elle, autour d’elle, couvrant son corps de petites bulles de gaz, tout le long des jambes, tout le long des bras, et sur les seins aussi. Elle regardait avec surprise ces innombrables et si fines gouttes d’air qui l’habillaient des pieds à la tête d’une cuirasse entière de perles menues. Et ces perles, si petites, s’envolaient sans cesse de sa chair blanche, et venaient s’évaporer à la surface du bain, chassées par d’autres qui naissaient sur elle. Elles naissaient sur sa peau comme des fruits légers, insaisissables et charmants, les fruits de ce corps mignon, rose et frais, qui faisait pousser dans l’eau des perles.

      Et Christiane se sentait si bien là-dedans, si doucement, si mollement, si délicieusement caressée, étreinte par l’onde agitée, l’onde vivante, l’onde animée de la source qui jaillissait au fond du bassin, sous ses jambes, et s’enfuyait par le petit trou dans le rebord de sa baignoire, qu’elle aurait voulu rester là toujours, sans remuer, presque sans songer. La sensation d’un bonheur calme, fait de repos et de bien-être, de tranquille pensée, de santé, de joie discrète et de gaîté silencieuse, entrait en elle avec la chaleur exquise de ce bain. Et son esprit rêvait, vaguement bercé par le glouglou du trop-plein qui s’écoulait, il rêvait à ce qu’elle ferait tantôt, à ce qu’elle ferait demain, à des promenades, à son père, à son mari, à son frère et à ce grand garçon qui la gênait un peu depuis l’aventure du chien. Elle n’aimait pas les gens violents.

      Aucun désir n’agitait son âme, calme comme son coeur dans cette eau tiède, aucun désir, sauf cette confuse espérance d’un enfant, aucun désir d’une vie autre, d’émotion ou de passion. Elle se sentait bien, heureuse et contente.

      Elle eut peur; on ouvrait sa porte: c’était l’Auvergnate apportant le linge. Les vingt minutes étaient passées; il fallait déjà s’habiller. Ce fut presque un chagrin, presque un malheur que ce réveil; elle avait envie de prier la femme de la laisser encore quelques minutes, puis elle réfléchit que tous les jours elle retrouverait cette joie, et elle sortit de l’eau avec regret pour se rouler dans un peignoir chaud, qui la brûlait un peu.

      Comme elle s’en allait, le docteur СКАЧАТЬ