Mont Oriol. Guy de Maupassant
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Название: Mont Oriol

Автор: Guy de Maupassant

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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      L’autre obéit; ils regagnèrent la route et revinrent sur leurs pas. Le père Clovis chauffait toujours au soleil ses membres et ses béquilles.

      Oriol, s’arrêtant en face de lui, demanda:

      – Veux-tu gagner une pièche de chent francs?

      L’autre, prudent, ne répondit rien.

      Le paysan reprit:

      – Hein! chent francs?

      Alors le vagabond se décida et murmura:

      – Fouchtra, quo sé damando pas!

      – Eh bien! mon païré, vlà ché qui faut faire.

      Et il lui expliqua longuement, avec des malices, des sous-entendus et des répétitions sans nombre, que s’il consentait à prendre un bain d’une heure, tous les jours, de dix à onze, dans un trou qu’ils creuseraient, Colosse et lui, à côté de sa source, et à être guéri au bout d’un mois, ils lui donneraient cent francs en écus d’argent.

      Le paralytique écoutait d’un air stupide, puis il dit:

      – Pichque tous les drougures n’ont pas pu me guori, ch’est pas votre eau qui l’ pourra.

      Mais Colosse se fâcha tout à coup.

      – Allons, vieux farcheur, tu chais, j’ la connais ta maladie, moi, on ne me la conte pas. Qué que tu faisais, lundi dernier, dans l’ bois de Comberombe, à onze heures de nuit?

      Le vieux répondit vivement:

      – Ché pas vrai.

      Mais Colosse s’animant:

      – Ché pas vrai bougrrre que t’as chauté par-dechus le foché à Jean Mannezat et que t’es parti par le creux Poulin?

      L’autre répéta avec énergie:

      – Ché pas vrai!

      – Ché pas vrai que je t’ai crié: «Ohé, Cloviche, les gendarmes», et que t’as tourné par la chente du Moulinet?

      – Ché pas vrai.

      Le grand Jacques, furieux, presque menaçant, criait:

      – Ah! ché pas vrai! Eh bien, vieux trois pattes, écoute: quand je t’y verrai, moi, au bois, la nuit, ou bien à l’eau, je te pincherai, t’entends bien, vu qu’ j’ai encore d’ pu longues jambes, et j’ t’attache à quéque arbre jusqu’au matin, où nous allons te r’prendre, tout le village enchemble…

      Le père Oriol arrêta son fils, puis très doux:

      – Écoute, Cloviche, tu peux bien échayer la chose! Nous te faijons un bain, Coloche et moi; t’y viens chaque jour, un mois durant. Pour cha, j’ te donne, non point chent, mais deux chents francs. Et puis, écoute, si t’es guori, l’ mois fini, che ch’ra chinq chents d’ plus. T’entends bien, chinq chents, en écus d’argent, plus deux chents, ça fait chept chents.

      «Donc, deux chents pour le bain un mois durant, plus chinq chents pour la guérison. Et puis écoute: des douleurs cha r’vient. Si cha t’ reprend à l’automne, nous sommes pour rien, l’eau aura pas moins fait chon effet.

      Le vieux répondit avec calme:

      – Dans che cas-là j’ veux ben. Chi cha n’ réuchit pas, on l’ verra toujours.

      Et les trois hommes se serrèrent la main pour sceller le marché conclu. Puis les deux Oriol retournèrent à leur source afin de creuser le bain du père Clovis.

      Ils y travaillaient depuis un quart d’heure, quand ils entendirent des voix sur la route.

      C’était Andermatt et le docteur Latonne. Les deux paysans clignèrent de l’oeil et cessèrent de creuser la terre.

      Le banquier vint à eux, leur serra les mains; puis tous les quatre se mirent à regarder l’eau, sans dire un mot.

      Elle remuait comme celle qui s’agite sur un grand feu, jetait ses bouillons et ses gaz, puis s’écoulait vers le ruisseau par une mince rigole qu’elle avait déjà dessinée. Oriol, un sourire d’orgueil sur les lèvres, dit tout à coup:

      – Hein! y en a, du fer?

      Tout le fond était déjà rouge en effet, et même les petits cailloux qu’elle baignait en s’écoulant semblaient couverts d’une sorte de moisissure pourpre.

      Le docteur Latonne répondit:

      – Oui, mais ça ne dit rien, ce sont ses autres qualités qu’il faut connaître.

      Le paysan reprit:

      – D’abord, Coloche et moi, nous en avons bu chacun un verre hier au choir, et cha nous a déjà tenu le corps fraîche. Pas vrai, fils?

      Le grand gars répondit avec conviction:

      – Pour chûr que cha nous a tenu le corps fraîche.

      Andermatt demeurait immobile, les pieds sur le bord du trou. Il se tourna vers le médecin.

      – Il nous faudrait à peu près six fois ce volume d’eau pour ce que je voudrais faire, n’est-ce pas?

      – Oui, à peu près.

      – Pensez-vous qu’on les trouverait?

      – Oh! moi, je n’en sais rien.

      – Voilà! L’achat des terrains ne pourrait s’effectuer d’une façon définitive qu’après les sondages. Il faudrait d’abord une promesse de vente notariée, une fois l’analyse connue, mais ne devant avoir son effet que si les sondages consécutifs donnent les résultats espérés.

      Le père Oriol devint inquiet. Il ne comprenait pas. Andermatt alors lui expliqua l’insuffisance d’une seule source et lui démontra qu’il ne pourrait acheter réellement que s’il en trouvait d’autres. Mais il ne les pourrait chercher, ces autres sources, qu’après la signature d’une promesse de vente.

      Les deux paysans parurent aussitôt convaincus que leurs champs contenaient autant de sources que de pieds de vignes. Il suffisait de creuser, on verrait, on verrait.

      Andermatt dit simplement:

      – Oui, on verra.

      Mais le père Oriol trempa sa main dans l’eau et déclara:

      – Fouchtra, elle est chaude à cuire un oeuf, bien plus chaude que chelle à Bonnefille.

      Latonne à son tour y mouilla son doigt et reconnut que c’était possible.

      Le paysan continua:

      – Et puis elle a plus de goût et du meilleur goût; elle ne chent pas faux, comme l’autre. Oh! chelle-là, moi, j’en réponds, qu’elle est bonne! J’ les connais, les eaux du pays, depuis chinquante ans que j’ les r’garde couler. J’en ai jamais vu d’ plus belle, jamais, jamais!

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