Thérèse Raquin. Emile Zola
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Читать онлайн книгу Thérèse Raquin - Emile Zola страница 9

Название: Thérèse Raquin

Автор: Emile Zola

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ sa figure, il déclara qu’il allait chercher deux bouteilles de vin de Champagne. Mme Raquin redescendit à la boutique. L’artiste resta seul avec Thérèse.

      La jeune femme était demeurée accroupie, regardant vaguement devant elle. Elle semblait attendre en frémissant. Laurent hésita; il examinait sa toile, il jouait avec ses pinceaux. Le temps pressait, Camille pouvait revenir, l’occasion ne se représenterait peut-être plus. Brusquement, le peintre se tourna et se trouva face à face avec Thérèse. Ils se contemplèrent pendant quelques secondes.

      Puis, d’un mouvement violent, Laurent se baissa et prit la jeune femme contre sa poitrine. Il lui renversa la tête, luiécrasant les lèvres sous les siennes. Elle eut un mouvement de révolte, sauvage, emportée, et, tout d’un coup, elle s’abandonna, glissant par terre, sur le carreau. Ils n’échangèrent pas une seule parole. L’acte fut silencieux et brutal.

      Chapitre 7

      Dès le commencement, les amants trouvèrent leur liaison nécessaire, fatale, toute naturelle. À leur première entrevue, ils se tutoyèrent, ils s’embrassèrent, sans embarras, sans rougeur, comme si leur intimité eût daté de plusieurs années. Ils vivaient à l’aise dans leur situation nouvelle, avec une tranquillité et une impudence parfaites.

      Ils fixèrent leurs rendez-vous. Thérèse ne pouvant sortir, il fut décidé que Laurent viendrait. La jeune femme lui expliqua, d’une voix nette et assurée, le moyen qu’elle avait trouvé. Les entrevues auraient lieu dans la chambre desépoux. L’amant passerait par l’allée qui donnait sur le passage, et Thérèse lui ouvrirait la porte de l’escalier. Pendant ce temps, Camille serait à son bureau, Mme Raquin, en bas, dans la boutique. C’étaient là des coups d’audace qui devaient réussir.

      Laurent accepta. Il avait, dans sa prudence, une sorte de témérité brutale, la témérité d’un homme qui a de gros poings. L’air grave et calme de sa maîtresse l’engagea à venir goûter d’une passion si hardiment offerte. Il choisit un prétexte, il obtint de son chef un congé de deux heures, et il accourut au passage du Pont-Neuf.

      Dès l’entrée du passage, iléprouva des voluptés cuisantes. La marchande de bijoux fauxétait assise juste en face de la porte de l’allée. Il lui fallut attendre qu’elle fût occupée, qu’une jeune ouvrière vînt acheter une bague ou des boucles d’oreilles de cuivre. Alors, rapidement, il entra dans l’allée; il monta l’escalierétroit et obscur, en s’appuyant aux murs gras d’humidité. Ses pieds heurtaient les marches de pierre; au bruit de chaque heurt, il sentait une brûlure qui lui traversait la poitrine. Une porte s’ouvrit. Sur le seuil, au milieu d’une lueur blanche, il vit Thérèse en camisole, en jupon, toutéclatante, les cheveux fortement noués derrière la tête. Elle ferma la porte, elle se pendit à son cou. Il s’échappait d’elle une odeur tiède, une odeur de linge blanc et de chair fraîchement lavée.

      Laurent, étonné, trouva sa maîtresse belle. Il n’avait jamais vu cette femme. Thérèse, souple et forte, le serrait, renversant la tête en arrière, et, sur son visage, couraient des lumières ardentes, des sourires passionnés. Cette face d’amante s’était comme transfigurée; elle avait un air fou et caressant; les lèvres humides, les yeux luisants, elle rayonnait. La jeune femme, tordue et ondoyante, était belle d’une beautéétrange, toute d’emportement. On eût dit que sa figure venait de s’éclairer en dedans, que des flammes s’échappaient de sa chair. Et, autour d’elle, son sang qui brûlait, ses nerfs qui se tendaient, jetaient ainsi des effluves chauds, un air pénétrant etâcre.

      Au premier baiser, elle se révéla courtisane. Son corps inassouvi se jetaéperdument dans la volupté. Elle s’éveillait comme d’un songe, elle naissait à la passion. Elle passait des bras débiles de Camille dans les bras vigoureux de Laurent, et cette approche d’un homme puissant lui donnait une brusque secousse qui la tirait du sommeil de la chair. Tous ses instincts de femme nerveuse éclatèrent avec une violence inouïe; le sang de sa mère, ce sang africain qui brûlait ses veines, se mit à couler, à battre furieusement dans son corps maigre, presque vierge encore. Elle s’étalait, elle s’offrait avec une impudeur souveraine. Et, de la tête aux pieds, de longs frissons l’agitaient.

      Jamais Laurent n’avait connu une pareille femme. Il resta surpris, malà l’aise. D’ordinaire, ses maîtresses ne le recevaient pas avec une telle fougue; ilétait accoutumé à des baisers froids et indifférents, à des amours lasses et rassasiées. Les sanglots, les crises de Thérèse l’épouvantèrent presque, tout en irritant ses curiosités voluptueuses. Quand il quitta la jeune femme, il chancelait comme un homme ivre. Le lendemain, lorsque son calme sournois et prudent fut revenu, il se demanda s’il retournerait auprès de cette amante dont les baisers lui donnaient la fièvre. Il décida d’abord nettement qu’il resterait chez lui. Puis il eut des lâchetés. Il voulait oublier, ne plus voir Thérèse dans sa nudité, dans ses caresses douces et brutales, et toujours elle était là, implacable, tendant les bras. La souffrance physique que lui causait ce spectacle devint intolérable.

      Il céda, il prit un nouveau rendez-vous, il revint au passage du Pont-Neuf.

      À partir de ce jour Thérèse entra dans sa vie. Il ne l’acceptait pas encore, mais il la subissait. Il avait des heures d’effrois, des moments de prudence et, en somme, cette liaison le secouait désagréablement; mais ses peurs, ses malaises tombaient devant ses désirs. Les rendez-vous se suivirent, se multiplièrent.

      Thérèse n’avait pas de ces doutes. Elle se livrait sans ménagement, allant droit où la poussait la passion. Cette femme que les circonstances avait pliée et qui se redressait enfin, mettait à nu sonêtre entier, expliquait sa vie.

      Parfois elle passait ses bras au cou de Laurent, elle se traînait sur sa poitrine, et, d’une voix encore haletante:

      «Oh! si tu savais combien j’ai souffert! J’aiétéélevée dans l’humidité tiède de la chambre d’un malade. Je couchais avec Camille; la nuit je m’éloignais de luiécœurée par l’odeur fade de son corps. Ilétait méchant et entêté; il ne voulait pas prendre les médicaments que je refusais de partager avec lui; pour plaire à ma tante, je devais prendre toutes les drogues. Je ne sais pas comment je ne suis pas morte… Ils m’ont rendue laide, mon pauvre ami, ils m’ont volé tout ce que j’avais, et tu ne peux m’aimer comme je t’aime.»

      Elle pleurait, elle embrassait Laurent, elle continuait avec une haine sourde:

      «Je ne leur souhaite pas de mal. Ils m’ontélevée, ils m’ont recueillie et défendue contre la misère… Mais j’aurais préféré l’abandon à leur hospitalité. J’avais des besoins cuisants de grand air; toute petite, je rêvais de courir les chemins les pieds nus dans la poussière, demandant l’aumône, vivant en bohémienne. On m’a dit que ma mère était un chef de tribu, en Afrique, j’ai souvent songé à elle, j’ai compris que je lui appartenais par le sang et les instincts, j’aurais voulu ne la quitter jamais et traverser les sables sur son dos. Ah! quelle jeunesse, j’ai encore des dégoûts et des révoltes, lorsque je me rappelle les longues journées que j’ai passées dans la chambre où râlait Camille. J’étais accroupie devant le feu, regardant stupidement bouillir les tisanes, sentant mes membres se roidir, et je ne pouvais bouger, ma tante grondait quand je faisais du bruit… Plus tard, j’ai goûté des joies profondes, dans la petite maison du bord de l’eau; mais j’étais déjà abêtie, je savais à peine marcher, je tombais lorsque je courais. Puis on m’a enterrée toute vive dans cette ignoble boutique.»

      Thérèse respirait fortement, elle serrait son amant à pleins bras, elle se vengeait, et ses narines minces et souples avaient de petits battements nerveux.

      «Tu ne saurais croire, reprenait-elle, combien ils m’ont rendue mauvaise. Ils ont fait de moi une hypocrite et une menteuse… СКАЧАТЬ