Le pouce crochu. Fortuné du Boisgobey
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Название: Le pouce crochu

Автор: Fortuné du Boisgobey

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ peur, murmura Camille, en saisissant le bras de Julien.

      – Et moi, je ne suis pas rassuré du tout, dit Alfred entre ses dents. Cette maison m’a tout l’air d’un coupe-gorge.

      Julien, en sa qualité de fumeur, était toujours pourvu d’allumettes. Il tira sa boîte, et quand il eut du feu, il avisa dans un coin, sur une tablette, un flambeau garni d’une bougie qu’il s’empressa d’allumer.

      – Je vais passer le premier, mademoiselle, dit-il en s’armant du luminaire.

      – Non, je veux vous montrer le chemin, répondit Camille.

      – Mais, mademoiselle, le voleur a peut-être un complice, et s’il y a du danger, c’est à moi de marcher devant.

      La jeune fille était déjà dans l’escalier. Les deux jeunes gens montèrent après elle et ils débouchèrent tous les trois dans la salle à manger, où le brigand au pouce crochu s’était embusqué avant d’assaillir Monistrol.

      Les rideaux étaient retombés et leur cachaient le petit salon.

      – Père!… es-tu là? demanda Camille.

      Rien ne bougea, Gémozac l’écarta doucement, souleva la portière et aperçut un homme étendu sur le plancher entre la table et la cheminée.

      Camille aussi le vit, cet homme, et elle le reconnut.

      – Ah! s’écria-t-elle, il l’a tué!…

      Et avant que Julien pût l’arrêter, elle se précipita sur le corps de son père.

      Elle n’avait que trop bien deviné; le malheureux inventeur ne donnait plus signe de vie. En le touchant elle sentit qu’il était déjà froid. Elle le prit dans ses bras et elle essaya de le relever, mais la force lui manqua. Elle jeta un faible cri et elle tomba évanouie, à côté du cadavre.

      – Un assassinat! c’est complet, grommela Fresnay, en reculant de trois pas. Dans quel guêpier nous as-tu fourrés?

      – Tais-toi, animal, et aide-moi d’abord à enlever cette pauvre enfant, dit brusquement Gémozac.

      – Et où diable veux-tu la porter?

      – Sur son lit, parbleu! Sa chambre doit être à l’étage au-dessus.

      – Et après?

      – Après! tu vas courir au poste où ce sergent de ville voulait la conduire… tu diras qu’un crime vient d’être commis, et tu amèneras ici les agents… le commissaire…

      – Jolie commission que tu me donnes là! Ah! si jamais tu me repinces à courir à la foire au pain d’épice!

      – Et moi, si tu m’abandonnes, je te jure que je cesserai toute espèce de relations avec toi. C’est indigne, ce que tu dis!… tu n’as donc pas de cœur? Allons, prends ce flambeau et éclaire-moi. Je la porterai bien à moi tout seul.

      Julien s’était agenouillé près de la fille de Monistrol et cherchait à la ranimer en lui frappant dans les mains, mais elle ne revenait pas à elle. Heureusement, il était vigoureux. Il la prit par la taille et, avec une souplesse que lui aurait enviée plus d’un clown, il réussit à se remettre sur pied sans laisser tomber le fardeau dont il s’était chargé.

      Fresnay se résigna, en rechignant, à faire ce que son ami lui demandait. Il le précéda, la lumière à la main, et il sut trouver l’escalier du premier étage.

      La chambre de Camille était à gauche sur le palier et ils n’eurent pas de peine à la reconnaître au lit à rideaux blancs, le lit de toutes les jeunes filles.

      Julien l’y coucha avec précaution, prit une carafe sur la toilette et se mit à lui jeter des gouttes d’eau au visage. Elle ouvrit les yeux et les referma presque aussitôt en murmurant des mots inintelligibles; ses mains s’agitèrent comme pour repousser une vision hideuse, puis elle retomba anéantie.

      – Elle a un transport au cerveau, murmura Gémozac, qui se servait, sans la comprendre, d’une expression très usitée.

      Il n’était pas docteur et il n’avait pas la moindre idée de ce qu’il fallait faire en pareil cas.

      – Tu ramèneras aussi un médecin, dit-il à son ami Fresnay, qui répliqua avec humeur:

      – Pourquoi pas une garde-malade, pendant que tu y es! Ma parole d’honneur, je crois que tu perds l’esprit. Quelle mouche te pique pour que tu veuilles à toute force te mêler d’une affaire qui ne nous intéresse ni l’un ni l’autre.

      – Parle pour toi. Tu n’as pas entendu que le père de cette jeune fille était depuis quelques jours l’associé du mien… et qu’on l’a tué pour lui voler une somme qu’il venait de toucher ce matin à la caisse de la maison Gémozac?

      – Qu’en sais-tu? Ta protégée est à moitié folle et je ne comprends rien à sa chasse au saltimbanque.

      – Assez! je ne veux pas discuter près de son lit. Suis-moi.

      Julien prit le bougeoir, descendit au salon et dit au sceptique Alfred, en éclairant le cadavre:

      – Tu ne nieras pas du moins qu’on l’a étranglé. Regarde son cou. Les doigts de l’assassin y ont laissé une empreinte assez profonde.

      Alfred se baissa, examina le cadavre avec plus de curiosité que d’émotion, se redressa et dit:

      – Les doigts? Dis donc les griffes. Ce n’est pas une main d’homme qui a fait ces marques noires sur les deux côtés du cou. C’est une main de gorille… une main qui a trente centimètres d’envergure. Et quel pouce! Il a écorché la peau et il est entré dans la chair.

      – Crois, si tu veux, que c’est la griffe du diable, mais va chercher la police, répliqua Gémozac en poussant par les épaules son récalcitrant ami, qui céda, non sans demander:

      – Pourquoi n’y vas-tu pas toi-même?

      – Parce que je ne veux pas laisser seule mademoiselle Monistrol dans l’état où elle est. Lorsqu’il y aura du monde ici, je partirai très volontiers, quitte à revenir demain avec ma mère, qui, certes, n’abandonnera pas l’orpheline. Mais, en attendant que les agents arrivent, j’ai le devoir de veiller sur elle.

      Un cri partit du premier étage, un cri déchirant.

      – Tu entends! s’écria Julien. Elle vient d’être réveillée par une attaque de nerfs. Je remonte là-haut. Pars, te dis-je, et reviens vite. Je ne tiens pas à passer la nuit entre cette pauvre fille et un homme assassiné.

      Fresnay descendit pendant que Gémozac courait au secours de Camille.

      Ce n’était point un méchant garçon que ce Fresnay, mais il avait le défaut très parisien de ne rien prendre au sérieux. Monistrol et sa fille lui étaient indifférents, on l’attendait pour souper, et il répugnait à se mêler d’une affaire criminelle. Cependant, il avait promis à Julien d’avertir la police, et ne sachant où trouver un poste, il se dirigea vers la place du Trône.

      Avant d’y arriver, il rencontra deux gardiens de la paix – celui qui avait СКАЧАТЬ