Le petit chose. Alphonse Daudet
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Название: Le petit chose

Автор: Alphonse Daudet

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ cœur de l'homme a de ces faiblesses ; il aime ce qu'il peut, même du bois, même des pierres, même une fabrique… D'ailleurs, l'histoire est là pour vous dire que le vieux Robinson, de retour en Angleterre, reprit la mer, et fit je ne sais combien de mille lieues pour revoir son île déserte.

      Il n'est donc pas étonnant que, pour revoir la sienne, le petit Chose fasse quelques pas.

      Déjà les grands platanes, dont la tête empanachée regarde par-dessus les maisons, ont reconnu leur ancien ami qui vient vers eux à toutes jambes. De loin ils lui font signe et se penchent les uns vers les autres, comme pour se dire : voilà Daniel Eyssette ! Daniel Eyssette est de retour !

      Et lui se dépêche, se dépêche ; mais, arrivé devant la fabrique, il s'arrête stupéfait.

      De grandes murailles grises sans un bout de laurier-rose ou de grenadier qui dépasse… Plus de fenêtres, des lucarnes ; plus d'ateliers, une chapelle. Au-dessus de la porte, une grosse croix de grès rouge avec un peu de latin autour !…

      O douleur ! la fabrique n'est plus la fabrique ; c'est un couvent de carmélites, où les hommes n'entrent jamais.

      V. GAGNE TA VIE

      SARLANDE est une petite ville des Cévennes, bâtie au fond d'une étroite vallée que la montagne enserre de partout comme un grand mur. Quand le soleil y donne, c'est une fournaise ; quand la tramontane souffle, une glacière …

      Le soir de mon arrivée, la tramontane faisait rage depuis le matin ; et quoiqu'on fût au printemps, le petit Chose, perché sur le haut de la diligence, sentit, en entrant dans la ville, le froid le saisir jusqu'au cœur.

      Les rues étaient noires et désertes… Sur la place d'armes, quelques personnes attendaient la voiture, en se promenant de long en large devant le bureau mal éclairé.

      À peine descendu de mon impériale, je me fis conduire au collège, sans perdre une minute. J'avais hâte d'entrer en fonctions.

      Le collège n'était pas loin de la place ; après m'avoir fait traverser deux ou trois larges rues silencieuses, l'homme qui portait ma malle s'arrêta devant une grande maison, où tout semblait mort depuis des années.

      « C'est ici », dit-il, en soulevant l'énorme marteau de la porte…

      Le marteau retomba lourdement, lourdement… la porte s'ouvrit d'elle-même… Nous entrâmes.

      J'attendis un moment sous le porche, dans l'ombre. L'homme posa sa malle par terre, je le payai, et il s'en alla bien vite… Derrière lui, l'énorme porte se referma lourdement, lourdement… Bientôt après, un portier somnolent, tenant à la main une grosse lanterne, s'approcha de moi.

      «Vous êtes sans doute un nouveau ?» me dit-il d'un air endormi.

      Il me prenait pour un élève…

      « Je ne suis pas un élève du tout. Je viens ici comme maître d'étude ; conduisez-moi chez le principal… » Le portier parut surpris ; il souleva sa casquette et m'engagea à entrer une minute dans la loge. Pour le quart d'heure, M. le principal était à l'église, avec les enfants. On me mènerait chez lui dès que la prière du soir serait terminée, Dans la loge, on achevait de souper. Un grand beau gaillard à moustaches blondes dégustait un verre d'eau-de-vie aux côtés d'une petite femme maigre, souffreteuse, jaune comme un coing et emmitouflée jusqu'aux oreilles dans un châle fané.

      «Qu'est-ce donc, monsieur Cassagne ? demanda l'homme aux moustaches.

      – C'est le nouveau maître d'étude, répondit le concierge en me désignant… Monsieur est si petit que je l'avais d'abord pris pour un élève.

      – Le fait est, dit l'homme aux moustaches, en me regardant par-dessus son verre, que nous avons ici des élèves plus grands et même plus âgés que monsieur… Veillon l'aîné, par exemple.

      – Et Crouzat, ajouta le concierge.

      – Et Soubeyrol… », fit la femme.

      Là-dessus, ils se mirent à parler entre eux à voix basse le nez dans leur vilaine eau-de-vie et me dévisageant du coin de l'œil… Au-dehors on entendait la tramontane qui ronflait et les voix criardes des élèves récitant les litanies à la chapelle.

      Tout à coup une cloche sonna ; un grand bruit de pas se fit dans les vestibules.

      « La prière est finie, me dit M. Cassagne en se levant ; montons chez le principal. » Il prit sa lanterne, et je le suivis.

      Le collège me sembla immense… D'interminables corridors, de grands porches, de larges escaliers avec des rampes de fer ouvragé…, tout cela vieux, noir, enfumé… Le portier m'apprit qu'avant 89 la maison était une école de marine, et qu'elle avait compté jusqu'à huit cents élèves, tous de la plus grande noblesse.

      Comme il achevait de me donner ces précieux renseignements, nous arrivions devant le cabinet du principal… M. Cassagne poussa doucement une double porte matelassée, et frappa deux fois contre la boiserie.

      Une voix répondit : « Entrez ! » Nous entrâmes.

      C'était un cabinet de travail très vaste, à tapisserie verte. Tout au fond, devant une longue table, le principal écrivait à la lueur pâle d'une lampe dont l'abat-jour était complètement baissé.

      « Monsieur le principal, dit le portier en me poussant devant lui, voilà le nouveau maître qui vient pour remplacer M. Serrières.

      – C'est bien », fit le principal sans se déranger.

      Le portier s'inclina et sortit. Je restai debout au milieu de la pièce, en tortillant mon chapeau entre mes doigts.

      Quand il eut fini d'écrire, le principal se tourna vers moi, et je pus examiner à mon aise sa petite face pâlotte et sèche, éclairée par deux yeux froids, sans couleur. Lui, de son côté, releva, pour mieux me voir, l'abat-jour de la lampe et accrocha un lorgnon à son nez.

      « Mais c'est un enfant ! s'écria-t-il en bondissant sur son fauteuil. Que veut-on que je fasse d'un enfant !» Pour le coup le petit Chose eut une peur terrible ; il se voyait déjà dans la rue, sans ressources… Il eut à peine la force de balbutier deux ou trois mots et de remettre au principal la lettre d'introduction qu'il avait pour lui. Le principal prit la lettre, la lut, la relut, la plia, la déplia, la relut encore, puis il finit par me dire que, grâce à la recommandation toute particulière du recteur et à l'honorabilité de ma famille ; il consentait à me prendre chez lui, bien que ma grande jeunesse lui fît peur. Il entama ensuite de longues déclamations sur la gravité de mes nouveaux devoirs ; mais je ne l'écoutais plus. Pour moi, l'essentiel était qu'on ne me renvoyât pas ; j'étais heureux, follement heureux. J'aurais voulu que M. le principal eût mille mains et les lui embrasser toutes.

      Un formidable bruit de ferraille m'arrêta dans mes effusions. Je me retournai vivement et me trouvai en face d'un long personnage, à favoris rouges, qui venait d'entrer dans le cabinet sans qu'on J'eût entendu : c'était le surveillant général.

      Sa tête penchée СКАЧАТЬ