Le petit chose. Alphonse Daudet
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Название: Le petit chose

Автор: Alphonse Daudet

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ prodigieuse différence de taille qui existait entre nous. Où en rit beaucoup, beaucoup, moi le premier ; mais je vous assure qu'à ce moment-là, le petit Chose aurait volontiers vendu son âme au diable pour avoir seulement quelques pouces de plus.

      « Ça ne fait rien, ajouta le gros Serrières en me tendant la main ; quoiqu'on ne soit pas bâti pour passer sous la même toise, on peut tout de même vider quelques flacons ensemble. Venez avec nous, collègue…, je paie un punch d'adieu au café Barbette ; je veux que vous en soyez…, on fera connaissance en trinquant. » Sans me laisser le temps de répondre, il prit mon bras sous le sien et m'entraîna dehors.

      Le café Barbette, où mes nouveaux collègues me menèrent, était situé sur la place d'armes. Les sous-officiers de la garnison le fréquentaient, et ce qui frappait en y entrant, c'était la quantité de shakos et de ceinturons pendus aux patères…

      Ce jour-là, le départ de Serrières et son punch d'adieu avaient attiré le ban et l'arrière-ban des habitués… Les sous-officiers auxquels Serrières me présenta en arrivant, m'accueillirent avec beaucoup de cordialité. À vrai dire, pourtant, l'arrivée du petit Chose ne fit pas grande sensation, et je fus bien vite oublié, dans le coin de la salle où je m'étais réfugié timidement… Pendant que les verres se remplissaient, le gros Serrières vint s'asseoir à côté de moi ; il avait quitté sa redingote et tenait aux dents une longue pipe de terre sur laquelle son nom était en lettres de porcelaine. Tous les maîtres d'étude avaient, au café Barbette, une pipe comme cela.

      « Eh bien, collègue, me dit le gros Serrières, vous voyez qu'il y a encore de bons moments dans le métier… En somme, vous êtes bien tombé en venant à Sarlande pour votre début. D'abord l'absinthe du café Barbette est excellente et puis, là-bas, à la boîte, vous ne serez pas trop mal. » La boîte, c'était le collège.

      «Vous allez avoir l'étude des petits, des gamins qu'on mène à la baguette. Il faut voir comme je les ai dressés ! Le principal n'est pas méchant ; les collègues sont de bons garçons : il n'y a que la vieille et le père Viot…

      – Quelle vieille ? demandai-je en tressaillant.

      – Oh ! vous la connaîtrez bientôt. À toute heure du jour et de la nuit, on la rencontre rôdant par le collège, avec une énorme paire de lunettes… C'est une tante du principal, et elle remplit ici les fonctions d'économe. Ah ! la coquine ! si nous ne mourons pas de faim, ce n'est pas de sa faute.» Au signalement que me donnait Serrières, j'avais reconnu la fée aux lunettes et malgré moi je me sentais rougir. Dix fois, je fus sur le point d'interrompre mon collège et de lui demander : « Et les yeux noirs ?» Mais je n'osai pas. Parler des yeux noirs au café Barbette ! '.

      En attendant, le punch circulait, les verres vides s'emplissaient, les verres remplis se vidaient ; c'était des toasts, des oh ! oh ! des ah ! ah ! des queues de billard en !.'air, des bousculades, de gros rires, des calembours, des confidences…

      Peu à peu, le petit Chose se sentit moins timide. Il avait quitté son encoignure et se promenait par le café, parlant haut, le verre à la main.

      À cette heure, les sous-officiers étaient ses amis ; il raconta effrontément à l'un d'eux qu'il appartenait à une famille très riche et qu'à la suite de quelques folies de jeune homme, on l'avait chassé de la maison paternelle ; il s'était fait maître d'étude pour vivre mais il ne pensait pas rester au collège longtemps…

      Vous comprenez, avec une famille tellement riche !…

      Ah ! si ceux de Lyon avaient pu l'entendre à ce moment-là.

      Ce que c'est que de nous, pourtant ! Quand on sut au café Barbette, que j'étais un fils de famille en rupture de ban, un polisson, un mauvais drôle, et non point, comme on aurait pu le croire, un pauvre garçon condamné par la misère à la pédagogie, tout le monde me regarda d'un meilleur œil. Les plus anciens sous-officiers ne dédaignèrent pas de m'adresser la parole ; on alla même plus loin : au moment de partir, Roger, le maître d'armes, mon ami de la veille, se leva et porta un toast à Daniel Eyssette. Vous pensez si le petit Chose fut fier. Le toast à Daniel Eyssette donna le signal du départ. Il était dix heures moins le quart, c'est-à-dire l'heure de retourner au collège.

      L'homme aux clefs nous attendait sur la porte.

      «Monsieur Serrières, dit-il à mon gros collègue que le punch d'adieu faisait trébucher, vous allez, pour la dernière fois, conduire vos élèves à l'étude ; dès qu'ils seront entrés, M. le principal et moi nous viendrons installer le nouveau maître. » En effet, quelques minutes après, le principal M. Viot et le nouveau maître faisaient leur entrée solennelle à l'étude.

      Tout le monde se leva.

      Le principal me présenta aux élèves en un discours un peu long, mais plein de dignité ; puis il se retira suivi du gros Serrières que le punch d'adieu tourmentait de plus en plus. M. Viot resta le dernier. Il ne prononça pas de discours, mais ses clefs, frinc ! frinc ! frinc ! parlèrent pour lui d'une façon si terrible, frinc ! frinc ! frinc ! si menaçante, que toutes les têtes se cachèrent sous les couvercles des pupitres et que le nouveau maître lui-même n'était pas rassuré.

      Aussitôt que les terribles clefs furent dehors, un tas de figures malicieuses sortirent de derrière les pupitres ; toutes les barbes de plumes se portèrent aux lèvres, tous ces petits yeux brillants, moqueurs, effarés, se fixèrent sur moi, tandis qu'un long chuchotement courait de table en table.

      Un peu troublé, je gravis lentement les degrés de ma chaire ; j'essayai de promener un regard féroce autour de moi, puis, enflant ma voix, je criai entre deux grands coups secs frappés sur la table :

      «Travaillons, messieurs, travaillons !» C'est ainsi que le petit Chose commença sa première étude.

      VI. LES PETITS

      CEUX-LA n'étaient pas méchants ; c'étaient les autres.

      Ceux-là ne me firent jamais de mal, et moi je les aimais bien, parce qu'ils ne sentaient pas encore le collège et qu'on lisait toute leur âme dans leurs yeux.

      Je ne les punissais jamais : À quoi bon ? Est-ce qu'on punit les oiseaux ?… Quand ils pépiaient trop haut, je n'avais qu'à crier : « Silence ! » Aussitôt ma volière se taisait – au moins pour cinq minutes.

      Le plus âgé de l'étude avait onze ans. Onze ans, je vous demande ! Et le gros Serrières qui se vantait de les mener à la baguette !…

      Moi, je ne les menai pas à la baguette. J'essayai d'être toujours bon, voilà tout.

      Quelquefois, quand ils avaient été bien sages, je leur racontais une histoire… Une histoire !… Quel bonheur ! Vite, vite, on pliait les cahiers, on fermait les livres ; encriers, règles, porte-plume, on jetait tout pêle-mêle au fond des pupitres ; puis, les bras croisés sur la table, on ouvrait de grands yeux et on écoutait. J'avais composé à leur intention cinq ou six petits contes fantastiques : les Débuts d'une cigale, les Infortunes de Jean Lapin, etc. Alors, comme aujourd'hui, le bonhomme La Fontaine était mon saint de prédilection dans le calendrier littéraire, et mes romans ne faisaient que commenter ses fables ; seulement j'y mêlais de ma propre histoire. Il y avait toujours un pauvre grillon obligé de gagner sa vie comme le petit Chose, des bêtes à bon Dieu qui cartonnaient en sanglotant, comme Eyssette (Jacques).

      Cela СКАЧАТЬ