La reine Margot. Alexandre Dumas
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Название: La reine Margot

Автор: Alexandre Dumas

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ de résistance à tenter, personne n’en eut même la pensée. On entendait les plafonds, les galeries et les corridors du Louvre craquer sous les pieds des soldats réunis tant dans les cours que dans les appartements, au nombre de près de deux mille. Henri, après avoir pris congé de ses amis, qu’il ne devait plus revoir, suivit donc Tavannes, qui le conduisit dans une petite galerie contiguë au logis du roi, où il le laissa seul, sans armes et le cœur gonflé de toutes les défiances.

      Le roi de Navarre compta ainsi, minute par minute, deux mortelles heures, écoutant avec une terreur croissante le bruit du tocsin et le retentissement des arquebusades; voyant, par un guichet vitré, passer, à la lueur de l’incendie, au flamboiement des torches, les fuyards et les assassins; ne comprenant rien à ces clameurs de meurtre et à ces cris de détresse; ne pouvant soupçonner enfin, malgré la connaissance qu’il avait de Charles IX, de la reine mère et du duc de Guise, l’horrible drame qui s’accomplissait en ce moment.

      Henri n’avait pas le courage physique; il avait mieux que cela, il avait la puissance morale: craignant le danger, il l’affrontait en souriant, mais le danger du champ de bataille, le danger en plein air et en plein jour, le danger aux yeux de tous, qu’accompagnaient la stridente harmonie des trompettes et la voix sourde et vibrante des tambours… Mais là, il était sans armes, seul, enfermé, perdu dans une demi-obscurité, suffisante à peine pour voir l’ennemi qui pouvait se glisser jusqu’à lui et le fer qui le voulait percer. Ces deux heures furent donc pour lui les deux heures peut-être les plus cruelles de sa vie.

      Au plus fort du tumulte, et comme Henri commençait à comprendre que, selon toute probabilité, il s’agissait d’un massacre organisé, un capitaine vint chercher le prince et le conduisit, par un corridor, à l’appartement du roi. À leur approche la porte s’ouvrit, derrière eux la porte se referma, le tout comme par enchantement, puis le capitaine introduisit Henri près de Charles IX, alors dans son cabinet des Armes.

      Lorsqu’ils entrèrent, le roi était assis dans un grand fauteuil, ses deux mains posées sur les deux bras de son siège et la tête retombant sur sa poitrine. Au bruit que firent les nouveaux venus, Charles IX releva son front, sur lequel Henri vit couler la sueur par grosses gouttes.

      – Bonsoir, Henriot, dit brutalement le jeune roi. Vous, La Chastre, laissez-nous. Le capitaine obéit. Il se fit un moment de sombre silence. Pendant ce moment, Henri regarda autour de lui avec inquiétude et vit qu’il était seul avec le roi. Charles IX se leva tout à coup.

      – Par la mordieu! dit-il en retroussant d’un geste rapide ses cheveux blonds et en essuyant son front en même temps, vous êtes content de vous voir près de moi, n’est-ce pas, Henriot?

      – Mais sans doute, Sire, répondit le roi de Navarre, et c’est toujours avec bonheur que je me trouve auprès de Votre Majesté.

      – Plus content que d’être là-bas, hein? reprit Charles IX, continuant à suivre sa pauvre pensée plutôt qu’il ne répondait au compliment de Henri.

      – Sire, je ne comprends pas, dit Henri.

      – Regardez et vous comprendrez. D’un mouvement rapide, Charles IX marcha ou plutôt bondit vers la fenêtre. Et, attirant à lui son beau-frère, de plus en plus épouvanté, il lui montra l’horrible silhouette des assassins, qui, sur le plancher d’un bateau, égorgeaient ou noyaient les victimes qu’on leur amenait à chaque instant.

      – Mais, au nom du Ciel, s’écria Henri tout pâle, que se passe-t-il donc cette nuit?

      – Cette nuit, monsieur, dit Charles IX, on me débarrasse de tous les huguenots. Voyez-vous là-bas, au-dessus de l’hôtel de Bourbon, cette fumée et cette flamme? C’est la fumée et la flamme de la maison de l’amiral, qui brûle. Voyez-vous ce corps que de bons catholiques traînent sur une paillasse déchirée, c’est le corps du gendre de l’amiral, le cadavre de votre ami Téligny.

      – Oh! que veut dire cela? s’écria le roi de Navarre, en cherchant inutilement à son côté la poignée de sa dague et tremblant à la fois de honte et de colère, car il sentait que tout à la fois on le raillait et on le menaçait.

      – Cela veut dire, s’écria Charles IX furieux, sans transition et blêmissant d’une manière effrayante, cela veut dire que je ne veux plus de huguenot autour de moi, entendez-vous, Henri? Suis-je le roi? suis-je le maître?

      – Mais, Votre Majesté…

      – Ma Majesté tue et massacre à cette heure tout ce qui n’est pas catholique; c’est son plaisir. Êtes-vous catholique? s’écria Charles, dont la colère montait incessamment comme une marée terrible.

      – Sire, dit Henri, rappelez-vous vos paroles: Qu’importe la religion de qui me sert bien!

      – Ha! ha! ha! s’écria Charles en éclatant d’un rire sinistre; que je me rappelle mes paroles, dis-tu, Henri! Verba volant, comme dit ma sœur Margot. Et tous ceux-là, regarde, ajouta-t-il en montrant du doigt la ville, ceux-là ne m’avaient-ils pas bien servi aussi? n’étaient-ils pas braves au combat, sages au conseil, dévoués toujours? Tous étaient des sujets utiles! mais ils étaient huguenots, et je ne veux que des catholiques.

      Henri resta muet.

      – Çà, comprenez-moi donc, Henriot! s’écria Charles IX.

      – J’ai compris, Sire.

      – Eh bien?

      – Eh bien, Sire, je ne vois pas pourquoi le roi de Navarre ferait ce que tant de gentilshommes ou de pauvres gens n’ont pas fait. Car enfin, s’ils meurent tous, ces malheureux, c’est aussi parce qu’on leur a proposé ce que Votre Majesté me propose, et qu’ils ont refusé comme je refuse.

      Charles saisit le bras du jeune prince, et fixant sur lui un regard dont l’atonie se changeait peu à peu en un fauve rayonnement:

      – Ah! tu crois, dit-il, que j’ai pris la peine d’offrir la messe à ceux qu’on égorge là-bas?

      – Sire, dit Henri en dégageant son bras, ne mourrez-vous point dans la religion de vos pères?

      – Oui, par la mordieu! et toi?

      – Eh bien, moi aussi, Sire, répondit Henri. Charles poussa un rugissement de rage, et saisit d’une main tremblante son arquebuse, placée sur une table. Henri, collé contre la tapisserie, la sueur de l’angoisse au front, mais, grâce à cette puissance qu’il conservait sur lui-même, calme en apparence, suivait tous les mouvements du terrible monarque avec l’avide stupeur de l’oiseau fasciné par le serpent.

      Charles arma son arquebuse, et frappant du pied avec une fureur aveugle:

      – Veux-tu la messe? s’écria-t-il en éblouissant Henri du miroitement de l’arme fatale. Henri resta muet.

      Charles IX ébranla les voûtes du Louvre du plus terrible juron qui soit jamais sorti des lèvres d’un homme, et de pâle qu’il était, il devint livide.

      – Mort, messe ou Bastille! s’écria-t-il en mettant le roi de Navarre en joue.

      – Oh! Sire! s’écria Henri, me tuerez-vous, moi votre frère?

      Henri venait d’éluder, avec cet esprit incomparable qui était une des plus puissantes facultés de son organisation, la réponse que lui demandait Charles IX; car, sans aucun doute, si cette réponse eût été négative, Henri était mort.

      Aussi, СКАЧАТЬ