La chartreuse de Parme. Stendhal
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Название: La chartreuse de Parme

Автор: Stendhal

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ il fallait donc en arrivant à Paris t’engager dans un régiment. En payant à boire à un maréchal des logis ton affaire était faite!

      La geôlière ajouta beaucoup de bons avis pour l’avenir, et enfin, à la petite pointe du jour mit Fabrice hors de chez elle, après lui avoir fait jurer cent et cent fois que jamais il ne prononcerait son nom, quoi qu’il pût arriver. Dès que Fabrice fut sorti de la petite ville, marchant gaillardement le sabre de hussard sous le bras, il lui vint un scrupule. «Me voici, se dit-il, avec l’habit et la feuille de route d’un hussard mort en prison où l’avait conduit, dit-on, le vol d’une vache et dé quelques couverts d’argent! j’ai pour ainsi dire succédé à son être… et cela sans le vouloir ni le prévoir en aucune manière! Gare la prison!… Le présage est clair, j’aurai beaucoup à souffrir de la prison!»

      Il n’y avait pas une heure que Fabrice avait quitté sa bienfaitrice, lorsque la pluie commença à tomber avec une telle force qu’à peine le nouvel hussard pouvait-il marcher, embarrassé par des bottes grossières qui n’étaient pas faites pour lui. Il fit rencontre d’un paysan monté sur un méchant cheval, il acheta le cheval en s’expliquant par signes; la geôlière lui avait recommandé de parler le moins possible, à cause de son accent.

      Ce jour-là l’armée, qui venait de gagner la bataille de Ligny, était en pleine marche sur Bruxelles, on était à la veille de la bataille de Waterloo. Sur le midi, la pluie à verse continuant toujours, Fabrice entendit le bruit du canon; ce bonheur lui fit oublier tout à fait les affreux moments de désespoir que venait de lui donner cette prison si injuste. Il marcha jusqu’à la nuit très avancée, et comme il commençait à avoir quelque bon sens, il alla prendre son logement dans une maison de paysan fort éloignée de la route. Ce paysan pleurait et prétendait qu’on lui avait tout pris; Fabrice lui donna un écu, et il trouva de l’avoine. «Mon cheval n’est pas beau, se dit Fabrice, mais n’importe! il pourrait bien se trouver du goût de quelque adjudant», et il alla coucher à l’écurie à ses côtés. Une heure avant le jour le lendemain, Fabrice était sur la route, et, à forcé de caresses, il était parvenu à faire prendre le trot à son cheval. Sur les cinq heures, il entendit la canonnade: c’étaient les préliminaires de Waterloo.

      CHAPITRE III

      Fabrice trouva bientôt des vivandières, et l’extrême reconnaissance qu’il avait pour la geôlière de B… le porta à leur adresser la parole; il demanda à l’une d’elles où était le 4c régiment de hussards, auquel il appartenait.

      – Tu ferais tout aussi bien de ne pas tant te presser, mon petit soldat, dit la cantinière touchée par la pâleur et les beaux yeux de Fabrice. Tu n’as pas encore la poigne assez ferme pour les coups de sabre qui vont se donner aujourd’hui. Encore si tu avais un fusil, je ne dis pas, tu pourrais lâcher ta balle tout comme un autre.

      Ce conseil déplut à Fabrice, mais il avait beau pousser son cheval, il ne pouvait aller plus vite que la charrette de la cantinière. De temps à autre le bruit du canon semblait se rapprocher et les empêchait de s’entendre, car Fabrice était tellement hors de lui d’enthousiasme et de bonheur, qu’il avait renoué la conversation. Chaque mot de la cantinière redoublait son bonheur en le lui faisant comprendre. A l’exception de son vrai nom et de sa fuite de prison, il finit par tout dire à cette femme qui semblait si bonne. Elle était fort étonnée et ne comprenait rien du tout à ce que lui racontait ce beau jeune soldat.

      – Je vois le fin mot, s’écria-t-elle enfin d’un air de triomphe: vous êtes un jeune bourgeois amoureux de la femme de quelque capitaine du 4’` de hussards. Votre amoureuse vous aura fait cadeau de l’uniforme que vous portez et vous courez après elle. Vrai, comme Dieu est là-haut, vous n’avez jamais été soldat; mais, comme un brave garçon que vous êtes, puisque votre régiment est au feu, vous voulez y paraître, et ne pas passer pour un capon.

      Fabrice convint de tout: c’était le seul moyen qu’il eût de recevoir de bons conseils. «J’ignore toutes les façons d’agir de ces Français, se disait-il, et, si je ne suis pas guidé par quelqu’un, je parviendrai encore à me faire jeter en prison, et l’on me volera mon cheval».

      – D’abord, mon petit, lui dit la cantinière, qui devenait de plus en plus son amie, conviens que tu n’as pas vingt et un ans: c’est tout le bout du monde si tu en as dix-sept.

      C’était la vérité, et Fabrice l’avoua de bonne grâce.

      – Ainsi, tu n’es pas même conscrit, c’est uniquement à cause des beaux yeux de la madame que tu vas te faire casser les os. Peste! elle n’est pas dégoûtée. Si tu as encore quelques-uns de ces jaunets qu’elle t’a remis, il faut primo que tu achètes un autre cheval; vois comme ta rosse dresse les oreilles quand le bruit du canon ronfle d’un peu près; c’est là un cheval de paysan qui te fera tuer dès que tu seras en ligne. Cette fumée blanche, que tu vois là-bas par-dessus la haie, ce sont des feux de peloton, mon petit! Ainsi, prépare-toi à avoir une fameuse venette, quand tu vas entendre siffler les balles. Tu ferais aussi bien de manger un morceau tandis que tu en as encore le temps.

      Fabrice suivit ce conseil, et, présentant un napoléon à la vivandière, la pria de se payer.

      – C’est pitié de le voir! s’écria cette femme; le pauvre petit ne sait pas seulement dépenser son argent! Tu mériterais bien qu’après avoir empoigné ton napoléon je fisse prendre son grand trot à Cocotte, du diable si ta rosse pourrait me suivre. Que ferais-tu, nigaud, en me voyant détaler? Apprends que, quand le brutal gronde, on ne montre jamais d’or. Tiens, lui dit-elle, voilà dix-huit francs cinquante centimes, et ton déjeuner te coûte trente sous. Maintenant, nous allons bientôt avoir des chevaux à revendre. Si la bête est petite, tu en donneras dix francs, et, dans tous les cas jamais plus de vingt francs, quand ce serait lé cheval des quatre fils Aymon.

      Le déjeuner fini, la vivandière, qui pérorait toujours, fut interrompue par une femme qui s’avançait à travers champs, et qui passa sur la route.

      – Holà, hé! lui cria cette femme; holà! Margot! ton 6c léger est sur la droite.

      – Il faut que je te quitte, mon petit, dit la vivandière à notre héros, mais en vérité tu me fais pitié; j’ai de l’amitié pour toi, sacrédié! Tu ne sais rien de rien tu vas te faire moucher, comme Dieu est Dieu! Viéns-t’en au 6c léger avec moi.

      – Je comprends bien que je ne sais rien, lui dit Fabrice, mais je veux me battre et suis résolu d’aller là-bas vers cette fumée blanche.

      – Regarde comme ton cheval remue les oreilles! Dès qu’il sera là-bas, quelque peu de vigueur qu’il ait, il te forcera la main il se mettra à galoper, et Dieu sait où il te mènera. Veux-tu m’en croire? Dès que tu seras avec les petits soldats ramasse un fusil et une giberne, mets-toi à côté des soldats et fais comme eux. exactement. Mais, mon Dieu, je parie que tu ne sais pas seulement déchirer une cartouche.

      Fabrice, fort piqué, avoua cependant à sa nouvelle amie qu’elle avait deviné juste.

      – Pauvre petit! il va être tué tout de suite; vrai comme Dieu! ça ne sera pas long. Il faut absolument que tu viennes avec moi, reprit la cantinière d’un air d’autorité.

      – Mais je veux me battre.

      – Tu te battras aussi; va, le 6é léger est un fameux, et aujourd’hui il y en a pour tout le monde.

      – Mais serons-nous bientôt à votre régiment?

      – Dans un quart d’heure tout au plus.

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