Le crime de l'omnibus. Fortuné du Boisgobey
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Название: Le crime de l'omnibus

Автор: Fortuné du Boisgobey

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ pouvait guère se dispenser d’entrer au théâtre et d’aller saluer le père et la fille qui exprimaient le désir de l’y voir.

      Et d’ailleurs, c’était là une excellente occasion de chasser les papillons noirs qui le tourmentaient.

      Il se décida donc à s’habiller, et vers six heures, comme il faisait un temps sec, il sortit à pied pour s’en aller dîner sur les grands boulevards, dans un cercle dont il faisait partie et où on le voyait assez rarement.

      Les convives, par hasard, n’étaient pas ennuyeux, et leur gaieté dérida bientôt Freneuse, qui, au fond, n’avait pas de chagrins sérieux. Il causa beaucoup, sur des sujets qui lui plaisaient, et quand vint le moment de s’acheminer vers la Porte-Saint-Martin, il avait complètement oublié ses préoccupations. Il ne pensait plus qu’à Mlle Paulet, et il se préparait à être aimable.

      Mais il était écrit que le hasard d’une rencontre lui rappellerait le déplaisant souvenir d’une sombre aventure.

      En arrivant devant le péristyle du théâtre, il s’arrêta un instant pour achever un excellent cigare, et il ne fut pas peu surpris de s’entendre interpeller en ces termes:

      – Pour sûr, je ne me trompe pas. C’est bien vous.

      La personne qui s’adressait à Freneuse était une grosse femme, coiffée d’un foulard et ceinturonnée d’un éventaire chargé d’oranges.

      Freneuse ne la reconnut pas tout d’abord, mais elle ne lui laissa pas le temps de chercher.

      – Vous ne me remettez pas, reprit-elle d’une voix enrouée. Moi, je vous reconnais bien. C’est vous qui étiez en face de moi, hier soir, dans l’omnibus de la Halle aux vins.

      – Ah! très bien, je me souviens maintenant, balbutia l’artiste ébahi. D’ordinaire les gens que le hasard vous donne pour compagnons de voyage dans les voitures de transport en commun ne s’arrêtent pas pour vous adresser la parole quand ils vous rencontrent le lendemain dans la rue.

      Évidemment, si cette commère interpellait Freneuse sur le trottoir du boulevard Saint-Martin, c’est qu’elle voulait lui parler du triste événement qui était arrivé pendant le trajet.

      Et cependant, elle n’était plus dans l’omnibus quand on s’était aperçu que la jeune fille était morte. Comment se faisait-il donc qu’elle fût si bien informée? Elle ne tarda guère à s’expliquer.

      – Dites donc, commença-t-elle, en v’là une histoire… C’te petite, hein? elle avait passé en route. Qui est-ce qui aurait dit ça? Moi, j’aurais mis ma main au feu qu’elle sommeillait. Ça a dû vous faire un drôle d’effet d’avoir porté une morte, sur votre épaule, sans vous en douter.

      – Comment! vous savez…

      – C’est au bureau de la place Pigalle qu’ils m’ont dit ça, ce matin. Je prends tous les jours la voiture pour aller acheter mes oranges rue des Halles… ça fait que tous les contrôleurs de la station me connaissent… et quand ils m’ont raconté qu’il y avait un grand brun qui avait aidé à descendre le corps, j’ai deviné tout de suite que c’était vous… c’est pas bien malin, vu qu’il n’y avait pas d’autre homme que vous dans l’intérieur.

      – Ce qui est plus fort, c’est que vous vous soyez rappelé ma figure, murmura Freneuse.

      – Oh! moi, quand j’ai vu une tête, je ne l’oublie jamais. Ainsi, tenez, le particulier qui était assis à côté de la petite et qui a cédé sa place, vous croyez peut-être que je n’ai pas fait attention à lui. Il n’est pas resté avec nous cinq minutes. Eh ben, si je le rencontrais, je n’aurais pas besoin de le regarder beaucoup pour dire: «C’est lui».

      Si Binos était là, se dit Freneuse, il se lierait avec cette marchande d’oranges, et il sortirait tous les jours avec elle, dans l’espoir d’utiliser sa mémoire des visages. Je n’ai pas la moindre envie d’en faire autant, mais je suis curieux de savoir ce qu’elle pense de l’aventure d’hier. Et il reprit tout haut:

      – Alors vous reconnaîtriez aussi la dame qui a profité de la complaisance de ce monsieur?

      – Ah! celle-là, non, par exemple. Elle n’a pas seulement montré le bout de son nez. Avec les voiles qu’elles se mettent à présent, c’est pire que si elles étaient masquées. Ça devrait être défendu de se cacher comme ça… parce que… une supposition qu’une femme aurait fait un mauvais coup… une fois partie, pas moyen de mettre la main dessus… Tiens! ça me rappelle que l’employé m’a dit que, sur le moment, vous vous étiez mis dans le toupet que la petite avait été tuée en route; avec quoi donc qu’on l’aurait tuée, je vous demande un peu? Paraît qu’elle n’avait pas seulement une écorchure.

      – Oui… mais cette mort m’avait paru si extraordinaire…

      – C’est vrai qu’elle n’a pas fait beaucoup de bruit. Qu’est-ce que vous voulez! À cet âge-là on n’a pas la vie dure.

      – Alors, vous ne croyez pas que sa voisine…

      – La dame dont personne n’a reluqué la frimousse? Allons donc! si elle lui avait fait du mal, nous l’aurions bien vu. Et puis, c’est pas tout ça. Les médecins ont examiné le corps de la petite, et ils n’ont rien trouvé. Moi, ça ne m’étonne pas qu’elle ait fini sans souffler. Sa figure de papier mâché disait bien qu’elle était malade.

      – Sa figure… vous l’avez donc vue?… Elle était pourtant voilée aussi.

      – C’est vrai, je ne vous ai pas encore conté que je suis entrée à la Morgue… je savais qu’elle y était… et de la pointe Sainte-Eustache à la pointe Notre-Dame, il n’y a pas loin… pour lors donc, j’ai été regarder comme les autres… on faisait queue à la porte… dame! ça se comprend… on n’y expose guère que des noyés, et ça n’est pas joli, un noyé… tandis que la petite était belle comme le jour, et la mort ne l’a pas changée… elle a l’air de dormir.

      «Aussi, je l’ai reconnue… ça n’a pas été long.

      – Vous la connaissiez donc? s’écria Freneuse.

      – Je crois bien que je la connaissais! dit la grosse femme. Je l’ai rencontrée dix fois au marché de la place Saint-Pierre, à Montmartre. Faut vous dire que moi, je reste chaussée Clignancourt.

      – Alors vous savez qui elle était?

      – Pour ça, non, vu que je ne lui ai jamais parlé. Vous comprenez qu’à mon âge on ne potine pas avec des jeunesses… surtout quand on ne sait pas à qui on a affaire. Mais pour ce qui est de l’avoir vue, ah! oui… et je vivrais cent ans, que je n’oublierais jamais sa binette. Elle vous avait des yeux noirs qui brillaient… que ça vous aurait donné envie d’y allumer votre cigare… et une peau veloutée comme du satin blanc… pas de couleurs, par exemple… on aurait dit qu’elle n’avait pas une goutte de sang dans les veines…

      Freneuse avait eu un instant d’émotion. Il ne s’était pas, comme son ami Binos, passionné pour le métier de chercheur, mais le mystère de l’omnibus le préoccupait beaucoup plus qu’il ne se l’avouait à lui-même, et il avait cru que la marchande d’oranges allait l’éclaircir. Mais le renseignement qu’il espérait n’était pas venu.

      Il se dit cependant qu’il y avait peut-être quelques utiles СКАЧАТЬ