L'assassinat du Pont-rouge. Charles Barbara
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Название: L'assassinat du Pont-rouge

Автор: Charles Barbara

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ place. Regarde : janvier, 100 fr. ; février, d° ; mars, d° ; ci 300 fr.

      « Le trimestre suivant, outre une augmentation de vingt-cinq francs par mois, ci 375 fr.

      « J'ai rédigé, à la prière d'un bottier catholique, une brochure sur l'Art de se chausser commodément et modestement, qui m'a été payée cinq cents francs, ci 500 fr.

      « Ce petit livre n'a pas paru, que je sache ; il ne paraîtra peut-être jamais. Peu m'importe ! Il est du reste convenu que mon nom n'y figurera pas.

      « Au troisième trimestre, sans travailler davantage, au lieu de cent vingt-cinq francs par mois, j'en émargeais cent cinquante. Or, si je ne me trompe, voilà un an que cela dure, ce qui fait au total une somme de dix-huit cents francs, ci 1800 fr.

      « Dans l'intervalle, j'ai exécuté divers travaux, entre autres, pour une librairie religieuse, des Petits livres de piété, des Contes pour les enfants, des Histoires de Saints ; le tout, ma foi, assez bien payé. Juges-en, ci 900 fr.

      « J'ai encore publié, à mon compte, l'Almanach des dévots, qui m'a rapporté net deux cents francs, ci 200 fr.

      « J'ajouterai que le duc de L…, séduit par ma belle écriture que tu connais, m'a donné à faire la copie d'un manuscrit de cent cinquante pages, à raison de un franc par page, ce qui fait juste cent cinquante francs, ci 150 fr.

      « Enfin, tout récemment, j'ai reçu du ministère de l'intérieur, bureau des secours généraux, car je ne suis pas fier, une somme de cent francs, ci 100 fr.

      « Somme toute, tu le vois, continua Clément en faisant jouer avec complaisance les feuillets du registre, j'ai énormément travaillé et gagné beaucoup d'argent. Par malheur, eu égard aux choses dont nous avions besoin, telles que linge, habits, meubles, vaisselle, et le reste, ça été un grain de mil dans une gueule d'âne. La grossesse de Rosalie, qui est venue ensuite, a occasionné forcément un surcroît de dépenses. Je ne me rappelle pas sans frémir qu'au moment des couches il n'y avait pas un sou à la maison, et je me demande encore où j'ai trouvé des forces et des ressources pour doubler ce cap terrible. Quoi que j'en eusse, il a bien fallu faire de nouvelles dettes et escompter encore une fois l'avenir. Ce n'est heureusement qu'une gêne momentanée dont le terme est même très-prochain. Tel que tu me vois, je suis résolu à faire de l'industrie ; j'ai déjà sur le chantier une dizaine d'affaires très-belles. C'est étrange, n'est-ce pas ? Mais j'ai pris goût au bien-être, je me suis affolé de considération, et il me semble que je n'aurai jamais assez ni de l'un ni de l'autre. Je prétends payer peu à peu intégralement mes vieilles dettes, vivre dans l'aisance et devenir un parfait honnête homme, selon le monde. C'est si simple ! Pour commencer, j'espère qu'avant peu tu me verras mieux logé et dans un quartier moins triste. Je veux avoir de beaux meubles, acheter un piano, et faire apprendre la musique à cette pauvre Rosalie qui s'ennuie à périr. Nous verrons… »

      Tout en disant cela, Clément inclinait vers la terre un front chargé de rêveries funèbres, ce qui était au moins l'aveu d'une satisfaction bornée.

      Quant aux faits qu'il venait d'égrener complaisamment, ils étaient appuyés de preuves si catégoriques, que l'authenticité n'en pouvait être mise en doute ; aussi, Max ne se préoccupait-il que de connaître le prix auquel Clément avait obtenu une aussi belle place et tant de travaux lucratifs par-dessus le marché. »

      « Voilà où je t'attendais ! » s'écria tout à coup ce dernier en se levant. Il ferma son registre et le remit en place. À la vue du dîner qui était servi : « Mais, dit-il avec une inflexion de voix plus calme, mettons-nous à table, nous causerons tout aussi bien en mangeant. » Il ajouta d'un air profondément ironique : « D'ailleurs, m'est avis qu'il te faut des forces, en prévision des faiblesses que pourra te causer le récit de mes turpitudes préméditées, formellement voulues… »

      Ils n'étaient pas assis depuis cinq minutes l'un devant l'autre et n'avaient pas mangé trois bouchées, que la vieille sourde entra à l'improviste.

      Clément, qui lui avait fait comprendre qu'on n'avait plus besoin d'elle, la regarda avec colère.

      « Qu'est-ce qu'il y a ? lui cria-t-il brutalement.

      – Mme Rosalie vous demande, répondit la vieille femme.

      – Ah ! fit Clément avec des marques d'impatience et de mauvaise humeur, cette diablesse de Rosalie est insupportable ; elle ne peut pas rester un moment seule, il faut toujours que je sois là. »

      Cependant il s'excusa auprès de son ami et suivit la vieille Marguerite.

      Destroy ne savait que penser de tout cela. Quoiqu'il n'eût sous les yeux que des objets capables d'égayer l'esprit, il n'en sentait pas moins des bouffées de tristesse l'oppresser, à peu près comme dans une étincelante et joyeuse cuisine, la fumée acre des viandes grillées vous prend à la gorge et vous étouffe.

      Clément ne tarda pas à revenir.

      « Maintenant, dit-il, nous ne serons plus dérangés ; je lui ai fait prendre un peu d'opium.

      – Qu'avait-elle ? demanda Max.

      – Est-ce que je sais ? fît Clément en haussant les épaules ; elle ne pouvait pas dormir, elle rêvait les yeux ouverts… Laissons cela, revenons à ce que je te disais… »

      Chapitre 5. Ses confidences

      Après avoir mangé quelque temps en silence, il poursuivit :

      « Le titre seul de mes travaux te stupéfie, et tu te demandes ce que j'ai fait pour les avoir. Rien que de facile. Du moment où l'on se décide à ne reculer devant aucune énormité, on ne saurait manquer de réussir. Rappelle-toi en quelles circonstances j'avais accepté la place que j'occupais, il y a deux ans. Je sortais de maladie, j'étais exténué, affreux à voir. En plein hiver, par un froid rigoureux, outre que j'étais sans linge, j'avais un pantalon de toile, des souliers informes, un chapeau gris digne du reste. Pour avoir spéculé incessamment sur l'obligeance d'autrui, je ne trouvais plus que des gens impitoyables jusqu'à la férocité. D'ailleurs, les hommes sont comme les chiens, les haillons les offusquent : je n'inspirais pas moins de peur que de mépris. Il fallait bien, puisque je tenais encore à vivre, user de l'unique ressource que m'offrait le hasard. Mais la fureur me fouettait par instants, comme eût fait le supplice du knout ; sans balancer j'eusse à l'occasion commis un crime. Un dernier désastre acheva de m'exaspérer. Le patron chez lequel, depuis trois mois, moyennant soixante francs par mois et un logement infect, je balayais les bureaux et faisais les courses, disparut tout à coup. Il ne se bornait pas à dépouiller ses clients, à ruiner sa famille, il emportait jusqu'aux appointements de ses commis, jusqu'aux gages de ses domestiques. Le désespoir qui s'empara de Rosalie et de moi, à cette nouvelle, ne peut pas se rendre. Les soixante francs que nous volait cet homme représentait trente jours de notre vie. Nous ne nous étions certainement pas encore trouvés dans une position aussi effroyable. Il ne paraissait pas cette fois que nous pussions jamais sortir de cet abîme. Aussi, fatigués d'une lutte stérile, à bout de patience, passâmes-nous la nuit entière à mûrir sérieusement un projet de suicide. Le courage de mourir était de la faiblesse à côté de celui qui était nécessaire pour continuer de vivre ainsi, et, à coup sûr, nous eussions exécuté notre résolution, si, au matin, heureusement ou malheureusement, un souvenir ne m'avait subitement traversé l'esprit… »

      Les propres paroles de Clément n'ajouteraient rien à l'intérêt de ce qu'il conta. Quelque six mois auparavant, en un jour où précisément il était habillé de neuf, il avait fait la connaissance d'un СКАЧАТЬ