L'assassinat du Pont-rouge. Charles Barbara
Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу L'assassinat du Pont-rouge - Charles Barbara страница 4

Название: L'assassinat du Pont-rouge

Автор: Charles Barbara

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

Серия:

isbn:

isbn:

СКАЧАТЬ reconnaître qu'il manquait absolument de cœur. Il sortait de parents extrêmement pauvres qui s'étaient imposé les plus dures privations pour lui faire apprendre quelque chose. Eh bien ! il en rougissait, il les reniait, il les consignait à sa porte et les laissait dans la misère. Le malheureux semblait n'avoir d'autre vocation que celle de prendre en haine ceux qui lui avaient fait du bien ou l'aimaient. Comment expliquer autrement qu'il délaissât madame Thillard, la beauté, l'amour, le dévouement en personne, pour de malhonnêtes femmes, souvent laides, quelquefois vieilles, toujours dégoûtantes par leurs mœurs, qui le volaient, le ruinaient et se moquaient de lui ?

      – Mais, dit Max tout à coup, où un pareil homme a-t-il pris le courage de se tuer ? »

      Frédéric s'arrêta et regarda Destroy avec étonnement.

      « C'est une question que je me suis adressée plus d'une fois, fit-il en se croisant les bras. Il remarcha et poursuivit : – Sans compter que ce qu'on a trouvé dans son portefeuille était bien peu de chose, par rapport aux sommes qu'il venait de recevoir. Il m'est singulièrement difficile d'admettre, du caractère dont je le connaissais, que le remords se soit emparé de lui. Au total, je ne m'en cache pas, ce suicide n'a cessé d'être pour moi un problème. »

      Il y avait moins de crainte que de surprise et de curiosité dans l'air dont Destroy s'écria aussitôt :

      « Est-ce que vous croiriez ?…

      – Non, non, répéta le vieillard d'un air pensif. D'ailleurs, la justice, qui a de meilleurs yeux que les miens, n'a rien vu de louche dans cette mort.

      – Au surplus, ajouta Max, sa fuite ou sa mort, c'était tout un : madame Thillard et sa mère n'en étaient pas moins irrévocablement ruinées.

      – Évidemment, répliqua Frédéric sur le point de quitter Destroy. Et, voyez-vous, – ici il prit un air capable et respira voluptueusement une énorme prise, – quand je songe à tout cela, je suis tenté de me demander ce que fait le bon Dieu là-haut !… »

      Chapitre 4. Intérieur de Clément

      Clément occupait, dans une vieille maison située rue du Cherche-Midi, un appartement au troisième. L'ameublement, simple et propre, offrait, dans la forme et les couleurs, cette disparité des meubles achetés d'occasion chez divers marchands. On y avait évité avec soin tout ce qui était susceptible d'éveiller la tristesse. Aux murs et aux fenêtres des pièces élevées du logement, rempli de lumière, étaient un papier et des rideaux d'une nuance claire, semée de grosses fleurs rouges, vertes et bleues.

      Une vieille femme vint ouvrir. Avant que Max n'eût parlé, elle dit : « Monsieur n'est pas là. » Mais Clément qui, sans doute d'un observatoire secret, avait reconnu son ami, apparut au moment où celui-ci descendait l'escalier et le rappela.

      « Viens par ici, lui dit-il en l'entraînant à travers plusieurs chambres, nous serons plus tranquilles. Ma femme garde le lit. On a dû la séparer de son enfant, puisqu'elle ne peut nourrir, et elle est très-souffrante. Tu la verras une autre fois. »

      Ils furent bientôt installés dans une petite pièce qui rappelait un cabinet d'hommes d'affaires, à cause d'une bibliothèque en acajou, comblée de livres à reliure uniforme, d'un grand casier dont la double pile de cartons verts était séparée par des registres armés de métal poli, et d'un bureau devant lequel s'ouvraient les bras circulaires d'un fauteuil recouvert de cuir rouge.

      « Tu n'as pas dîné, au moins ? dit Clément à son ami… Nous dînerons ensemble, » ajouta-t-il en tirant de toute sa force le cordon d'une sonnette.

      La vieille femme accourut.

      « Marguerite, cria Clément qui accompagna ses paroles d'une pantomime expressive, vous dresserez la table ici : vous mettrez deux couverts. Ne fais pas attention, dit-il ensuite à Destroy dont le visage accusait de la surprise et des préoccupations, la pauvre vieille est presque sourde.

      – Je l'avais deviné à son air, repartit Max. Ce n'est pas pour t'entendre élever la voix que je suis étonné. À te parler franchement, depuis mon entrée ici, je ne remarque que des choses qui me confondent.

      – Qu'est-ce qui t'étonne donc tant ? demanda Clément.

      – Comment ! fit Destroy, quand on t'a vu, comme je t'ai vu pendant dix ans, vivre au jour la journée, changer d'hôtel tous les quinze jours, prendre racine dans les bals, te railler infatigablement de la vie bourgeoise, tu ne veux pas que je m'étonne de te trouver marié, père de famille, travaillant, économisant, vivant au coin de ton feu, ni plus ni moins qu'un notaire ou qu'un sous-préfet ?

      – C'est précisément parce que j'ai vécu ainsi, dit Clément avec assez de raison, que tu ne devrais pas t'étonner de me voir vivre d'une autre manière.

      – Crois au moins, s'empressa d'ajouter Max, que ma surprise n'a rien de désobligeant pour toi : elle éclate, au contraire, du plaisir que j'éprouve à te rencontrer tout autre. Certes, je t'aime mieux ici que dans cet horrible bouge de la rue Saint-Louis en l'Ile où je t'ai vu avec Rosalie l'avant-dernier automne, je crois. »

      Le tressaillement qui agita les nerfs de Clément attesta que Max venait de lui rappeler un souvenir extrêmement pénible.

      « À moins que tu n'en veuilles à notre repos, dit-il d'un air tout assombri, tu ne parleras jamais, surtout devant ma femme, de ce temps funeste… Tu me feras également plaisir en cessant de t'extasier à notre position nouvelle. Tu seras peut-être tout le premier à l'estimer bien modeste, quand je t'en aurai détaillé l'origine. Outre que j'ai dû me plier à des pratiques honteuses, que de temps il m'a fallu pour parvenir où j'en suis ! Cela ne paraît pas ; mais l'état médiocre où tu me vois, si précaire encore, est pourtant la résultante d'une lutte quotidienne de deux années au moins ; car il y a bien autant que je ne t'ai pas aperçu.

      – Oh ! pas tant, dit Destroy.

      – Au reste, mes livres font foi, dit Clément.

      – Tu tiens aussi des livres ?

      – Certainement, repartit Clément dont le visage brilla de satisfaction, et un journal ! Depuis le moment où j'ai eu cette idée, je puis rendre compte non-seulement de ce que j'ai reçu et dépensé, à un centime près, mais, encore de chacun de mes jours, heure par heure, minute par minute. Je veux te montrer cela. »

      Il se leva en effet, et alla à son casier.

      « Ce n'est pas la peine, disait Max ; il me suffit de te savoir plus heureux. »

      Clément insista.

      « Si, si, répéta-t-il en posant un des registres du casier sur son bureau. Tu pourras toi-même en tirer quelque enseignement. D'ailleurs, il est bon que tu aies de quoi répondre à ceux qui feraient des commentaires sur moi.

      – Quels commentaires veux-tu qu'on fasse ?

      – Peuh ! que sais-je ? moi, fit Clément d'un air ambigu, j'ai tant d'ennemis ! Que je suis de la police, par exemple… »

      Quoique Destroy se déclarât incapable de voir clair dans les livres de comptes, Clément lui mit le registre sous les yeux et l'obligea à l'examiner…

      « Tu t'abuses, lui dit-il, les chiffres ne sont pas si diables qu'ils sont noirs. Il n'y a rien là au-dessus de l'intelligence d'un enfant. Voici la colonne des recettes, puis celle des dépenses. Je te fais grâce СКАЧАТЬ