Название: Le comte de Monte Cristo
Автор: Alexandre Dumas
Издательство: Public Domain
Жанр: Зарубежная классика
isbn:
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– Marin.
– Depuis combien de temps êtes-vous ici?
– Depuis le 28 février 1815.
– Votre crime?
– Je suis innocent.
– Mais de quoi vous accuse-t-on?
– D’avoir conspiré pour le retour de l’Empereur.
– Comment! pour le retour de l’Empereur! l’Empereur n’est donc plus sur le trône?
– Il a abdiqué à Fontainebleau en 1814 et a été relégué à l’île d’Elbe. Mais vous-même, depuis quel temps êtes-vous donc ici, que vous ignorez tout cela?
– Depuis 1811.»
Dantès frissonna; cet homme avait quatre ans de prison de plus que lui.
«C’est bien, ne creusez plus, dit la voix en parlant fort vite; seulement dites-moi à quelle hauteur se trouve l’excavation que vous avez faite?
– Au ras de la terre.
– Comment est-elle cachée?
– Derrière mon lit.
– A-t-on dérangé votre lit depuis que vous êtes en prison?
– Jamais.
– Sur quoi donne votre chambre?
– Sur un corridor.
– Et le corridor?
– Aboutit à la cour.
– Hélas! murmura la voix.
– Oh! mon Dieu! qu’y a-t-il donc? s’écria Dantès.
– Il y a que je me suis trompé, que l’imperfection de mes dessins m’a abusé, que le défaut d’un compas m’a perdu, qu’une ligne d’erreur sur mon plan a équivalu à quinze pieds en réalité, et que j’ai pris le mur que vous creusez pour celui de la citadelle!
– Mais alors vous aboutissiez à la mer?
– C’était ce que je voulais.
– Et si vous aviez réussi!
– Je me jetais à la nage, je gagnais une des îles qui environnent le château d’If, soit l’île de Daume, soit l’île de Tiboulen, soit même la côte, et alors j’étais sauvé.
– Auriez-vous donc pu nager jusque-là?
– Dieu m’eût donné la force; et maintenant tout est perdu.
– Tout?
– Oui. Rebouchez votre trou avec précaution, ne travaillez plus, ne vous occupez de rien, et attendez de mes nouvelles.
– Qui êtes-vous au moins… dites-moi qui vous êtes?
– Je suis… je suis… le no 27.
– Vous défiez-vous donc de moi?» demanda Dantès.
Edmond crut entendre comme un rire amer percer la voûte et monter jusqu’à lui.
«Oh! je suis bon chrétien, s’écria-t-il, devinant instinctivement que cet homme songeait à l’abandonner; je vous jure sur le Christ que je me ferai tuer plutôt que de laisser entrevoir à vos bourreaux et aux miens l’ombre de la vérité; mais, au nom du Ciel, ne me privez pas de votre présence, ne me privez pas de votre voix, ou, je vous le jure, car je suis au bout de ma force, je me brise la tête contre la muraille, et vous aurez ma mort à vous reprocher.
– Quel âge avez-vous? votre voix semble être celle d’un jeune homme.
– Je ne sais pas mon âge, car je n’ai pas mesuré le temps depuis que je suis ici. Ce que je sais, c’est que j’allais avoir dix-neuf ans lorsque j’ai été arrêté, le 18 février 1815.
– Pas tout à fait vingt-six ans, murmura la voix. Allons, à cet âge on n’est pas encore un traître.
– Oh! non! non! je vous le jure, répéta Dantès. Je vous l’ai déjà dit et je vous le redis, je me ferai couper en morceaux plutôt que de vous trahir.
– Vous avez bien fait de me parler; vous avez bien fait de me prier, car j’allais former un autre plan et m’éloigner de vous. Mais votre âge me rassure, je vous rejoindrai, attendez-moi.
– Quand cela?
– Il faut que je calcule nos chances; laissez-moi vous donner le signal.
– Mais vous ne m’abandonnerez pas, vous ne me laisserez pas seul, vous viendrez à moi, ou vous me permettrez d’aller à vous? Nous fuirons ensemble, et si nous ne pouvons fuir, nous parlerons, vous des gens que vous aimez, moi des gens que j’aime. Vous devez aimer quelqu’un?
– Je suis seul au monde.
– Alors vous m’aimerez, moi: si vous êtes jeune, je serai votre camarade; si vous êtes vieux je serai votre fils. J’ai un père qui doit avoir soixante-dix ans, s’il vit encore; je n’aimais que lui et une jeune fille qu’on appelait Mercédès. Mon père ne m’a pas oublié, j’en suis sûr; mais elle Dieu sait si elle pense encore à moi. Je vous aimerai comme j’aimais mon père.
– C’est bien, dit le prisonnier, à demain.»
Ce peu de paroles furent dites avec un accent qui convainquit Dantès; il n’en demanda pas davantage, se releva, prit les mêmes précautions pour les débris tirés du mur qu’il avait déjà prises, et repoussa son lit contre la muraille.
Dès lors, Dantès se laissa aller tout entier à son bonheur; il n’allait plus être seul certainement, peut-être même allait-il être libre; le pis aller, s’il restait prisonnier, était d’avoir un compagnon; or la captivité partagée n’est plus qu’une demi-captivité. Les plaintes qu’on met en commun sont presque des prières; des prières qu’on fait à deux sont presque des actions de grâces.
Toute la journée, Dantès alla et vint dans son cachot, le cœur bondissant de joie. De temps en temps, cette joie l’étouffait: il s’asseyait sur son lit, pressant sa poitrine avec sa main. Au moindre bruit qu’il entendait dans le corridor, il bondissait vers la porte. Une fois ou deux, cette crainte qu’on le séparât de cet homme qu’il ne connaissait point, et que cependant il aimait déjà comme un ami, lui passa par le cerveau. Alors il était décidé: au moment où le geôlier écarterait son lit, baisserait la tête pour examiner l’ouverture, il lui briserait la tête avec le pavé sur lequel était posée sa cruche.
On le condamnerait à mort, il le savait bien; mais n’allaitil pas mourir d’ennui et de désespoir au moment où ce bruit miraculeux l’avait rendu à la vie?
Le soir le geôlier vint; Dantès était sur son lit, de là il lui semblait qu’il gardait mieux l’ouverture inachevée. Sans doute il regarda le visiteur importun d’un œil étrange, car celui-ci lui dit:
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