Les Trois Mousquetaires / Три мушкетера. Александр Дюма
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Название: Les Trois Mousquetaires / Три мушкетера

Автор: Александр Дюма

Издательство: КАРО

Жанр:

Серия: Littérature classique (Каро)

isbn: 978-5-9925-1601-2

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СКАЧАТЬ et Bonacieux, et qu’ils soient gardés plus sévèrement que jamais.

      – Cependant, dit Athos avec son calme habituel, si c’est à M. d’Artagnan que vous avez affaire, je ne vois pas trop en quoi je puis le remplacer.

      – Faites ce que j’ai dit ! s’écria le commissaire, et le secret le plus absolu ! Vous entendez ! »

      Athos suivit ses gardes en levant les épaules, et M. Bonacieux en poussant des lamentations à fendre le coeur d’un tigre.

      On ramena le mercier dans le même cachot où il avait passé la nuit, et l’on l’y laissa toute la journée. Toute la journée Bonacieux pleura comme un véritable mercier, n’étant pas du tout homme d’épée, il nous l’a dit lui-même.

      Le soir, vers les neuf heures, au moment où il allait se décider à se mettre au lit, il entendit des pas dans son corridor. Ces pas se rapprochèrent de son cachot, sa porte s’ouvrit, des gardes parurent.

      « Suivez-moi, dit un exempt qui venait à la suite des gardes.

      – Vous suivre ! s’écria Bonacieux ; vous suivre à cette heure-ci ! et où cela, mon Dieu ?

      – Où nous avons l’ordre de vous conduire.

      – Mais ce n’est pas une réponse, cela.

      – C’est cependant la seule que nous puissions vous faire.

      – Ah ! mon Dieu, mon Dieu, murmura le pauvre mercier, pour cette fois je suis perdu ! »

      Et il suivit machinalement et sans résistance les gardes qui venaient le quérir.

      Il prit le même corridor qu’il avait déjà pris, traversa une première cour, puis un second corps de logis ; enfin, à la porte de la cour d’entrée, il trouva une voiture entourée de quatre gardes à cheval. On le fit monter dans cette voiture, l’exempt se plaça près de lui, on ferma la portière à clef, et tous deux se trouvèrent dans une prison roulante.

      La voiture se mit en mouvement, lente comme un char funèbre. À travers la grille cadenassée, le prisonnier apercevait les maisons et le pavé, voilà tout ; mais, en véritable Parisien qu’il était, Bonacieux reconnaissait chaque rue aux bornes, aux enseignes, aux réverbères. Au moment d’arriver à Saint-Paul, lieu où l’on exécutait les condamnés de la Bastille, il faillit s’évanouir et se signa deux fois. Il avait cru que la voiture devait s’arrêter là. La voiture passa cependant.

      Plus loin, une grande terreur le prit encore, ce fut en côtoyant le cimetière Saint-Jean où on enterrait les criminels d’État. Une seule chose le rassura un peu, c’est qu’avant de les enterrer on leur coupait généralement la tête, et que sa tête à lui était encore sur ses épaules. Mais lorsqu’il vit que la voiture prenait la route de la Grève, qu’il aperçut les toits aigus de l’hôtel de ville, que la voiture s’engagea sous l’arcade, il crut que tout était fini pour lui, voulut se confesser à l’exempt, et, sur son refus, poussa des cris si pitoyables que l’exempt annonça que, s’il continuait à l’assourdir ainsi, il lui mettrait un bâillon.

      Cette menace rassura quelque peu Bonacieux : si l’on eût dû l’exécuter en Grève, ce n’était pas la peine de le bâillonner, puisqu’on était presque arrivé au lieu de l’exécution. En effet, la voiture traversa la place fatale sans s’arrêter. Il ne restait plus à craindre que la Croix-du-Trahoir : la voiture en prit justement le chemin.

      Cette fois, il n’y avait plus de doute, c’était à la Croix-du-Trahoir qu’on exécutait les criminels subalternes. Bonacieux s’était flatté en se croyant digne de Saint-Paul ou de la place de Grève : c’était à la Croix-du-Trahoir qu’allaient finir son voyage et sa destinée ! Il ne pouvait voir encore cette malheureuse croix, mais il la sentait en quelque sorte venir au-devant de lui. Lorsqu’il n’en fut plus qu’à une vingtaine de pas, il entendit une rumeur, et la voiture s’arrêta. C’était plus que n’en pouvait supporter le pauvre Bonacieux, déjà écrasé par les émotions successives qu’il avait éprouvées ; il poussa un faible gémissement, qu’on eût pu prendre pour le dernier soupir d’un moribond, et il s’évanouit.

      XIV. L’homme de Meung

      Ce rassemblement était produit non point par l’attente d’un homme qu’on devait pendre, mais par la contemplation d’un pendu.

      La voiture, arrêtée un instant, reprit donc sa marche, traversa la foule, continua son chemin, enfila la rue Saint-Honoré, tourna la rue des Bons-Enfants et s’arrêta devant une porte basse.

      La porte s’ouvrit, deux gardes reçurent dans leurs bras Bonacieux, soutenu par l’exempt ; on le poussa dans une allée, on lui fit monter un escalier, et on le déposa dans une antichambre.

      Tous ces mouvements s’étaient opérés pour lui d’une façon machinale.

      Il avait marché comme on marche en rêve ; il avait entrevu les objets à travers un brouillard ; ses oreilles avaient perçu des sons sans les comprendre ; on eût pu l’exécuter dans ce moment qu’il n’eût pas fait un geste pour entreprendre sa défense, qu’il n’eût pas poussé un cri pour implorer la pitié.

      Il resta donc ainsi sur la banquette, le dos appuyé au mur et les bras pendants, à l’endroit même où les gardes l’avaient déposé.

      Cependant, comme, en regardant autour de lui, il ne voyait aucun objet menaçant, comme rien n’indiquait qu’il courût un danger réel, comme la banquette était convenablement rembourrée, comme la muraille était recouverte d’un beau cuir de Cordoue, comme de grands rideaux de damas rouge flottaient devant la fenêtre, retenus par des embrasses d’or, il comprit peu à peu que sa frayeur était exagérée, et il commença de remuer la tête à droite et à gauche et de bas en haut.

      À ce mouvement, auquel personne ne s’opposa, il reprit un peu de courage et se risqua à ramener une jambe, puis l’autre ; enfin, en s’aidant de ses deux mains, il se souleva sur sa banquette et se trouva sur ses pieds.

      En ce moment, un officier de bonne mine ouvrit une portière, continua d’échanger encore quelques paroles avec une personne qui se trouvait dans la pièce voisine, et se retournant vers le prisonnier :

      « C’est vous qui vous nommez Bonacieux ? dit-il.

      – Oui, monsieur l’officier, balbutia le mercier, plus mort que vif, pour vous servir.

      – Entrez », dit l’officier.

      Et il s’effaça pour que le mercier pût passer. Celui-ci obéit sans réplique, et entra dans la chambre où il paraissait être attendu.

      C’était un grand cabinet, aux murailles garnies d’armes offensives et défensives, clos et étouffé, et dans lequel il y avait déjà du feu, quoique l’on fût à peine à la fin du mois de septembre. Une table carrée, couverte de livres et de papiers sur lesquels était déroulé un plan immense de la ville de La Rochelle, tenait le milieu de l’appartement.

      Debout devant la cheminée était un homme de moyenne taille, à la mine haute et fière, aux yeux perçants, au front large, à la figure amaigrie qu’allongeait encore une royale surmontée d’une paire de moustaches. Quoique cet homme eût trente-six à trente-sept ans à peine, cheveux, moustache et royale s’en allaient grisonnant. Cet homme, moins l’épée, avait toute la mine d’un homme de guerre, et ses bottes de buffle encore légèrement couvertes de poussière indiquaient qu’il СКАЧАТЬ