Название: Les Trois Mousquetaires / Три мушкетера
Автор: Александр Дюма
Издательство: КАРО
Серия: Littérature classique (Каро)
isbn: 978-5-9925-1601-2
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– Boisrenard.
– Monsieur Boisrenard !
– À la vôtre, mon gentilhomme : comment vous nommez-vous, à votre tour, s’il vous plaît ?
– D’Artagnan.
– À la vôtre, monsieur d’Artagnan !
– Et par-dessus toutes celles-là, s’écria d’Artagnan comme emporté par son enthousiasme, à celle du roi et du cardinal. »
Le chef des sbires eût peut-être douté de la sincérité de d’Artagnan, si le vin eût été mauvais ; mais le vin était bon, il fut convaincu.
« Mais quelle diable de vilenie avez-vous donc faite là ? dit Porthos lorsque l’alguazil en chef eut rejoint ses compagnons, et que les quatre amis se retrouvèrent seuls. Fi donc ! quatre mousquetaires laisser arrêter au milieu d’eux un malheureux qui crie à l’aide ! Un gentilhomme trinquer avec un recors !
– Porthos, dit Aramis, Athos t’a déjà prévenu que tu étais un niais, et je me range de son avis. D’Artagnan, tu es un grand homme, et quand tu seras à la place de M. de Tréville, je te demande ta protection pour me faire avoir une abbaye.
– Ah çà, je m’y perds, dit Porthos, vous approuvez ce que d’Artagnan vient de faire ?
– Je le crois parbleu bien, dit Athos ; non seulement j’approuve ce qu’il vient de faire, mais encore je l’en félicite.
– Et maintenant, messieurs, dit d’Artagnan sans se donner la peine d’expliquer sa conduite à Porthos, tous pour un, un pour tous, c’est notre devise, n’est-ce pas ?
– Cependant… dit Porthos.
– Étends la main et jure ! » s’écrièrent à la fois Athos et Aramis.
Vaincu par l’exemple, maugréant tout bas, Porthos étendit la main, et les quatre amis répétèrent d’une seule voix la formule dictée par d’Artagnan :
« Tous pour un, un pour tous. »
« C’est bien, que chacun se retire maintenant chez soi, dit d’Artagnan comme s’il n’avait fait autre chose que de commander toute sa vie, et attention, car à partir de ce moment, nous voilà aux prises avec le cardinal. »
X. Une souricière au XVIIe siècle
L’invention de la souricière ne date pas de nos jours ; dès que les sociétés, en se formant, eurent inventé une police quelconque, cette police, à son tour, inventa les souricières.
Comme peut-être nos lecteurs ne sont pas familiarisés encore avec l’argot de la rue de Jérusalem, et que c’est, depuis que nous écrivons – et il y a quelque quinze ans de cela —, la première fois que nous employons ce mot appliqué à cette chose, expliquons-leur ce que c’est qu’une souricière.
Quand, dans une maison quelle qu’elle soit, on a arrêté un individu soupçonné d’un crime quelconque, on tient secrète l’arrestation ; on place quatre ou cinq hommes en embuscade dans la première pièce, on ouvre la porte à tous ceux qui frappent, on la referme sur eux et on les arrête ; de cette façon, au bout de deux ou trois jours, on tient à peu près tous les familiers de l’établissement.
Voilà ce que c’est qu’une souricière.
On fit donc une souricière de l’appartement de maître Bonacieux, et quiconque y apparut fut pris et interrogé par les gens de M. le cardinal. Il va sans dire que, comme une allée particulière conduisait au premier étage qu’habitait d’Artagnan, ceux qui venaient chez lui étaient exemptés de toutes visites.
D’ailleurs les trois mousquetaires y venaient seuls ; ils s’étaient mis en quête chacun de son côté, et n’avaient rien trouvé, rien découvert. Athos avait été même jusqu’à questionner M. de Tréville, chose qui, vu le mutisme habituel du digne mousquetaire, avait fort étonné son capitaine. Mais M. de Tréville ne savait rien, sinon que, la dernière fois qu’il avait vu le cardinal, le roi et la reine, le cardinal avait l’air fort soucieux, que le roi était inquiet, et que les yeux rouges de la reine indiquaient qu’elle avait veillé ou pleuré. Mais cette dernière circonstance l’avait peu frappé, la reine, depuis son mariage, veillant et pleurant beaucoup.
M. de Tréville recommanda en tout cas à Athos le service du roi et surtout celui de la reine, le priant de faire la même recommandation à ses camarades.
Quant à d’Artagnan, il ne bougeait pas de chez lui. Il avait converti sa chambre en observatoire. Des fenêtres il voyait arriver ceux qui venaient se faire prendre ; puis, comme il avait ôté les carreaux du plancher, qu’il avait creusé le parquet et qu’un simple plafond le séparait de la chambre au-dessous, où se faisaient les interrogatoires, il entendait tout ce qui se passait entre les inquisiteurs et les accusés.
Les interrogatoires, précédés d’une perquisition minutieuse opérée sur la personne arrêtée, étaient presque toujours ainsi conçus :
« Mme Bonacieux vous a-t-elle remis quelque chose pour son mari ou pour quelque autre personne ?
– M. Bonacieux vous a-t-il remis quelque chose pour sa femme ou pour quelque autre personne ?
– L’un et l’autre vous ont-ils fait quelque confidence de vive voix ? »
« S’ils savaient quelque chose, ils ne questionneraient pas ainsi, se dit à lui-même d’Artagnan. Maintenant, que cherchent-ils à savoir ? Si le duc de Buckingham ne se trouve point à Paris et s’il n’a pas eu ou s’il ne doit point avoir quelque entrevue avec la reine. »
D’Artagnan s’arrêta à cette idée, qui, d’après tout ce qu’il avait entendu, ne manquait pas de probabilité.
En attendant, la souricière était en permanence, et la vigilance de d’Artagnan aussi.
Le soir du lendemain de l’arrestation du pauvre Bonacieux, comme Athos venait de quitter d’Artagnan pour se rendre chez M. de Tréville, comme neuf heures venaient de sonner, et comme Planchet, qui n’avait pas encore fait le lit, commençait sa besogne, on entendit frapper à la porte de la rue ; aussitôt cette porte s’ouvrit et se referma : quelqu’un venait de se prendre à la souricière.
D’Artagnan s’élança vers l’endroit décarrelé, se coucha ventre à terre et écouta.
Des cris retentirent bientôt, puis des gémissements qu’on cherchait à étouffer. D’interrogatoire, il n’en était pas question.
« Diable ! se dit d’Artagnan, il me semble que c’est une femme : on la fouille, elle résiste, – on la violente, – les misérables ! »
Et d’Artagnan, malgré sa prudence, se tenait à quatre pour ne pas se mêler à la scène qui se passait au-dessous de lui.
« Mais je vous dis que je suis la maîtresse de la maison, messieurs ; je vous dis que je suis Mme Bonacieux, je vous dis que j’appartiens à la reine ! » s’écriait la malheureuse femme.
« Mme Bonacieux ! murmura d’Artagnan ; serais-je assez heureux pour avoir trouvé ce que tout le monde cherche ? »
« C’est СКАЧАТЬ