Mémoires d'un cambrioleur retiré des affaires. Galopin Arnould
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Название: Mémoires d'un cambrioleur retiré des affaires

Автор: Galopin Arnould

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066083403

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СКАЧАТЬ nous étions déjà engagés dans la rue Balzac.

      Manzana tremblait comme une feuille; de grosses gouttes de sueur roulaient sur sa face brune. Dès qu'il se vit hors de danger, il souffla bruyamment, passa son mouchoir sur son front et me dit d'une voix sèche:

      —Mon cher Pipe, nous ne pouvons demeurer un jour de plus à Paris... La femme que vous venez de voir va me dénoncer à la police... et...

      Il n'acheva pas... Les mots s'étranglaient dans sa gorge.

      —Ne vous alarmez pas ainsi, répondis-je... Paris est vaste... avant que l'on vous retrouve.

      —Oh!... cette maudite femme est très puissante... elle a de hautes relations... dans une heure, peut-être avant, j'aurai les agents de la Sûreté à mes trousses... Je me doutais qu'elle était à Paris... Il faut fuir... fuir le plus vite possible!... Allons n'importe où... gagnons l'Angleterre; de là, nous verrons à passer en Hollande... mais ne perdons pas une minute... rentrons chez moi, nous allons prendre une décision.

      Cette petite aventure m'avait certainement moins ému que Manzana. Je dirai même qu'elle n'était point pour me déplaire, car elle rabattait singulièrement le caquet de mon compagnon et mettait sur sa vie une ombre plutôt fâcheuse.

      Je m'étais bien douté, dès le premier instant, qu'il devait avoir un passé des plus louches... mais je ne supposais pas qu'il pût être un assassin. Décidément, il devenait par trop compromettant et il était temps de le «semer», comme on dit vulgairement. A Paris, cela m'était difficile, mais là-bas, à Londres, je pensais y arriver assez vite.

      Il importait, pour le moment, de ne pas éveiller ses soupçons, d'avoir l'air d'accepter, comme une chose toute naturelle, une situation que le hasard semblait avoir compliquée à dessein. Ah! si j'avais eu mon diamant en poche, comme j'eusse laissé arrêter avec plaisir ce compagnon antipathique, car, je dois le dire, Manzana était terriblement antipathique. Il avait un masque ingrat, des allures de portefaix, une vilaine voix cuivrée qui vous écorchait les oreilles et une certaine façon de rouler les r qui m'horripilait.

      Pour moi, qui ai l'usage du monde et qu'une certaine délicatesse native pousse à rechercher les gens bien élevés, la compagnie de Manzana était un véritable supplice.

      Il y a des canailles qui ont un certain vernis et avec lesquelles un gentleman peut parfois, sinon s'entendre, du moins vivre en bonne intelligence, mais il y en a d'autres (et mon compagnon était de celles-là) qui n'inspirent que mépris et dégoût.

      Plaquer ce goujat, tel était mon dessein, mais pour cela, il fallait que je rentrasse en possession de mon diamant et ce n'était pas chose facile, car, je crois déjà l'avoir dit, mon horrible associé avait sur moi l'avantage de la force.

      Je ne pouvais lui opposer que la ruse, et c'est à quoi je m'employai.

      Dès que nous fûmes rentrés boulevard de Courcelles, que nous nous fûmes enfermés dans l'appartement que je partageais provisoirement avec Manzana, ce dernier qui était encore tout bouleversé par la petite scène de l'avenue des Champs-Elysées, m'exposa sa détresse, en ayant soin, bien entendu, de se donner le beau rôle dans le drame obscur que je croyais deviner.

      Il me confia que la femme que nous avions rencontrée et qui l'avait si odieusement interpellé avait été sa maîtresse, qu'il l'avait quittée brusquement et qu'aujourd'hui elle cherchait à se venger de lui, en inventant, comme toutes les maîtresses trompées, un tas de calomnies sur son compte. Il n'avait heureusement rien à craindre, affirmait-il, car si on l'arrêtait, il n'aurait pas de peine à faire tomber une à une les accusations que porterait contre lui son ennemie, mais il préférait éviter une confrontation désagréable dont parleraient sans doute les journaux et qui jetterait sur son nom un discrédit fâcheux, là-bas, en Colombie où ses proches occupaient tous de hautes situations.

      Je feignis de m'apitoyer sur son sort et de prendre pour argent comptant toutes les stupidités qu'il me débitait, mais avec une adresse machiavélique, je m'ingéniai à l'effrayer, distillant, goutte à goutte mes petits effets de terreur, lui rappelant certaines histoires d'innocents que l'on avait guillotinés, lui vantant l'adresse et le flair des policiers français, exagérant à plaisir les captures sensationnelles de malfaiteurs imaginaires.

      J'arrivai de la sorte à le déprimer, à l'abrutir, et cet homme, qui était mon maître quelques heures auparavant, ne tarda pas à devenir presque mon esclave. Profitant de l'ascendant que j'exerçais maintenant sur lui, je réglai seul nos préparatifs de départ. J'avais eu un moment l'idée de vendre les meubles qui garnissaient mon logement de Montmartre, mais je réfléchis que cela me serait impossible, car j'étais en meublé, moi aussi, et mon concierge, cerbère impitoyable, surveillait la maison avec un zèle exagéré. En toute autre circonstance, je n'aurais pas hésité à tenter quelque bon petit cambriolage qui m'eût assuré la tranquillité pour un mois ou deux, mais aujourd'hui, j'étais craintif.

      Oui, le croirait-on? Moi, Edgar Pipe, dont les exploits étaient célèbres, quoique anonymes, je n'osais plus aujourd'hui tenter quoi que ce fût, et cela, à cause de ce bandit de Manzana qui était, par la force, devenu le dépositaire du Régent.

      Et pourtant, il fallait fuir, quitter Paris le plus vite possible, car je prévoyais bien que mon associé allait se faire pincer... Si on l'arrêtait, j'étais perdu. On perquisitionnerait chez lui, on trouverait le diamant et je verrais pour toujours s'écrouler mes rêves d'avenir.

      Manzana s'était étendu sur son divan. Il semblait réfléchir, mais en réalité, il ne pensait à rien, car il était littéralement abruti. La rencontre qu'il avait faite l'avait plongé dans une prostration profonde...

      —Voyons, lui dis-je, il faudrait prendre une décision.

      —Evidemment, répondit-il... Je cherche... mais je ne trouve rien...

      —Ecoutez, je crois avoir résolu le problème...

      —Pas possible!

      —Oh! ce n'est pas fameux, je vous préviens, mais enfin, faute de grives...

      —Oui... oui... exposez votre idée.

       Table des matières

      OU JE REPRENDS ENFIN L'AVANTAGE

      Je rapprochai du divan la chaise sur laquelle j'étais assis à califourchon, et dis à Manzana qui s'était soulevé sur son coude et me regardait anxieux:

      —Pour entreprendre le voyage en Hollande dont je vous ai parlé, il nous fallait environ deux mille francs, mais puisque nous avons décidé de passer en Angleterre, nous pouvons nous contenter d'une somme plus modeste... Nous verrons là-bas, à nous arranger... J'ai d'ailleurs quelques amis à Londres, et ils ne demanderont certes pas mieux que de m'obliger... Pour le moment, il nous faudrait au minimum trois cents francs...

      —Vous croyez?

      —Oui...

      —Mais au point où nous en sommes, mon cher Pipe, trois cents francs sont aussi difficiles à trouver que deux mille...

      —Ce n'est pas mon avis...

      —Vous СКАЧАТЬ