Название: Les enfants des bois
Автор: Майн Рид
Издательство: Bookwire
Жанр: Книги для детей: прочее
isbn: 4064066082239
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J'ai lu beaucoup d'ouvrages relatifs aux sauterelles; mais, puisqu'on a cité la Bible, je dois dire que je ne connais pas de description de ces insectes aussi vraie et aussi belle que celle du livre saint. Faut-il la lire, mon père?
—Certainement, répondit le porte-drapeau, satisfait de la tournure que prenait la conversation.
Gertrude courut à la chambre voisine et en rapporta un énorme volume relié en peau de canaa et solidifié par deux gros fermoirs de cuivre. C'était la Bible de famille; et qu'il me soit permis de faire observer à ce propos qu'on trouve presque chez tous les boors un livre semblable, car les colons hollandais sont des protestants pleins de ferveur. Leur zèle est tel, qu'ils n'hésitent pas à faire quatre fois par an un voyage de cent milles pour assister au nacht-maal ou souper des grandes fêtes solennelles. Qu'en dites-vous?
Hans ouvrit le volume et chercha le livre du prophète Joel. La facilité avec laquelle il trouva le passage auquel il avait fait allusion prouvait que l'étude de l'Ecriture lui était familière.
Il lut ce qui suit:
«La sauterelle a mangé les restes de la chenille, le ver les restes de la sauterelle, et la nielle les restes du ver.
»Réveillez-vous, hommes enivrés; pleurez et criez, vous tous qui mettez vos délices à boire du vin, parce qu'il vous sera ôté de la bouche.
»Car un peuple fort et innombrable vient fondre sur ma terre. Ses dents sont comme les dents d'un lion.
»Il réduira ma vigne en un désert; il arrachera l'écorce de mes figuiers, il les dépouillera de toutes leurs figues, et leurs branches demeureront toutes sèches et toutes nues.
»Pleurez comme une jeune femme qui se revêt d'un sac pour pleurer celui qu'elle avait épousé étant fille.
»Les oblations du blé et du vin sont bannies de la maison du Seigneur; les prêtres, les ministres du Seigneur pleurent.
»Pourquoi les bêtes se plaignent-elles? pourquoi les bœufs font-ils retentir leurs mugissements, sinon parce qu'ils ne trouvent rien à paître et que les troupeaux, même de brebis, périssent comme eux?
»Jour de ténèbres et d'obscurités, jour de nuages et de tempêtes! comme la lumière du matin se répand en un instant sur les montagnes, ainsi un peuple nombreux et puissant se répandra tout d'un coup sur toute la terre.
»Il est précédé d'un feu dévorant, et suivi d'une flamme qui brûle tout. La campagne qu'il a trouvée comme un Eden n'est, après lui, qu'un désert affreux, et nul n'échappe à sa violence.
»A les voir marcher, on les prendrait pour des chevaux de combat, et ils s'élanceront comme des cavaliers.
»Ils sauteront sur le sommet des montagnes avec un bruit semblable à celui des chariots armés et d'un feu qui brûle de la paille sèche; et ils s'avanceront comme une puissante armée qui se prépare au combat.
»Les peuples, à leur approche, trembleront d'effroi; on ne verra partout que des visages ternis et plombés.
»Ils courront comme de vaillants soldats, ils monteront sur les murs comme des hommes de guerre; ils marcheront serrés dans leurs rangs, sans que jamais ils quittent leur route.
»Ils ne se presseront point les uns les autres; chacun gardera la place qui lui a été marquée; ils se glisseront par les moindres ouvertures, sans avoir besoin de rien abattre.
»Ils pénétreront dans les villes; ils courront sur les remparts; ils monteront jusqu'au haut des maisons, et ils entreront par les fenêtres comme un voleur.
»La terre tremblera devant eux, les cieux seront ébranlés, le soleil et la lune seront obscurcis, et on ne verra plus l'éclat des étoiles.»
L'ignorant Swartboy lui-même fut frappé de la beauté poétique de cette description; mais, tout en admirant les inspirations de Joel, il voulut aussi dire son mot sur les sauterelles.
—Le Bosjesman ne craint pas les sauterelles. Il n'a ni jardin, ni maïs, ni sarrasin, ni rien que les sauterelles puissent manger. Ce sont elles qui sont mangées par le Bosjesman, et il s'en engraisse. Toutes les créatures mangent de même les sauterelles; toutes deviennent grasses pendant la saison des sauterelles. Vivent les sauterelles!
Les observations de Swartboy étaient assez justes. Les criquets émigrants servent de nourriture à presque tous les animaux connus du sud de l'Afrique. Non-seulement les carnivores s'en repaissent avec plaisir, mais encore elles sont la proie des antilopes, des lions, des chacals, des perdrix, des poules de Guinée, des outardes, et, ce qui est étrange, du géant des bois africains, du monstrueux éléphant. Tous ces animaux entreprennent de longs voyages à la suite des insectes voyageurs, dont les moutons, les chevaux, les chiens, les poules sont également avides.
Chose plus étrange encore! les locustes se mangent entre elles. Qu'une d'elles soit blessée et fasse obstacle à la marche, les autres se jettent immédiatement sur la malheureuse et s'en rassasient!
Les peuplades indigènes, Hottentots, Bosjesmans, Damaras, grands et petits Namaquas, font subir aux sauterelles une préparation culinaire qui n'est pas exempte de raffinement. Swartboy passa la soirée à faire cuire celles qu'il avait ramassées. Il mit dans une marmite une très petite quantité d'eau, et laissa mijoter ses insectes à la vapeur pendant deux heures consécutives. Il les retira, les mit sécher et les secoua dans une poêle jusqu'à ce que les pattes et les ailes fussent détachées des corps. Il ne restait plus qu'à les vanner. Les grosses lèvres du Bosjesman soufflèrent tant et si bien que les ailes et les pattes s'envolèrent.
Les sauterelles étaient bonnes à manger. Il ne fallait plus qu'un peu de sel pour les rendre plus savoureuses. Tous les assistants s'en régalèrent, et les enfants leur trouvèrent un excellent goût. Beaucoup de personnes considèrent les locustes ainsi préparées comme préférables aux crevettes.
Quelquefois, quand elles sont parfaitement sèches, on les broie en y ajoutant de l'eau, et l'on en fait une espèce de bouillie. Une fois desséchées, elles se gardent pendant longtemps, et forment souvent la base de l'alimentation des pauvres indigènes pendant toute une saison.
Un grand nombre de tribus, principalement celles qui ne s'adonnent pas à l'agriculture, accueillent avec joie l'apparition des sauterelles. Ils sortent de leurs villages avec des sacs et des bœufs de somme, pour ramasser la manne que le ciel leur envoie, et ils en récoltent d'immenses monceaux qu'ils emmagasinent comme du grain.
L'entretien roula sur ces détails jusqu'à l'heure du repos. Le porte-drapeau retourna observer le vent; puis la porte du kraal fut fermée et toute la famille s'endormit.
CHAPITRE V.
LE LENDEMAIN
Le porte-drapeau eut un sommeil agité. Il rêva de locustes, de criquets, de sauterelles, de toute sorte d'insectes aux longues pattes et aux yeux à fleur de tête.
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