Les compagnons de Jéhu. Alexandre Dumas
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Название: Les compagnons de Jéhu

Автор: Alexandre Dumas

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

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isbn: 4064066088774

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СКАЧАТЬ royale seule déployée. Le roi commença le blocus; ce blocus dura trois mois, pendant lesquels, dit le chroniqueur, les bourgeois d'Avignon rendirent aux soldats français flèches pour flèches, blessures pour blessures, mort pour mort.

      La ville capitula enfin. Louis VIII conduisait dans son armée le cardinal-légat romain de Saint-Ange; ce fut lui qui dicta les conditions, véritables conditions de prêtre, dures et absolues.

      Les Avignonnais furent condamnés à démolir leurs remparts, à combler leurs fossés, à abattre trois cents tours, à livrer leurs navires, à brûler leurs engins et leurs machines de guerre. Ils durent, en outre, payer une contribution énorme, abjurer l'hérésie vaudoise, entretenir en Palestine trente hommes d'armes parfaitement armés et équipés pour y concourir à la délivrance du tombeau du Christ. Enfin, pour veiller à l'accomplissement de ces conditions, dont la bulle existe encore dans les archives de la ville, il fut fondé une confrérie de pénitents qui, traversant plus des six siècles, s'est perpétuée jusqu'à nos jours.

      En opposition avec ces pénitents, qu'on appelait les pénitents blancs, se fonda l'ordre des pénitents noirs, tout imprégnés de l'esprit d'opposition de Raymond de Toulouse.

      À partir de ce jour, les haines religieuses devinrent des haines politiques.

      Ce n'était point assez pour Avignon d'être la terre de l'hérésie, il fallait qu'elle devînt le théâtre du schisme. Qu'on nous permette, à propos de la Rome française, une courte digression historique; à la rigueur, elle ne serait point nécessaire au sujet que nous traitons, et peut-être ferions-nous mieux d'entrer de plein bond dans le drame; mais nous espérons qu'on nous la pardonnera. Nous écrivons surtout pour ceux qui, dans un roman, aiment à rencontrer parfois autre chose que du roman.

      En 1285, Philippe le Bel monta sur le trône.

      C'est une grande date historique que cette date de 1285. La papauté, qui, dans la personne de Grégoire VII, a tenu tête à l'empereur d'Allemagne; la papauté, qui, vaincue matériellement par Henri IV, l'a vaincu moralement; la papauté est souffletée par un simple gentilhomme sabin, et le gantelet de fer de Colonna rougit la face de Boniface VIII.

      Mais le roi de France, par la main duquel le soufflet avait été réellement donné, qu'allait-il advenir de lui sous le successeur de Boniface VIII?

      Ce successeur, c'était Benoît XI, homme de bas lieu, mais qui eût été un homme de génie peut-être, si on lui en eût donné le temps.

      Trop faible pour heurter en face Philippe le Bel, il trouva un moyen que lui eût envié, deux cents ans plus tard, le fondateur d'un ordre célèbre: il pardonna hautement, publiquement à Colonna.

      Pardonner à Colonna, c'était déclarer Colonna coupable; les coupables seuls ont besoin de pardon.

      Si Colonna était coupable, le roi de France était au moins son

       complice.

       Il y avait quelque danger à soutenir un pareil argument; aussi

       Benoît XI ne fut-il pape que huit mois.

      Un jour, une femme voilée, qui se donnait pour converse de Sainte- Pétronille à Pérouse, vint, comme il était, à table, lui présenter une corbeille de figues.

      Un aspic y était-il caché, comme dans celle de Cléopâtre? Le fait est que, le lendemain, le saint-siège était vacant.

      Alors Philippe le Bel eut une idée étrange, si étrange, qu'elle dut lui paraître d'abord une hallucination.

      C'était de tirer la papauté de Rome, de l'amener en France, de la mettre en geôle et de lui faire battre monnaie à son profit.

      Le règne de Philippe le Bel est l'avènement de l'or.

      L'or, c'était le seul et unique dieu de ce roi qui avait souffleté un pape. Saint Louis avait eu pour ministre un prêtre, le digne abbé Suger; Philippe le Bel eut pour ministres deux banquiers, les deux Florentins Biscio et Musiato.

      Vous attendez-vous, cher lecteur, à ce que nous allons tomber dans ce lieu commun philosophique qui consiste à anathématiser l'or? Vous vous tromperiez.

      Au treizième siècle, l'or est un progrès.

      Jusque-là on ne connaissait que la terre.

      L'or, c'était la terre monnayée, la terre mobile, échangeable, transportable, divisible, subtilisée, spiritualisée, pour ainsi dire.

      Tant que la terre n'avait pas eu sa représentation dans l'or, l'homme, comme le dieu Terme, cette borne des champs, avait eu les pieds pris dans la terre. Autrefois, la terre emportait l'homme; aujourdhui, c'est l'homme qui emporte la terre.

      Mais l'or, il fallait le tirer d'où il était; et où il était, il était bien autrement enfoui que dans les mines du Chili ou de Mexico.

      L'or était chez les juifs et dans les églises.

      Pour le tirer de cette double mine, il fallait plus qu'un roi, il fallait un pape.

      C'est pourquoi Philippe le Bel, le grand tireur d'or, résolut d'avoir un pape à lui.

      Benoît XI mort, il y avait conclave à Pérouse; les cardinaux français étaient en majorité au conclave.

      Philippe le Bel jeta les yeux sur l'archevêque de Bordeaux,

       Bertrand de Got. Il lui donna rendez-vous dans une forêt, près de

       Saint-Jean d'Angély.

      Bertrand de Got n'avait garde de manquer au rendez-vous.

      Le roi et l'archevêque y entendirent la messe, et, au moment de l'élévation, sur ce Dieu que l'on glorifiait, ils se jurèrent un secret absolu.

      Bertrand de Got ignorait encore ce dont il était question.

      La messe entendue:

      — Archevêque, lui dit Philippe le Bel, il est en mon pouvoir de te faire pape.

      Bertrand de Got n'en écouta pas davantage et se jeta aux pieds du roi.

      — Que faut-il faire pour cela? demanda-t-il.

      — Me faire six grâces que je te demanderai, répondit Philippe le

       Bel.

      — C'est à toi de commander et à moi d'obéir, dit le futur pape.

      Le serment de servage était fait.

      Le roi releva Bertrand de Got, le baisa sur la bouche et lui dit:

      — Les six grâces que je te demande sont les suivantes:

      «La première, que tu me réconcilies parfaitement avec l'Église, et que tu me fasses pardonner le méfait que j'ai commis à l'égard de Boniface VIII.

      «La seconde, que tu me rendes à moi et aux miens la communion que la cour de Rome m'a enlevée.

      «La troisième, que tu m'accordes les décimes СКАЧАТЬ