Название: Comte du Pape
Автор: Hector Malot
Издательство: Bookwire
Жанр: Языкознание
isbn: 4064066089092
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Quant au jeune élégant qu'on renvoyait, c'était un amant subalterne, avec qui l'on ne se gênait point, et qui malgré son mécontentement acceptait assez volontiers son rôle.
Comme elle en arrivait à ce point de son raisonnement, elle entendit un bruit de voix dans le vestibule.
Rapidement elle reprit son livre.
Et presqu'aussitôt la porte s'ouvrit devant la vicomtesse de la Roche-Odon.
IV
Madame Prétavoine avait souvent entendu parler de la beauté de la vicomtesse de la Roche-Odon; mais pour elle, c'était chose passée que cette beauté; car, bien qu'on ne sût pas au juste l'âge de la vicomtesse, il résultait des incidents de sa vie révélée par ses nombreux procès, qu'elle devait avoir au moins quarante ans, sinon plus.
Et cependant la femme qui venait d'ouvrir la porte ne paraissait pas avoir trente ans; pas une ride sur le visage; une démarche souple, légère, pleine de grâce; une chevelure blonde et fine comme celle d'une jeune fille de quatorze ans; une bouche rose; un sourire radieux; et avec tout cela la beauté correcte d'une statue, de la tête aux pieds.
Madame Prétavoine, qui cependant n'était guère sensible à la beauté, fut émerveillée.
Elle s'était levée; elle resta un moment sans parler.
Ce fut madame de la Roche-Odon qui commença l'entretien:
—On me dit, madame, que vous avez à me remettre une lettre de M. Filsac; il a été plein de zèle, plein de dévouement pour moi M. Filsac, et je serais heureuse de lui témoigner ma reconnaissance pour ses bons soins.
Cela fut dit avec une bonne grâce parfaite qui eût donné du courage à la solliciteuse la plus réservée.
Mais ce n'était point en solliciteuse que madame Prétavoine se présentait.
Elle tendit à la vicomtesse la lettre de l'avoué.
Bien qu'elle fût longue, madame de la Roche-Odon la lut d'un coup d'oeil.
—Ah! madame, dit-elle lorsqu'elle l'eut achevée, combien j'ai d'excuses à vous faire; c'est vous qui venez chez moi quand c'eût été à moi d'aller chez vous, si vous aviez bien voulu m'envoyer cette lettre au lieu de prendre la peine de me l'apporter.
—C'était à moi, madame, d'avoir l'honneur de vous faire la première visite.
—M. Filsac me dit que vous voyez souvent ma chère fille et que vous pouvez me parler d'elle longuement. Comment est-elle, la pauvre petite?
C'était là que madame Prétavoine attendait madame de la Roche-Odon; la première partie de son plan avait réussi, elle était entrée dans la place. A elle maintenant, à son adresse, de s'y établir, à son tact de s'y maintenir.
Puisqu'on l'interrogeait, elle pouvait répondre, et pour cela prendre son temps.
—Il faut, dit-elle, que je vous explique, madame, comment M. Filsac a été amené à me charger de cette lettre et à vous faire parvenir par moi des nouvelles de mademoiselle Bérengère. Touchés, comme tous les catholiques, des malheurs du Saint-Père, nous avons organisé dans le diocèse de Condé une loterie de Saint-Pierre, dont le produit devait être offert à Sa Sainteté. Grâce au ciel, nous avons ainsi réuni une assez grosse somme, je dis grosse, relativement à nos ressources,—et comme j'étais la trésorière de l'oeuvre, j'ai été désignée pour la porter à Rome.
Bien que madame Prétavoine n'eût jamais étudié l'art de la rhétorique, elle venait, en peu de mots, de bâtir un exorde qui réunissait toutes les qualités requises.
Le but de l'exorde étant de se concilier la bienveillance de la personne à laquelle on s'adresse, madame Prétavoine avait voulu tout d'abord se faire connaître. Qui elle était? Une des premières de Condé assurément, puisqu'elle avait été la trésorière d'une oeuvre importante, et que de plus elle avait été choisie entre tous pour venir à Rome, au nom du diocèse entier; catholique fervente, cela va sans dire, et dévouée aux intérêts du Saint-Père, compatissante à ses malheurs. Que demander encore? Tout de suite on voyait à qui on avait affaire et quelle foi on devait accorder à ses paroles.
Elle poursuivit:
—Quand M. Filsac, votre avoué, apprit que le choix de notre comité s'était porté sur moi, il vint me faire une visite et me demanda de vous voir dans ce voyage. M. Filsac est un homme de bien, pour qui nous avons tous une grande estime, je n'avais rien à lui refuser. Mais, d'autre part, j'avais des raisons particulières pour accepter avec empressement la mission qu'il voulait bien me confier. En effet, j'ai le plaisir de connaître mademoiselle Bérengère, avec laquelle je dîne tous les jeudis à la table de son grand-père.
Dire à madame de la Roche-Odon qu'on était reçu dans l'intimité du comte qu'elle détestait, était assez hardi, mais si cette révélation pouvait affaiblir la bienveillance de la vicomtesse, elle devait par contre provoquer son estime; mieux que personne elle savait que tout le monde n'était pas admis à l'honneur de s'asseoir à la table de son beau-père.
—Ayant reçu la visite de M. Filsac, continua madame Prétavoine, j'ai hésité sur la question de savoir si je dirais à mademoiselle votre fille que je vous verrais dans mon voyage à Rome. Mais il m'a semblé que c'était jusqu'à un certain point intervenir dans des querelles de famille qui doivent toujours rester fermées aux étrangers, et avant de partir je n'ai rien dit à mademoiselle Bérengère.
—Ma fille m'écrit.
—Assurément, aussi n'aurais-je rien pu vous rapporter de particulier, tandis que je puis vous parler d'elle et cela sans que ma démarche puisse blesser M. le comte de la Roche-Odon, quand, de retour à Condé, je la lui raconterai.
—M. de la Roche-Odon se blesse facilement.
—Il ne peut pas trouver mauvais qu'une mère ait pensé à apporter des consolations à une mère qui, depuis plusieurs années, est séparée de son enfant. C'est dans ce sens que j'ai accepté la lettre de M. Filsac; c'est uniquement pour vous parler de mademoiselle Bérengère.
Et longuement, abondamment, elle parla de Bérengère.
De sa beauté, de sa grâce, de son esprit, de sa bonté, de sa charité, de sa piété.
Ce fut un portrait complet, avec des petites anecdotes caractéristiques habilement choisies et souvent même habilement inventées; en ce sens au moins qu'avec un rien insignifiant elle faisait quelque chose d'important.
Madame de la Roche-Odon écoutait attentivement, mais elle questionnait fort peu, encore le faisait-elle sans se livrer et sans qu'on pût conclure de ses paroles quels étaient ses sentiments pour sa fille.
Dans son impatience, madame Prétavoine risqua une attaque qui pouvait amener madame de la Roche-Odon à se prononcer.
—M. Filsac voulait encore me charger de paroles que, par déférence pour СКАЧАТЬ