Название: Pour cause de fin de bail
Автор: Alphonse Allais
Издательство: Public Domain
Жанр: Юмор: прочее
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«Cher monsieur Allais,
» Malgré tous vos louables efforts pour imprimer à l'industrie un mouvement ascensionnel, pour engrener la science sur des rails inédits, pour,—en un mot—renouveler la face du monde actif, les affaires—(il est lamentable de le constater)—marchent de mal en pis, le commerce ne bat plus que d'une aile, le marché devient de plus en plus lourd, comme disent les agioteurs.
» Pour peu qu'ils soient probes, les trafiquants se voient destinés à une ruine certaine doublée d'un déshonneur imminent.
» C'est, pénétré de ces tristes remarques que je me suis décidé, dans ma hâte de jouir des bienfaits de la vie, à me mettre voleur.
» Tout aussi propre à exercer que n'importe quel commerce, le vol possède l'avantage d'enrichir plus vite celui qui le pratique et d'apporter à l'existence plus d'imprévu que ne saurait le faire le métier le moins monotone.
» Je me suis composé, monsieur, une moralité aussi haute que celle émanant du Code Napoléon.
(Napoléon! Ça lui allait bien, à celui-là, de codifier la protection de la vie humaine et de la propriété!)
» Je ne vole que les riches, et c'est du superflu de ces messieurs que je forge mon nécessaire.
» Jusqu'à présent, n'est-ce pas, mon cher Allais, rien d'extraordinaire; mais voici éclater mon originalité:
» Non seulement je me moque du Code, mais aussi je me ris de la maréchaussée.
» Je me suis rendu imprenable, ou à peu près (car, en ce bas-monde, on ne peut répondre de rien).
» Aidé d'une femme remarquablement intelligente, ma maîtresse, je dérobe (et rien n'est plus facile) les enfants en bas âge appartenant à des familles riches.
» Le soir même de ce rapt, la famille riche du bébé reçoit, par une voie mystérieuse, une lettre et un panier renfermant un pigeon voyageur.
» La lettre dit en substance: « Famille riche, si tu veux revoir ton pauvre enfant, insère dans la pochette attachée au cou du présent pigeon, dix jolis billets de mille francs, et demain matin, à la première heure, ton pauvre sale gosse te sera rendu.»
» Ce truc si simple ne rate jamais; allez donc suivre un pigeon voyageur dans les hautains firmaments!
» Mon pigeonnier est établi dans une nation voisine de la France, en un petit endroit plutôt écarté dont vous m'excuserez de ne pas vous indiquer l'adresse exacte.
» Et puis, tout cela, entre nous, n'est-ce pas, car ce genre d'industrie un peu spéciale ne gagne rien à une publicité, si intelligente soit-elle.
» Je serre, cher monsieur Allais, votre rude main caleuse de travailleur opiniâtre.
Signature illisible,
Pas d'adresse.
Où s'arrêteront l'audace et l'ingéniosité des malfaiteurs? C'est ce que se demandent les honnêtes gens, non sans une certaine appréhension.
SENTINELLES, VEILLEZ!
Aux yeux de tous les personnages compétents, le chien est appelé à jouer un rôle considérable dans les grandes guerres européennes.
Chiens sentinelles, chiens éclaireurs, chiens anticyclistes, chiens estafettes, on les met à toutes les sauces, les pauvres toutous.
Dans ce curieux sport, l'Allemagne, sans contredit, marche à la tête des autres nations militaires, et, chaque jour, c'est à qui de MM. les officiers prussiens imaginera une nouvelle application du chien à un emploi militaire.
Me promenant récemment dans les environs les moins explorés de Koenigsberg, j'ai été assez heureux pour assister (par le plus grand des hasards, d'ailleurs, car je m'étais trompé de route) à des exercices infiniment suggestifs et qu'il importe de dévoiler au plus tôt.
On jugera de la stupeur qui m'envahit quand, d'un petit bois où je me trouvais égaré, j'aperçus la scène suivante:
Des soldats français et des soldats russes (je crus rêver!) ou plutôt—disons-le dès maintenant—des Allemands déguisés en Français et en Russes, fantassins, cavaliers, artilleurs, etc., etc., donnaient à manger à une forte meute de chiens, de ces gros chiens comme on en rencontre dans les Flandres, qui traînent des voitures à lait.
Et c'étaient des caresses, et c'étaient des bonnes paroles et de gros morceaux de viande!
Quand les chiens furent bien gavés, tous ces faux Français, tous ces pseudo-Russes les attelèrent à de petits chariots, les attachèrent à des piquets, grimpèrent à cheval et disparurent bientôt au loin.
Quelques instants plus tard surgissaient d'autres soldats, d'uniforme allemand ceux-là, qui se précipitèrent sur les chiens à coups de pied, à coups de fouet, et arrachant aux pauvres animaux les quelques os qu'ils rongeaient encore.
Après quoi, ils les détachèrent au son de mille horribles clameurs.
Comme bien vous le pensez, les infortunées bêtes n'attendirent point leur reste: en quelques minutes, tous les chiens, au grand galop, avaient rejoint leurs bienfaiteurs français et russes, là-bas, dans la campagne.
Qu'est-ce que cet étrange manège pouvait bien signifier?
Je résolus d'en avoir le coeur net et, au risque de me faire coffrer, je prolongeai mon séjour à Koenigsberg, poursuivant sans relâche et avec une remarquable intelligence mes patriotiques investigations.
La conversation d'un lieutenant pris de boisson me mit bientôt au courant.
Les chiens dont je viens de parler sont en cas de guerre, dressés à fuir, eux et leurs attelages, les troupes allemandes, pour aller rejoindre ces Français, ces Russes, dont ils n'ont jamais reçu que de bons traitements.
Les petites voitures qu'ils traînent derrière eux seront alors chargées d'effroyables substances dont l'explosion mettra fin à des milliers d'existences.
Le moment de la détonation peut être déterminé à une seconde près, grâce à un système d'horlogerie qu'on règle selon la distance qui sépare de l'ennemi.
Et ça n'est pas plus difficile que ça!
J'ajouterai que, ces chiens étant rendus aphones par une opération chirurgicale et les roulements des chariots se faisant sur caoutchouc, pas un bruit ne saurait révéler l'approche de cette terrible et ambulante machine infernale.
Messieurs les Français, vous voilà avertis!
UN BIZARRE ACCIDENT
Voulez-vous, mes petits amis, pour nous délasser un instant de la fixité de nos regards vers l'Est, jeter un léger coup d'oeil sur le laps de ces trente derniers ans passés, et alors, nous serons stupéfaits en considérant les progrès énormes accomplis par la pratique du vélocipède.
Avant les regrettables événements de 70-71, le vélocipède existait bien, mais sous la forme de rares spécimens. (Vous êtes trop jeunes pour vous rappeler СКАЧАТЬ