Название: F. Chopin
Автор: Ференц Лист
Издательство: Public Domain
Жанр: Биографии и Мемуары
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D'ailleurs, en Pologne toute femme ne peut-elle pas devenir adorable, sitôt qu'on sait l'adorer? Les moins belles ont inspiré des passions inextinguibles, les plus belles ont fasciné des existences entières avec les battements de leurs blonds cils attendris, avec le soupir exhalé par des lèvres qui savaient se plier à l'imploration après avoir été scellées par un silence hautain. Là, où de pareilles femmes règnent, que de fiévreuses paroles, que d'espérances indéfinies, que de charmantes ivresses, que d'illusions, que de désespoirs, n'ont pas dû se succéder durant les cadences de ces Mazoures, dont plus d'une vibre dans le souvenir de chacune d'elles comme l'écho de quelque passion évanouie, de quelque sentimentale déclaration? Quelle est la Polonaise qui dans sa vie n'ait terminé une mazoure, les joues plus brûlantes d'émotion que de fatigue?
Que de liens inattendus formés dans ces longs tête-à-tête au milieu de la foule, au son d'une musique faisant revivre d'ordinaire quelque nom guerrier, quelque souvenir historique, attaché aux paroles et incarné pour toujours dans la mélodie? Que de promesses s'y sont échangées dont le dernier mot, prenant le ciel à témoin, ne fut jamais oublié par le cœur qui attendit fidèlement le ciel pour retrouver là-haut un bonheur que le sort avait ajourné ici bas! Que d'adieux difficiles s'y sont échangés, entre ceux qui se plaisaient et se fussent si bien convenus si le même sang avait coulé dans leurs veines, si l'amant ivre d'amour aujourd'hui ne devait point se transformer en ennemi, que dis-je? en persécuteur du lendemain! Que de fois ceux qui s'aimaient avec extase s'y sont donné rendez-vous à si longue échéance, que l'automne de la vie pouvait succéder à son printemps, tous deux croyant plutôt à leur fidélité à travers tous les remous de l'existence qu'à la possibilité d'un bonheur privé de la sanction paternelle! Que de tristes affections, secrètement nourries en ceux que séparaient les infranchissables distances de la richesse et du rang, n'ont pu se révéler que dans ces instants uniques où le monde admire la beauté plus que la richesse, la bonne mine plus que le rang! Que de destinées désunies par la naissance et les griefs d'une autre génération, ne se sont jamais rapprochées que dans ces rencontres périodiques, étincelantes de triomphes et de joies cachées, dont le pâle et lointain reflet devait éclairer à lui seul une longue série d'années ténébreuses; car, le poète l'a dit: l'absence est un monde sans soleil!
Que de courtes amours s'y sont nouées et dénouées le même soir entre ceux qui, ne s'étant jamais vus et ne devant plus se revoir, pressentaient ne pouvoir s'oublier! Que d'entretiens entamés avec insouciance durant les longs repos et les figures enchevêtrées de la mazoure, prolongés avec ironie, interrompus avec émotion, repris avec ces sous-entendus où excellent la délicatesse et la finesse slaves, ont abouti à de profonds attachements! Que de confidences y ont été éparpillées dans les plis déroulés de cette franchise qui se jette d'inconnu à inconnu, lorsqu'on est délivré de la tyrannie des ménagements obligés! Mais aussi, que de paroles menteusement riantes, que de vœux, que de désirs, que de vagues espoirs y furent négligemment livrés au vent, comme le mouchoir de la danseuse jeté au souffle du hasard… et qui n'ont point été relevés par les maladroits!…
Chopin a dégagé l'inconnu de poésie, qui n'était qu'indiqué dans les thèmes originaux des Mazoures vraiment nationales. Conservant leur rhythme, il en a ennobli la mélodie, agrandi les proportions; il y a intercalé des clairs-obscurs harmoniques aussi nouveaux que les sujets auxquels il les adaptait, pour peindre dans ces productions qu'il aimait à nous entendre appeller des tableaux de chevalet, les innombrables émotions d'ordres si divers qui agitent les cœurs pendant que durent, et la danse, et ces longs intervalles surtout, où le cavalier a de droit une place à côté de sa dame dont il ne se sépare point.
Coquetteries, vanités, fantaisies, inclinations, élégies, passions et ébauches de sentiments, conquêtes dont peuvent dépendre le salut ou la grâce d'un autre, tout s'y rencontre. Mais, qu'il est malaisé de se faire une idée complète des infines degrés sur lesquels l'émotion s'arrête ou auxquels atteint sa marche ascendante, parcourue plus ou moins longtemps avec autant d'abandon que de malice, dans ces pays où la mazoure se danse avec le même entraînement, le même abandon, le même intérêt à la fois amoureux et patriotique, depuis les palais jusqu'aux chaumières; dans ces pays où les qualités et les défauts propres à la nation sont si singulièrement répartis que, se retrouvant dans leur essence à peu près les mêmes chez tous, leur mélange varie et se différencie dans chacun d'une manière inopinée, souvent méconnaissable! Il en résulte une excessive diversité dans les caractères capricieusement amalgamés, ce qui ajoute à la curiosité un aiguillon qu'elle n'a pas ailleurs, fait de chaque rapport nouveau une piquante investigation et prête de la signification aux moindres incidents.
Ici, rien d'indifférent, rien d'inaperçu et rien de banal. Les contrastes se multiplient parmi ces natures d'une mobilité constante dans leurs impressions, d'un esprit fin, perçant, toujours en éveil; d'une sensibilité qu'alimentent les malheurs et les souffrances, venant jeter des jours inattendus sur les cœurs comme des lueurs d'incendie dans l'obscurité. Ici, les longues et glaciales terreurs des cachots d'une forteresse, les interrogatoires perfides et semés de pièges d'un juge abhorré quoique vénal, les steppes blancs de la Sibérie, silencieux et déserts, s'étendent devant les regards épouvantés et les cœurs frémissants, comme les tableaux d'une tapisserie aérienne sur les murs de toute salle de bal; depuis celle dont les parois furent badigeonnées pour l'occasion d'une teinte bleue claire, dont le modeste plancher fut ciré la veille, dont les belles jeunes filles sont parées de simple mousseline blanche et rose, jusqu'à celle dont les éblouissantes murailles sont d'un stuc sulphuréen, les parquets d'acajou et d'ébène, les lustres étincelants de mille bougies!
Ici, un rien peut rapprocher étroitement ceux qui la veille étaient étrangers, tout comme l'épreuve d'une minute ou d'un mot y sépare des cœurs longtemps unis. Les confiances soudaines y sont forcées et d'incurables défiances entretenues en secret. Selon le mot d'une femme spirituelle: «on y joue souvent la comédie, pour éviter la tragédie», on aime à y faire entendre ce qu'on tient à n'avoir pas prononcé. Les généralités servent à acérer l'interrogation, en la dissimulant; elles font écouter les plus évasives réponses, comme on écouterait le son rendu par un objet pour en reconnaître le métal. Tous ces cœurs si sûrs d'eux-mêmes ne cessent de s'interroger, de se sonder, de se mettre à l'épreuve. Chaque jeune homme veut savoir s'il y a entre lui et celle qu'il fait dame de ses pensées pendant une soirée ou deux, communauté d'amour pour la patrie, communauté d'horreur pour le vainqueur. Chaque femme, avant d'accorder ses préférences d'un soir à qui la regarde avec une ardeur si tendre et une douceur si passionée, veut savoir s'il est homme à braver la confiscation, l'exil forcé ou l'exil volontaire, (non moins amer souvent), la caserne du soldat à perpétuité sur les rives de la Caspienne ou dans les montagnes du Caucase!…
Quand l'homme sait haïr et que la femme se contente de dénigrer l'ennemi, il y a de poignantes incertitudes; les mains qui ont échangé l'anneau des fiançailles font glisser les bagues sur leurs doigts, en se demandant si elles y resteront? Quand la femme est de la trempe de la Psse Eustache Sanguszko, aimant mieux voir son fils aux mines que de ployer les genoux devant le czar7, et que l'homme se demande s'il n'est point permis d'imiter le sort des K., des B., des L., des J., etc., qui vécurent à St. Pétersbourg comblés d'honneurs, tous en élevant leurs enfants dans l'attente du jour où ils tireront l'épée contre les maîtres de la veille, la femme saisit le cœur de l'homme en ses paroles brûlantes, comme une mère saisait la tête de son enfant en ses paumes fiévreuses et la tournant vers le ciel, lui crie: voilà où est ton Dieu!… Elle a des sanglots étouffés dans la voix, des larmes pour lui seul visibles СКАЧАТЬ
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À la suite de la guerre de 1830, le Pce Roman Sanguszko fut condamné à être soldat à perpétuité en Sibérie. En revoyant le décret, l'empereur Nicolas ajouta de sa main: «où il sera conduit les chaînes aux pieds».—Sa santé étant gravement atteinte, la famille fit des démarches à la cour et reçut pour réponse que si sa mère, la Psse Eustache, venait se jeter aux pieds de l'empereur, elle obtiendrait la grâce de son fils. Longtemps la princesse s'y refusa. L'état de son fils empirant toujours, elle partit. Arrivée à St. Pétersbourg, les pourparlers commencèrent sur la manière dont s'accomplirait sa génuflexion. On proposa d'abord les formes les plus humiliantes que la princesse rejetait les unes après les autres, prête à retourner chez elle. Enfin, il fut convenu qu'elle demanderait et recevrait une audience de l'impératrice, que l'empereur viendrait et que là, sans autres témoins, la princesse implorerait à genoux la grâce de son enfant. Quand elle fut chez l'impératrice, l'empereur entra… voyant que la princesse ne bougeait pas, l'impératrice crut qu'elle ne le reconnaissait point et se leva… La princesse se leva et debout attendit… l'empereur la regarda, traversa lentement le salon… et sortit!… L'impératrice hors d'elle saisit les mains de la princesse, en s'écriant: «Vous avez perdu une occasion unique!..»—La princesse raconta plus tard que ses genoux étaient devenus de marbre et, qu'en songeant aux milliers de Polonais qui souffraient plus encore que son fils, elle fut plutôt morte que de les plier. Elle n'obtint aucune grâce, mais les siècles entoureront d'une auréole la mémoire sacrée de cette matrone polonaise aux antiques vertus.