Название: Les mystères d'Udolphe
Автор: Анна Радклиф
Издательство: Public Domain
Жанр: Ужасы и Мистика
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Les yeux d'Emilie semblaient lire tout ce qui se passait dans l'esprit de son père: elle les attachait sur son visage avec l'expression d'une tendre pitié. Oubliant alors les sujets d'un vain regret, il ne vit plus qu'elle, et l'horrible idée de laisser sa fille sans protecteur, changea sa peine en un véritable tourment; il soupira profondément, et garda le silence. Emilie comprit ce soupir; elle lui serra les mains avec tendresse, et se retourna vers la portière pour dissimuler ses larmes. Le soleil alors lançait un dernier rayon sur la Méditerranée, dont les vagues paraissaient toutes d'or; peu à peu les ombres du crépuscule s'étendirent; une bande décolorée parut seule à l'occident, et marqua le point où le soleil s'était perdu dans les vapeurs d'un soir d'automne. Un vent frais s'élevait du rivage. Emilie baissa la glace; mais la fraîcheur, si agréable dans l'état de santé, n'était pas nécessaire pour un malade, et Saint-Aubert la pria de la relever. Son indisposition croissant, il était alors plus occupé que jamais de finir la marche du jour; il arrêta Michel pour savoir à quelle distance ils étaient du premier village. A quatre lieues, dit le muletier. Je ne pourrai pas les faire, dit Saint-Aubert; cherchez, tout en allant, s'il n'y a pas une maison sur la route où l'on puisse nous recevoir cette nuit. Il se rejeta dans sa voiture; Michel fit claquer son fouet, et prit le galop jusqu'à ce que Saint-Aubert, presque sans connaissance, lui fît signe d'arrêter. Emilie regardait à la portière; elle vit enfin un paysan à quelque distance de leur chemin: on l'attendit, et on lui demanda s'il y avait dans le voisinage un asile pour des voyageurs. Il répondit qu'il n'en connaissait pas. Il y a un château parmi les bois, ajouta-t-il; mais je crois qu'on n'y reçoit personne, et je ne puis vous en montrer le chemin, parce que je suis moi-même presque étranger. Saint-Aubert allait renouveler ses questions sur le château; mais l'homme le quitta brusquement. Après un moment de réflexion, Saint-Aubert ordonna à Michel de gagner tout doucement les bois. A chaque moment le crépuscule devenait plus obscur, et la difficulté de se conduire augmentait. Un autre paysan passa. Quel est le chemin du château dans les bois? cria Michel.
–Le château dans les bois! s'écria le paysan. Voulez-vous parler de ces tourelles?
–Je ne sais pas si ce sont des tourelles, dit Michel; je parle de ce bâtiment blanc que nous découvrons de loin au milieu de tous ces arbres.
–Oui, ce sont des tourelles. Mais, quoi! est-ce que vous avez envie d'y aller? répondit l'homme avec surprise.
Saint-Aubert, entendant cette singulière question, frappé surtout du ton dont on la faisait, s'avança hors du carrosse et lui dit: Nous sommes des voyageurs, nous cherchons une maison pour y passer la nuit: en connaissez-vous ici près?
–Non, monsieur, répondit l'homme, à moins que vous ne vouliez tenter fortune dans ces bois; mais je ne voudrais pas vous le conseiller.
–A qui appartient ce château?
–Je le sais à peine, monsieur.
–Il est donc inhabité?
–Non, il n'est pas inhabité: le régisseur et la femme de charge y sont, à ce que je crois.
En apprenant ceci, Saint-Aubert se détermina à risquer un refus en se présentant au château. Il pria le paysan de guider Michel, et lui promit de payer sa peine. L'homme réfléchit un instant, et dit qu'il avait d'autres affaires, mais qu'on ne pouvait se tromper en suivant l'avenue qu'il montra. Saint-Aubert allait répondre quand le paysan, lui souhaitant une bonne nuit, le quitta sans rien ajouter.
La voiture tourna vers l'avenue, qui était fermée d'une barrière. Michel mit pied à terre et l'ouvrit. Ils pénétrèrent alors entre d'antiques châtaigniers et de vieux chênes, dont les branches entrelacées formaient une voûte fort élevée: il y avait quelque chose de désert et de sauvage dans l'aspect de cette avenue, et le silence en était si imposant, qu'Emilie devint toute tremblante. Elle se rappelait le ton qu'avait le paysan en parlant de ce château; elle donnait à ses paroles une interprétation plus mystérieuse qu'elle ne l'avait d'abord fait: elle essaya néanmoins de calmer ses craintes; elle pensa qu'une imagination troublée l'en avait rendue susceptible, et que l'état de son père et sa propre situation devaient sans doute y contribuer.
Ils avançaient lentement; l'obscurité était presque complète; le terrain inégal et les racines des arbres qui l'embarrassaient à tout moment obligeaient à beaucoup de précaution. Soudain Michel arrêta la voiture; Saint-Aubert regarda pour en savoir la cause. Il vit à quelque distance une figure qui traversait l'avenue; il faisait trop noir pour en distinguer davantage, et Saint-Aubert ordonna d'avancer.
–Ceci me paraît un étrange lieu, reprit Michel; je ne vois point de maisons, et nous ferions mieux de retourner.
–Allez un peu plus loin, dit Saint-Aubert; et si nous ne voyons pas de bâtiments, nous reprendrons le grand chemin.
Michel avança, mais avec répugnance, et l'excessive lenteur de sa marche ramena Saint-Aubert à la portière. Il vit encore la même figure. Cette fois il tressaillit. Probablement l'obscurité le rendait plus prompt à s'alarmer qu'il ne l'était pour l'ordinaire; mais quoi que ce pût être, il arrêta Michel, et lui dit d'appeler l'individu qui traversait ainsi l'avenue.
–Avec votre permission, dit Michel, ce peut bien être un voleur.—Je ne le permets sûrement pas, reprit Saint-Aubert, qui ne put s'empêcher de sourire à cette phrase: Allons, retournons à la route, car je ne vois aucune apparence de trouver ici ce que nous cherchons.
Michel tourna avec vivacité, et repassa lestement l'avenue: une voix alors partit des arbres à gauche; ce n'était point un commandement, ce n'était point un cri de douleur, mais un son creux et prolongé qui paraissait à peine humain. Michel pressa ses mules sans penser à l'obscurité, ni aux souches, aux trous, ni même à la voiture; il ne s'arrêta pas qu'il ne fût sorti de l'avenue, et, parvenu sur la grand'route enfin, il modéra son pas.
–Je suis bien mal, dit Saint-Aubert en prenant la main de sa fille.—Vous êtes plus mal, dit Emilie effrayé de sa manière, vous êtes plus mal, et nous sommes sans secours! Bon Dieu! que ferons-nous? Il appuya sa tête sur son épaule; elle le soutint entre ses bras, et fit encore arrêter Michel. A peine le bruit des roues avait-il cessé, qu'une musique se fit entendre dans le lointain. Ce fut pour Emilie la voix de l'espérance. Oh! nous sommes près d'une habitation, dit-elle, nous pourrons avoir du secours.
Elle écouta attentivement. Les sons étaient éloignés, et semblaient venir du fond d'un bois dont une partie bordait la route. Elle regarda du côté où ils partaient, et vit, au clair de la lune, quelque chose qui lui paraissait comme un château: il était pourtant difficile d'y arriver. Saint-Aubert était trop mal pour supporter le moindre mouvement; Michel ne pouvait pas quitter ses mules; Emilie, qui soutenait encore son père, craignait de l'abandonner, et craignait aussi de s'aventurer seule à une telle distance, sans savoir où et à qui s'adresser: il fallait pourtant prendre un parti, et sans délai. Saint-Aubert dit donc à Michel d'avancer le plus doucement possible. Au bout d'un moment, il s'évanouit; la voiture s'arrêta, il était sans nulle connaissance. O mon père, mon cher père! criait Emilie désespérée. Et, le croyant près de mourir: Parlez, dites-moi un mot, que j'entende le son de votre voix. Il ne répondit rien. Epouvantée, elle dit à Michel de puiser au ruisseau voisin: elle reçut l'eau dans le chapeau de l'homme, et d'une main tremblante en jeta au visage de son père. Les rayons de la lune, qui alors donnaient sur lui, montraient l'impression de la mort: tous les mouvements de crainte personnelle cédèrent en ce moment à une crainte dominante; et, confiant Saint-Aubert à Michel, qui ne voulait pas quitter ses mules, elle sauta à bas de la voiture pour chercher le château qu'elle avait vu dans l'éloignement, et la musique qui dirigeait ses pas la fit entrer dans un sentier qui conduisait au bois? Son esprit, uniquement СКАЧАТЬ