Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 9 - (T - U - V - Y - Z). Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc
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СКАЧАТЬ n'affectant en aucune manière les attitudes de la douleur, décorent ces édicules et en font des oeuvres d'art agréables à voir, où rien ne fait songer à la décomposition matérielle, à la nuit éternelle. Sur les tombeaux, les artistes du moyen âge affectent, au contraire, de répandre des fleurs et des feuillages à profusion, ainsi qu'on le faisait, d'ailleurs, autour des corps, au moment de l'ensevelissement 31. Des animaux, des chasses, des processions de personnages, rappellent, sur ces monuments, la vie et non la mort. Quand les effigies des défunts sont sculptées couchées sur le sarcophage, elles ne prennent l'attitude de la mort que fort tard. Habituellement ces figures, pendant les XIIe et XIIIe siècles, ont les yeux ouverts, les gestes et les attitudes de personnes vivantes. C'est vers le milieu du XIVe siècle que les statuaires leur donnent parfois l'apparence du sommeil, mais sans aucun des signes de la mort. Ces personnages sont d'ailleurs vêtus de leurs habits, armés, si ce sont des guerriers, couverts de vêtements religieux, si ce sont des clercs.

      Avant de parler des tombeaux formant des édicules isolés, il nous faut citer encore quelques-uns de ces monuments en forme de niches ou chapelles, mais avec effigies des morts posées sur le sarcophage. Dans le collatéral du choeur de la cathédrale de Rouen, il existe un de ces tombeaux, appartenant à un évêque, qui date de la fin du XIIe siècle, et qui est d'un très-beau travail. Ce monument ne présente d'ailleurs aucune particularité remarquable. La statue du prélat est couchée sous une arcature surmontée d'un gâble peu élevé. Comme toujours, ce tombeau était peint.

      En voici un autre (fig. 10) 32, qui était placé à Fontevrault, contre le mur du bas côté, à la droite du maître autel (côté de l'évangile). C'était celui de l'évêque Pierre de Poitiers (XIIIe siècle). La statue, couchée sur un lit drapé, est entourée de figurines en ronde bosse représentant les religieux assistant aux funérailles de l'évêque. Parmi ces religieux, on distingue l'abbesse de Fontevrault et un abbé, tous deux tenant la crosse, signe de leur dignité. Les autres personnages portent des croix et des cierges. La chasuble de l'évêque était d'un bleu verdâtre, aux croisettes d'or, doublée de rouge; sa mitre blanche avec un bandeau rouge, l'aube blanche, l'étole verte, les chaussures noires. L'abbesse était vêtue de noir, et les religieux, les uns de blanc, les autres de vert, se détachant sur un fond rouge. Une arcature couvrait le sarcophage, mais elle était déjà détruite du temps de Gaignères, qui nous a laissé le dessin de ce curieux monument.

      On voit encore dans la cathédrale de Limoges, adossé au collatéral nord, un de ces tombeaux en forme de niches ou chapelles, datant du XIVe siècle: c'est celui de l'évêque Bernard Brun. Ce monument est gravé dans l'ouvrage de M. Gailhabaud 33. Au fond de la niche, séparée par une pile centrale, des bas-reliefs représentent des sujets de la légende de sainte Valérie, un crucifiement, un couronnement de la Vierge et un jugement dernier. Il faut citer aussi les deux jolis tombeaux appartenant à la même époque, et qui sont adossés au mur de la chapelle de la Vierge, dans la cathédrale d'Amiens. Ils sont en forme de niche couverte par une arcade basse surmontée d'un gâble. Sur le socle, portant les statues couchées des défunts, sont sculptés, dans de petites niches, des personnages religieux, chanoines et laïques, qui composent le cortége accompagnant les corps à leur dernière demeure. Les écus armoyés des deux personnages, un évêque et un chanoine, sont peints au fond des niches.

      Un des monuments funéraires les plus intéressants, affectant la forme d'une niche avec sujets, est le tombeau du prêtre Bartholomé, placé dans l'église de Chénerailles (Creuse), et dont il fut probablement le fondateur. Ce tombeau, engagé dans la troisième travée du côté méridional, est posé à 2 mètres au-dessus du pavé, et est taillé dans un seul bloc de pierre calcaire. Son architecture présente un arc en tiers-point avec deux contre-forts. L'enfoncement est divisé en zones, dans chacune desquelles se détachent des personnages en ronde bosse. La zone inférieure représente la scène de l'ensevelissement du mort. La sainte Vierge occupe, dans la zone du milieu, le sommet d'un édicule avec escalier. Saint Martial gravit l'escalier, un encensoir à la main. Sur le terrain à la droite de la Vierge, est représenté le martyre de saint Cyr et de sa mère sainte Julite. À sa gauche, le prêtre Bartholomé, agenouillé, est présenté à l'enfant Jésus par son patron, et saint Aignan, évêque. Sous l'arcade est sculpté un crucifiement. Sur deux phylactères placés sous la seconde et la première zone, on lit: «Hic. jacet. dominus. Bartholomeus. de Plathea. presbiter. qui. obiit. die. fest. V. M. (Virginis Marioe) anno. Dni. M°CCC 34

      La sculpture de ce petit monument est d'un style médiocre, mais sa composition est heureusement trouvée.

      Voici (fig. 11) un autre exemple de ces tombeaux adossés, en forme de niche, avec effigie du mort. Cet exemple date de 1300 environ. Le nom du défunt ne nous est pas conservé. Ce tombeau fut incrusté après coup dans le mur du collatéral nord de l'église de Saint-Père (Saint-Pierre) sous Vézelay. Le fond de la niche est occupé par un bas-relief d'un bon style. Au centre, le Christ assis reçoit de saint Pierre agenouillé un objet brisé qu'il tient dans sa main droite. De l'autre côté, la sainte Vierge semble intercéder auprès de son divin Fils. Deux anges thuriféraires terminent la scène. Évidemment, la Vierge et saint Pierre font ici valoir auprès du Juge suprême les mérites du mort, qui pourrait être un des fondateurs des portions de cette église reconstruites vers la fin du XIIIe siècle. L'objet que tenait saint Pierre était-il le simulacre de l'église restaurée? Cela paraît plausible. Ce monument est d'ailleurs fort mutilé, et la statue du personnage vêtu d'habits civils est complétement fruste. La sculpture et l'architecture étaient peintes et dorées. L'inscription, également peinte, et dont on distingue à peine quelques lettres sous le badigeon; était placée sous le bas-relief.

      On le reconnaît facilement, la donnée de ce tombeau est la même que celle adoptée pour le beau monument de Saint-Denis, élevé à Dagobert. Nous ne pensons pas qu'il soit nécessaire d'insister davantage sur ce genre de sépultures en forme de niches ou chapelles adossées, et nous passerons à l'examen des tombeaux isolés, en commençant par les plus simples et qui sont aussi les plus anciens.

      Sur les sommets des Vosges, près de Saverne, on trouve des restes d'enceintes et de débris qui remontent à une époque reculée, et particulièrement, entre Saverne et Dabo, de nombreux cimetières ont été découverts. La plupart des tombes qu'ils renferment présentent une disposition singulière. Ces monuments funéraires consistent en une auge ou un simple trou en terre, entouré de pierres sèches, contenant un vase cinéraire; le tout est couvert par une pierre en forme de prisme triangulaire, légèrement convexe. À la base de la face antérieure est percé un trou en façon de petit arc, et correspondant une cavité faite aux dépens du bloc 35.

      La figure 12 montre un de ces monuments en coupe (A), et le couvercle séparé en B. Parfois, mais plus rarement, ces couvercles ne sont pas curvilignes (fig. 13).

      La rouelle gauloise, des imbrications ou des ornements dans le style gallo-romain les décorent. M. le colonel Morlet, qui a mis en lumière ces découvertes, considère en effet, et avec raison, ces tombeaux comme postérieurs à la conquête des Gaules par les Romains; les objets, médailles et vases trouvés autour d'eux, les inscriptions qui sont gravées sur leurs parois, ne peuvent laisser de doutes à cet égard.

      «Les monuments funèbres que recèlent les sommets des Vosges, entre Saverne et Dabo, n'étaient pas répandus au hasard sur ces hauts plateaux, dit en terminant СКАЧАТЬ



<p>31</p>

Nous avons très-fréquemment trouvé, sous les restes des personnages ensevelis pendant les XIIe, XIIIe et XIVe siècles, des litières encore visibles d'herbes et de fleurs, notamment des roses facilement reconnaissables à leurs tiges garnies d'épines. N'était-il pas plus sensé de porter ainsi une personne regrettée, à son dernier séjour, que de placer son corps dans ces chars noirs et blancs dont les formes sont ridicules, les décorations du plus mauvais goût, conduits par des cochers vêtus d'une façon burlesque?

<p>32</p>

Collect. Gaignères, Bibl. Bodléienne d'Oxford.

<p>33</p>

L'architecture et les arts qui en dépendent.

<p>34</p>

Voyez, dans les Annales archéol., Didron, la notice de M. l'abbé Texier sur ce monument, et la gravure de M. Gaucherel, t. IX, p. 193.

<p>35</p>

Voyez l'intéressante Notice de M. le colonel de Morlet sur ces monuments (Strasbourg, 1863).