Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 9 - (T - U - V - Y - Z). Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc
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СКАЧАТЬ servants des mâchicoulis se tenaient sur le chemin de ronde B, ainsi que les arbalétriers. Des manoeuvres passaient les projectiles aux servants, suivant les ordres donnés par le capitaine de la tour, qui était posté sur le balcon D dont nous avons parlé plus haut. Par les créneaux nombreux donnant sur le balcon, le capitaine découvrait tous les dehors, et les gens postés dans la galerie, non plus que ceux préposés aux projectiles, n'avaient point à s'enquérir des mouvements de l'ennemi, mais seulement à exécuter les ordres qui leur étaient donnés. L'étage crénelé supérieur E était en outre garni d'arbalétriers chargés du tir dominant et éloigné. Suivant que l'assiégeant se portait vers un point, le capitaine faisait accumuler les projectiles sur ce point sans qu'il pût y avoir de confusion. Si l'assaillant abordait le pied du talus de la tour, par les trous des mâchicoulis les servants le voyaient et n'avaient qu'à laisser tomber des moellons pour l'écraser. Le tir par les créneaux découverts E ne pouvait être qu'éloigné, ou au plus suivant un angle de 60 degrés, à cause du défilement produit par la saillie de la galerie. Le tir par les créneaux du balcon D était ou parabolique, ou suivant un angle de 30 et de 60 degrés. Il en était de même du tir des arbalétriers, postés sur le chemin de ronde B. Puis, par les mâchicoulis on obtenait un tir très-plongeant et la chute verticale des projectiles, qui, ricochant sur le talus, prenaient les assaillants en écharpe. Ainsi, dans un rayon de 150 à 200 mètres, les défenseurs pouvaient couvrir le terrain d'une quantité innombrable de carreaux, de viretons et de pierres. Le sommet de la guette dépasse de plusieurs mètres le sommet du comble de la tour, et son escalier à vis possède un noyau à jour de manière à permettre au guetteur de se faire entendre des gens postés dans le chemin de ronde, comme s'il parlait à travers un tube ou porte-voix.

      En G, est tracée la coupe sur le milieu des côtés de l'hexagone intérieur, c'est-à-dire suivant l'axe des fenêtres.

      C'est là un des derniers ouvrages qui précèdent de peu l'emploi régulier des bouches à feu, puisque le château de Pierrefonds était terminé en 1407; aussi ces belles tours, élevées suivant l'ancien système défensif perfectionné, sont-elles très-promptement renforcées d'ouvrages de terre avancés propres à recevoir des bouches à feu. À Pierrefonds comme autour des autres places fortes, au commencement du XVe siècle, on retrouve des traces importantes et nombreuses de ces défenses avancées faites au moment où les assiégeants traînent avec eux du canon. La plate-forme qui précède ces tours vers le plateau est disposée pour pouvoir mettre en batterie des bombardes ou coulevrines.

      La célèbre tour de Montlhéry, sur l'ancienne route de Paris à Orléans, est à la fois réduit du donjon et guette. Ce qu'on désigne aujourd'hui sous le nom de château de Montlhéry n'est, à proprement parler, que le donjon, situé au point culminant de la motte. Le château consistait en plusieurs enceintes disposées en terrasses les unes au-dessus des autres, et renfermant des bâtiments dont on découvre à peine aujourd'hui les traces. Chacune de ces terrasses avait plus de cent pieds de longueur, et c'était après les avoir successivement franchies qu'on arrivait au donjon ayant la forme d'un pentagone allongé (fig. 58). Lorsqu'on avait gravi les terrasses, on se trouvait devant l'entrée A du donjon, dont la construction appartient à la première moitié du XIIIe siècle.

      Du château où résida Louis le Jeune en 1144, il reste peut-être des substructions, mais toutes les portions encore visibles du donjon, et notamment la tour principale, réduit et guette, ne remontent pas au delà de 1220, bien qu'elle passe généralement pour avoir été construite par Thibaut, forestier du roi Robert, au commencement du XIe siècle.

      Cette tour B, plus grosse et plus haute que les quatre autres qui flanquent le donjon, a 9m,85 de diamètre au-dessus du talus (30 pieds); le niveau de sa plate-forme était à 35 mètres environ au-dessus du seuil de la porte du donjon. Son plan présente des particularités curieuses. Une poterne relevée, fermée par une herse, donne sur les dehors indépendamment de la porte qui s'ouvre sur la cour. Deux étages étaient voûtés, trois autres supérieurs fermés par des planchers. Une ceinture de corbeaux, comme ceux du donjon de Coucy, recevait des hours à double étage; une porte s'ouvrait aussi sur le chemin de ronde de la courtine C. Cette entrée passait à travers la cage d'un escalier à vis qui, inscrit dans une tourelle cylindrique, partait du niveau de ce chemin de ronde pour arriver à tous les étages supérieurs. Du rez-de-chaussée on montait au premier étage par un degré pris dans l'épaisseur du mur du côté intérieur. En D, il existait un bâtiment d'habitation assez vaste, dont on aperçoit aujourd'hui seulement les fondations. On sait quel rôle important joua le château de Montlhéry pendant le moyen âge.

      Cette valeur tenait plus encore à sa position stratégique qu'à la puissance de ses ouvrages; et la grosse tour B du donjon était bien plus un point d'observation qu'une défense. Il est évident que pour la garnison de Montlhéry, l'essentiel était d'être prévenue à temps, car alors il devenait impossible à des assaillants d'aborder la motte élevée sur laquelle s'étageaient les défenses; quelques hommes suffisaient à déjouer un coup de main.

      TOUR DE GUET (guettes).--Les châteaux, les donjons, avaient leur guette mais aussi les villes. Dans l'état présent de l'Europe, on ne saurait comprendre l'importance de ces observatoires élevés sur les points dominants des châteaux et des villes.

      Si nous avons encore conservé les voleurs qui cherchent à s'introduire la nuit dans les habitations des cités et des campagnes, du moins cette corporation n'exécute-t-elle ses projets qu'en se cachant du mieux qu'elle peut. Mais il n'en était pas ainsi depuis l'empire romain jusqu'au XVIIe siècle. Pendant l'administration des derniers empereurs, les villæ et même les bourgades n'étaient pas toujours à l'abri des expéditions de bandes d'aventuriers qui, en plein jour, rançonnaient les particuliers et les petites communes, ainsi que nous voyons encore la chose se faire parfois en Italie, en Sicile et sur une partie du territoire de l'Asie. Le brigandage (pour nous servir d'un mot qui ne date que du XVe siècle) existait à l'état permanent sous l'administration romaine, aux portes mêmes de la capitale de l'empire, et il n'est pas équitable de faire remonter cette institution au moyen âge seulement; elle appartient un peu à tous les temps, et aux sociétés particulièrement qui inclinent vers la dissolution. Le moyen âge féodal ne pratiqua pas le brigandage et ne l'éleva pas à la hauteur d'une institution, ainsi que plusieurs feignent de le croire pour arriver à nous démontrer que l'histoire de la civilisation ne date que du XVIe siècle.

      La féodalité entreprit au contraire de détruire le brigandage qui, après la chute de l'empire romain, était passé dans les moeurs et s'étendait à l'aise sur toute l'Europe occidentale. La féodalité fut une véritable gendarmerie, une magistrature armée, et malgré tous les abus qui entourent son règne, elle eut au moins cet avantage de relever les populations de l'affaissement où elles étaient tombées à la fin de l'empire et sous les Mérovingiens. Ces premiers possesseurs terriens, ces leudes, surent grouper autour de leurs domaines les habitants effarés des campagnes, et si des colons romains ils ne firent pas du jour au lendemain des citoyens (tâche impossible, puisque à peine les temps modernes ont pu la remplir), du moins leur enseignèrent-ils par l'exemple à se défendre et à se réunir au besoin, à l'ombre du donjon, contre un ennemi commun. Que des châtelains aient été des voleurs de grands chemins, le fait a pu se présenter, surtout au déclin de la féodalité; mais il serait aussi injuste de rendre l'institution féodale responsable de ces crimes qu'il serait insensé de condamner les institutions de crédit, parce qu'il se rencontre parfois des banqueroutiers parmi les financiers. Les Assises de Jérusalem, ce code élaboré par la féodalité taillant en plein drap, est, pour l'état de la société d'alors, un recueil d'ordonnances fort sages, et qui indique une très-exacte appréciation des conditions d'ordre social; et les barons, guerriers et légistes qui ont rédigé ce code, eussent été fort surpris si on leur eût dit qu'un siècle comme le nôtre, qui se prétend éclairé sur toutes choses, les considérerait comme des détrousseurs de pèlerins; des soudards, pillards sans vergogne.

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