Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 8 - (Q suite - R - S). Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc
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Читать онлайн книгу Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 8 - (Q suite - R - S) - Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc страница 16

СКАЧАТЬ En effet, il arrivait, pour des roses d'un grand diamètre et dont les membres avaient une faible section, que la déformation se produisait, ainsi que l'indique la figure 11.

      Si une partie de la circonférence de ces roses subissait une pression trop forte, par suite d'un tassement ou d'un écartement, l'oeil pivotait sur son centre et les rayons, au lieu de tendre à ce centre, faisaient tous un mouvement de rotation à leur pied 33.

      Les accidents qui résultaient de ce mouvement n'ont pas besoin d'être signalés; ils compromettaient la solidité de tout l'ouvrage, en déterminant des épaufrures et en enlevant au réseau tout son roide. Ce n'était pas, certes, dans les roses robustes de la cathédrale de Reims que de pareils effets pouvaient se produire. Mais Libergier avait probablement observé ce mouvement de déformation par rotation dans des roses de l'Île-de-France plus délicates que celles de Notre-Dame de Reims; voulant atteindre et même dépasser cette délicatesse dans la structure de la rose occidentale de Saint-Nicaise, il adopta un système qui devait éviter ces dangers. À l'aide des étrésillons en décharge de cette rose (fig. 10), il prévint le mouvement de rotation de l'oeil. Ce fut là un progrès que l'on ne cessa de poursuivre dans la composition des roses des XIVe et XVe siècles. Celles-ci, combinées dès lors d'après ce principe, furent beaucoup moins sujettes à se déformer.

      Le système de la rose champenoise, composée d'un cercle puissant, clavé, embrevant les compartiments intérieurs formés de pierre en délit, avait cet avantage de présenter une certaine élasticité et de permettre d'éviter les charges partielles sur ces compartiments. Mais aussi ces architectes champenois de la fin du XIIIe siècle étaient des constructeurs très-expérimentés et très-habiles; et si, malheureusement, l'église de Saint-Nicaise de Reims n'est plus là pour le démontrer, nous possédons encore celle de Saint-Urbain de Troyes, qui est certainement la plus merveilleuse application du système de structure gothique.

      Le XIVe siècle ne se montra pas aussi ingénieux dans toutes les provinces, mais cependant quelques maîtres tentaient de prévenir la rotation des rayons des roses.

      À Amiens, par exemple, le pignon nord du transsept de la cathédrale était, vers 1325, percé d'une grande rose dont les compartiments, engendrés par un pentagone, ne tendent plus au centre du cercle, mais aux angles de ce pentagone formant oeil: c'était un moyen d'éviter le pivotement des rayons; mais cette rose n'est pas d'une heureuse composition. La fin du XIVe siècle et le commencement du XVe n'élevèrent qu'un très-petit nombre d'édifices religieux en France; les guerres, les malheurs de cette époque, donnaient d'autres soucis. Ce ne fut qu'à dater de la fin du règne de Charles VII que les architectes se remirent à l'oeuvre. En ce qui concerne les roses, le système de Libergier paraît alors avoir définitivement prévalu, et la rose occidentale de la sainte Chapelle du palais, à Paris, reconstruite au XVe siècle, est évidemment une arrière-petite-fille de celle de Saint-Nicaise de Reims. Nous donnons (fig. 12) le douzième de cette rose, à l'échelle de 0m,03 pour mètre.

      Lorsqu'on jette les yeux sur ces réseaux de pierre, composés presque exclusivement de lignes courbes, il semble, au premier abord, que ces mailles qui présentent un enchevêtrement des plus gracieux aux uns, une conception maladive aux autres, suivant les goûts ou les opinions, ne sont déterminées que par le caprice. Il n'en est rien cependant. Que l'on ait pour l'architecture de cette époque, ou une admiration, ou un blâme de parti pris, il faut avoir affaire à la géométrie, pour se rendre compte de ces compositions; or, la géométrie ne peut passer pour une science de fantaisistes.

      Dans la rose de Saint-Nicaise, non-seulement les rayons sont rectilignes, mais aussi les jambettes, qui font l'office d'étrésillons obliques; mais en supposant un effort, une pression sur un point de la circonférence, ces étrésillons auraient eu besoin eux-mêmes d'être étrésillonnés pour résister à cette pression. En observant, par exemple, la contexture des plantes, on remarque que les réseaux qui forment les feuilles, la pulpe de certains fruits, présentent un système cellulaire très-résistant, si l'on tient compte de la ténuité des filaments et de la mollesse de ces organes. C'est un principe analogue qui dirige les maîtres dans le tracé des roses du XVe siècle. Ils conservent quelques rayons, et remplissent les coins laissés entre eux par une véritable arcature cellulaire, assez semblable à celle des organes des végétaux.

      Ainsi est tracée la rose occidentale de la sainte Chapelle du palais. Six rayons rectilignes la divisent en six grands segments, qui sont remplis par deux courbes principales étrésillonnées par un réseau de courbes secondaires. Les charges ou pressions se répartissent dès lors sur l'ensemble de l'arcature. Mais il ne faut pas croire, comme plusieurs affectent de le dire, que ces courbes sont capricieusement agencées, elles dérivent d'un tracé géométrique très-rigoureux. Le rayon de l'oeil ab ayant été tracé, la portion du grand rayon bc restant a été divisée en trois parties égales. La ligne ae est le diamètre d'un hexagone, sur les côtés duquel ont été posés les centres f des portions de cercle bg. Sur le côté ff' de l'hexagone a été posé le centre h de la portion de cercle gi; du point h il a été tirée une ligne parallèle au grand rayon aB; prenant le tiers de la portion de circonférence cB, on a obtenu le point j. De ce point j on a tiré une ligne tangente à la courbe gi, qui donne l'axe sur lequel doivent se rencontrer les courbes du réseau secondaire du grand lobe. Sur la ligne A C parallèle au grand rayon aB, on a cherché le centre K de l'arc de cercle lj, la ligne lK, étant parallèle au côté de l'hexagone. Du point K on a tiré une ligne perpendiculaire à l'axe jD; sur cette ligne a été cherché en n le centre de l'arc de cercle il. Sur cette même ligne Em, à une égale distance de l'axe Dj, en o, a été posé le centre de l'arc mj; sur cette même ligne, en p, a été cherché le centre de l'arc mq; sur le prolongement de cette même ligne, en r, a été cherché le centre de l'arc mB. Ainsi ont été tracés les principales courbes du compartiment. Un triangle équilatéral divisé par l'axe Dj a donné les centres des lobes secondaires, comme d'autres triangles équilatéraux, dans le grand lobe supérieur, ont donné les centres des lobes secondaires de cette partie. Les côtés de ces triangles équilatéraux ont donné les positions des pointes des redents destinés à consolider le réseau. Notre figure fait assez comprendre la position de ces centres sur les côtés des triangles équilatéraux, pour qu'il ne soit pas nécessaire de fournir des explications plus détaillées. Le profil G donne la section des membres principaux et celle H des membres secondaires. Le tracé L, à une plus grande échelle, fait voir comment ces membres secondaires pénètrent dans les membres principaux. On observera que l'oeil est renforcé extérieurement par un cercle et un redenté saillants qui lui donnent plus d'épaisseur, et par conséquent plus de résistance, toutes les charges aboutissant à ce cercle central. L'appareil indiqué sur notre figure fait voir comment les morceaux de pierre sont coupés en raison des pressions qu'ils ont à subir. Tous ces joints sont d'ailleurs coulés en plomb, comme dans toutes les roses de quelque importance, à dater du XIIIe siècle; le plomb formant lui-même goujon: tandis que dans les roses à rayons des XIIIe et XIVe siècles, les constructeurs ont placé des goujons de fer dans les lits, ce qui fait parfois éclater les pierres, par suite de l'oxydation. La rose de la sainte Chapelle du palais a été taillée dans de la pierre dure de Vernon, et n'avait subi que des altérations partielles, par suite d'un écartement des deux tourelles formant contre-forts 34.

      Il n'était pas possible de pousser plus loin la légèreté dans ces combinaisons de réseaux de pierre destinés à maintenir des vitraux. La science du tracé, la précision de l'exécution, le calcul des pressions et des résistances, avaient atteint leurs dernières limites, et les roses que l'on fit encore au commencement du XVIe siècle sont loin СКАЧАТЬ



<p>33</p>

La section des réseaux ayant beaucoup de champ (voyez celle du réseau de la rose sud de Notre-Dame de Paris), et peu de largeur, pour laisser plus de place aux vitraux, il est évident que si une pression s'exerçait sur un point du grand cercle, les rayons, ne pouvant rentrer en eux-mêmes, trouvant une résistance sur leur champ, poussaient l'oeil dans le sens le plus faible de leur section et le faisaient pivoter.

<p>34</p>

Voyez la Monographie de la sainte Chapelle du palais, par V. Caillat, 1857.