Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 1 - (A). Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc
Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 1 - (A) - Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc страница 4

СКАЧАТЬ dans leur décoration ou leur construction? L'unité qui règne dans ces conceptions, la parfaite concordance des détails avec l'ensemble, l'harmonie de toutes les parties ne démontrent-elles pas qu'une seule volonté a présidé à l'érection de ces oeuvres d'art? Cette volonté peut-elle être autre que celle de l'artiste? Et ne voyons-nous pas, à propos des discussions qui eurent lieu sous Louis XIV, lorsqu'il fut question d'achever le Louvre, le roi, le surintendant des bâtiments, Colbert, et toute la cour donner son avis, s'occuper des ordres, des corniches, et de tout ce qui touche à l'art, et finir par confier l'oeuvre à un homme qui n'était pas architecte, et ne sut que faire un dispendieux placage, dont le moindre défaut est de ne se rattacher en aucune façon au monument et de rendre inutile le quart de sa superficie? On jauge une civilisation par ses arts, car les arts sont l'énergique expression des idées d'une époque, et il n'y a pas d'art sans l'indépendance de l'artiste. L'étude des arts du moyen âge est une mine inépuisable, pleine d'idées originales, hardies, tenant l'imagination éveillée, cette étude oblige à chercher sans cesse, et par conséquent elle développe puissamment l'intelligence de l'artiste. L'architecture, depuis le XIIe siècle jusqu'à la renaissance, ne se laisse pas vaincre par les difficultés, elle les aborde toutes franchement; n'étant jamais à bout de ressources, elle ne va cependant les puiser que dans un principe vrai. Elle abuse même trop souvent de cette habitude de surmonter des difficultés parmi lesquelles elle aime à se mouvoir. Ce défaut! pouvons-nous le lui reprocher? Il tient à la nature d'esprit de notre pays, à ses progrès et ses conquêtes, dont nous profitons, au milieu dans lequel cet esprit se développait. Il dénote les efforts intellectuels d'où la civilisation moderne est sortie, et la civilisation moderne est loin d'être simple; si nous la comparons à la civilisation païenne, de combien de rouages nouveaux ne la trouverons-nous pas surchargée; pourquoi donc vouloir revenir dans les arts à des formes simples quand notre civilisation, dont ces arts ne sont que l'empreinte, est si complexe? Tout admirable que soit l'art grec, ses lacunes sont trop nombreuses pour que dans la pratique il puisse être appliqué à nos moeurs. Le principe qui l'a dirigé est trop étranger à la civilisation moderne pour inspirer et soutenir nos artistes modernes. Pourquoi donc ne pas habituer nos esprits à ces fertiles labeurs des siècles d'où nous sommes sortis? Nous l'avons vu trop souvent, ce qui manque surtout aux conceptions modernes en architecture, c'est la souplesse, cette aisance d'un art qui vit dans une société qu'il connaît; notre architecture gêne ou est gênée, en dehors de son siècle, ou complaisante jusqu'à la bassesse, jusqu'au mépris du bon sens. Si donc nous recommandons l'étude des arts des siècles passés avant l'époque où ils ont quitté leur voie naturelle, ce n'est pas que nous désirions voir élever chez nous aujourd'hui des maisons et des palais du XIIIe siècle, c'est que nous regardons cette étude comme pouvant rendre aux architectes cette souplesse, cette habitude d'appliquer à toute chose un principe vrai, cette originalité native et cette indépendance qui tiennent au génie de notre pays. N'aurions-nous que fait naître le désir chez nos lecteurs d'approfondir un art trop longtemps oublié, aurions-nous contribué seulement à faire aimer et respecter des oeuvres qui sont la vivante expression de nos progrès pendant plusieurs siècles, que nous croirions notre tâche remplie; et si faibles que soient les résultats de nos efforts, ils feront connaître, nous l'espérons du moins, qu'entre l'antiquité et notre siècle, il s'est fait un travail immense dont nous pouvons profiter, si nous savons en recueillir et choisir les fruits.

VIOLLET-LE-DUC.

      DICTIONNAIRE RAISONNÉ DE L'ARCHITECTURE FRANÇAISE du XIe AU XVIe SIÈCLE

      A

       ABAQUE, s. m. (TAILLOIR.) Tablette qui couronne le chapiteau de la colonne.

      Ce membre d'architecture joue un grand rôle dans les constructions du moyen âge; le chapiteau recevant directement les naissances des arcs, forme un encorbellement destiné à équilibrer le porte-à-faux du sommier sur la colonne, le tailloir ajoute donc à la saillie du chapiteau en lui donnant une plus grande résistance; biseauté généralement dans les chapiteaux de l'époque romane primitive (1), il affecte en projection horizontale, la forme carrée suivant le lit inférieur du sommier de l'arc qu'il supporte; il est quelquefois décoré de moulures simples et d'ornements, particulièrement pendant le XIIe siècle, dans l'Ile-de-France, la Normandie, la Champagne, la Bourgogne et les provinces méridionales(2). Son plan reste carré pendant la première moitié du XIIIe siècle, mais alors il n'est plus décoré que par des profils d'une coupe très-mâle (3), débordant toujours les feuillages et ornements du chapiteau. L'exemple que nous donnons ici est tiré du choeur de l'église de Vézelay, bâti de 1200 à 1210.

      Vers le milieu du XIIIe siècle, lorsque les arcs sont refouillés de moulures accentuées présentant en coupe des saillies comprises dans des polygones, les abaques inscrivent ces nouvelles formes (4). alors les feuillages des chapiteaux débordent la saillie des tailloirs. (Église de Semur en Auxois et cathédrale de Nevers.)

      On rencontre souvent des abaques circulaires dans les édifices de la province de Normandie, à la cathédrale de Coutances, à Bayeux, à Eu, au Mont-Saint-Michel; les abaques circulaires apparaissent vers le milieu du XIIIe siècle: les profils en sont hauts, profondément refouillés, comme ceux des chapiteaux anglais de la même époque. Quelquefois dans les chapiteaux des meneaux de fenêtres (comme à la Sainte-Chapelle du Palais, comme à la cathédrale d'Amiens, comme dans les fenêtres des chapelles latérales de la cathédrale de Paris), de 1230 à 1250, les abaques sont circulaires (5).

      Vers la fin du XIIIe siècle les abaques diminuent peu à peu d'importance: ils deviennent bas, maigres, peu saillants pendant le XIVe siècle (6), et disparaissent presque entièrement pendant le XVe (7). Puis, sous l'influence de l'architecture antique, les abaques reprennent de l'importance au commencement du XVIe siècle. (Voy. CHAPITEAU.)

      Pendant la période romane et la première moitié du XIIIe siècle, les abaques ne font pas partie du chapiteau; ils sont pris dans une autre assise de pierre; ils remplissent réellement la fonction d'une tablette servant de support et de point d'appui aux sommiers des arcs. Depuis le milieu du XIIIe siècle jusqu'à la renaissance, en perdant de leur importance comme moulure, les abaques sont, le plus souvent, pris dans l'assise du chapiteau; quelquefois même les feuillages qui décorent le chapiteau viennent mordre sur les membres inférieurs de leurs profils au XVe siècle, les ornements enveloppent la moulure de l'abaque, qui se cache sous cet excès de végétation. Le rapport entre la hauteur du profil de l'abaque et le chapiteau, entre la saillie et le galbe de ses moulures et la disposition des feuillages ou ornements, est fort important à observer; car ces rapports et le caractère de ces moulures se modifient non-seulement suivant les progrès de l'architecture du moyen âge, mais aussi suivant la place qu'occupent les chapiteaux. Au XIIIe siècle principalement, les abaques sont plus ou moins épais, et leurs profils sont plus ou moins compliqués, suivant que les chapiteaux sont placés plus ou moins près du sol. Dans les parties élevées des édifices, les abaques sont très-épais, largement profilés, tandis que dans les parties basses ils sont plus minces et finement moulurés.

       ABAT-SONS, s. m. C'est le nom que l'on donne aux lames de bois recouvertes de plomb ou d'ardoises qui sont attachées aux charpentes des beffrois pour les garantir de la pluie, et pour renvoyer le son des cloches vers le sol. Ce n'est guère que pendant le XIIIe siècle que l'on a commencé à garnir les beffrois d'abat-sons. Jusqu'alors les baies des clochers étaient СКАЧАТЬ