Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 1 - (A). Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc
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      Dès lors, pour éviter le fâcheux effet de ce poids sur des voûtes, des arcs de décharge ont été ménagés dans l'épaisseur des murs de fond des galeries au premier étage. Ces arcs reportent la charge de ces murs sur les sommiers des arcs-doubleaux des bas côtés (voy. CONSTRUCTION, TRIFORIUM, GALERIE). On trouve des arcs de décharge en tiers-point, dans les galeries hautes de Notre-Dame de Paris, dans le triforium des nefs des cathédrales d'Amiens (79), de Reims, de Nevers. Mais à Amiens, les fenêtres supérieures étant posées sur la claire-voie intérieure du triforium, ces arcs de décharge ne portent que le poids d'un mur mince, qui ne s'élève que jusqu'à l'appui du fenestrage.

      Dans les édifices de la Bourgogne, et d'une partie de la Champagne, les fenêtres, au lieu d'être posées sur l'arcature intérieure, sont en retraite sur les murs extérieurs du triforium. Dans ce cas, l'arc de décharge est d'autant plus nécessaire que ce mur extérieur porte avec le fenestrage la bascule des corniches de couronnement, il est quelquefois posé immédiatement au-dessus de l'extrados des archivoltes, afin d'éviter même la charge du remplissage, qui comme à Reims, à Paris et à Amiens, garnit le dessous de l'arc en tiers-point, ou bien encore, l'arc de décharge n'est qu'un arc bombé, noyé dans l'épaisseur du mur, un peu au-dessus du sol de la galerie, ainsi qu'on peut le remarquer dans l'église de Saint-Père-sous-Vézelay (80).

      On rencontre des arcs de décharge, à la base des tours centrales des églises reposant sur les quatre arcs-doubleaux des transsepts, comme à la cathédrale de Laon. Sous les beffrois des clochers, comme à Notre-Dame de Paris. Il en existe aussi au-dessus des voûtes, pour reporter le poids des bahuts et des charpentes sur les piles, et soulager les meneaux des fenêtres tenant lieu de formerets, comme à la Sainte-Chapelle de Paris, comme à Amiens, à la cathédrale de Troyes (81). Au XVe siècle, les arcs de décharge ont été fort en usage pour porter des constructions massives, reposant en apparence sur des constructions à jour; pour soulager les cintres des grandes roses du poids des pignons de face.

      Il n'est pas besoin de dire, que les arcs jouent un grand rôle dans la construction des édifices du moyen âge, les architectes étaient arrivés, dès le XIIIe siècle, à acquérir une connaissance parfaite de leur force de résistance, et de leurs effets sur les piles et les murs, ils mettaient un soin particulier dans le choix des matériaux qui devaient les composer, dans leur appareil, et la façon de leurs joints. L'architecture romaine n'a fait qu'ouvrir la voie dans l'application des arcs à l'art de bâtir; l'architecture du moyen âge l'a parcourue aussi loin qu'il était possible de le faire, au point d'abuser même de ce principe à la fin du XVe siècle, par un emploi trop absolu peut-être, et des raffinements poussés à l'excès.

      La qualité essentielle de l'arc, c'est l'élasticité. Plus il est étendu, plus l'espace qu'il doit franchir est large, et plus il est nécessaire qu'il soit flexible. Les constructeurs du moyen âge ont parfaitement suivi ce principe en multipliant les joints dans leurs arcs, en les composant de claveaux égaux, toujours extradossés avec soin. Ce n'est qu'au XVIe siècle, alors que l'art de bâtir, proprement dit, soumettait l'emploi des matériaux à des formes qui ne convenaient ni à leurs qualités, ni à leurs dimensions, que l'arc ne fut plus appliqué en raison de sa véritable fonction. Le principe logique qui l'avait fait admettre, cessa de diriger les constructeurs. En imitant ou croyant imiter les formes de l'antiquité romaine, les architectes de la renaissance s'écartaient plus du principe de la construction antique que les architectes des XIIe et XIIIe siècles; ou plutôt, ils n'en tenaient nul compte. Si dans leurs constructions massives, inébranlables, les Romains avaient compris la nécessité de laisser aux arcs une certaine élasticité en les extradossant, et en les formant de rangs de claveaux concentriques, lorsqu'ils avaient besoin de leur donner une grande résistance, à plus forte raison dans les bâtisses du moyen âge, où tout est équilibre, et mouvement par conséquent, devait-on ne pas perdre de vue le principe qui doit diriger les architectes dans la construction des arcs. Du jour où l'on cessa d'extradosser les arcs, où l'on voulut les composer de claveaux inégaux comme dimension, et comme poids par conséquent, les appareiller à crossettes, et les relier aux assises horizontales, au moyen de joints droits à la queue, on ne comprit plus la véritable fonction de l'arc (voy. CONSTRUCTION, VOÛTE).

       ARCADE, s. t. Mot qui désigne l'ensemble d'une ouverture fermée par une archivolte. On dit: les arcades de ce portique s'ouvrent sur une cour. Le mot arcade est général, il comprend le vide comme le plein, l'archivolte comme les pieds-droits. On dit aussi: arcade aveugle pour désigner une archivolte ou arc de décharge formant avec les pieds-droits une saillie sur un mur plein. Les arcs de décharge des bas côtés de l'église de Saint-Étienne de Nevers (voy. ARC, fig. 74) sont des arcades aveugles. Les arcades aveugles sont très-souvent employées dans les édifices romans du Poitou, de l'Auvergne, de la Saintonge et de l'Angoumois; toutefois, quand elles sont d'une petite dimension, on les désigne sous le nom d'ARCATURE (voy. ce mot). Les constructeurs de l'époque romane donnant aux murs de leurs édifices une forte épaisseur suivant la tradition romaine, et aussi pour résister à la poussée uniforme des voûtes en berceau, cherchaient, autant pour économiser les matériaux que pour décorer ces murs massifs et les rendre moins lourds, à les alléger au moyen d'une suite d'arcades (voy. ARC DE DÉCHARGE) qui leur permettaient cependant de retrouver les épaisseurs de murs nécessaires pour maintenir les poussées des berceaux au-dessus de l'extrados de ces arcs. Par suite de l'application des voûtes en arcs d'ogives dans les édifices, il ne fut plus utile d'élever des murs épais continus; on se contenta dès lors d'établir des contre-forts saillants au droit des poussées (voy. CONSTRUCTION), et les intervalles entre ces contre-forts n'étant que des clôtures minces en maçonnerie, les arcades aveugles, ou arcs de décharge, n'eurent plus de raison d'être. Toutefois cette tradition subsista, et les architectes de la période ogivale continuèrent, dans un but purement décoratif, à pratiquer des arcades aveugles (arcatures) sous les appuis des fenêtres des bas côtés dans les intérieurs de leurs édifies, d'abord très-saillantes, puis s'aplatissant peu à peu à la fin du XIIIe siècle et pendant le XIVe, pour ne plus être qu'un placage découpé plus ou moins riche, sorte de filigrane de pierre destiné à couvrir la nudité des murs.

       ARCATURE, s. t. Mot par lequel on désigne une série d'arcades d'une petite dimension, qui sont plutôt destinées à décorer les parties, lisses des murs sous les appuis des fenêtres ou sous les corniches, qu'à répondre à une nécessité de la construction. On rencontre dans certains édifices du Bas-Empire des rangées d'arcades aveugles qui n'ont d'autre but que d'orner les nus des murs. Ce motif de décoration paraît avoir été particulièrement admis et conservé par les architectes de l'époque carlovingienne, et il persiste pendant les périodes romane et ogivale, dans toutes les provinces de la France. Il est bon d'observer cependant que l'emploi des arcatures est plus ou moins bien justifié dans les édifices romans; quelques contrées, telles que la Normandie par exemple, ont abusé de l'arcature dans certains monuments du XIe siècle, ne sachant trop comment décorer les façades des grandes églises, les architectes superposèrent des étages d'arcatures aveugles de la base au faîte. C'est particulièrement dans les édifices normands bâtis en Angleterre, que cet abus se fait sentir; la façade de l'église de Peterborough en est un exemple. Rien n'est plus monotone que cette superposition d'arcatures égales comme hauteurs et largeurs, dont on ne comprend ni l'utilité comme système de construction, ni le but comme décoration. En France le sentiment des proportions, des rapports des vides avec les pleins, perce dans l'architecture du moment qu'elle se dégage de la barbarie. Dès le XIe siècle ces détails importants de la décoration des maçonneries, tels que les arcatures, sont contenus dans de justes bornes, tiennent bien leur place, ne paraissent pas être comme en Angleterre ou en Italie, sur la façade de la cathédrale de Pise par exemple, des placages d'une stérile invention. Nous diviserons les arcatures: 1° en arcatures de rez-de-chaussée;arcatures de couronnements;arcatures-ornements.

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