Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 1 - (A). Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc
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СКАЧАТЬ ogivale jusque vers le milieu du XIIIe siècle.

      Pendant le XIIe siècle, en Bourgogne, dans l'Ile-de-France, on voit encore les arcs-doubleaux et les arcs-ogives ornés de dents de scie, de pointes de diamant, de bâtons rompus(48); salle capitulaire de l'église de Vézelay, porche de l'église de Saint-Denis, etc. Les arcs-ogives du choeur de l'église de Saint-Germer sont couverts de riches ornements.

      C'est à la fin du XVe siècle et pendant le XVIe que l'on appliqua de nouveau des ornements aux arcs-doubleaux, arcs-ogives et formerets, mais alors ces ornements présentaient de grandes saillies débordant les moulures; le choeur de l'église de Saint-Pierre de Caen est un des exemples les plus riches de ce genre de décoration appliqué aux arcs des voûtes; mais c'est là un abus de l'ornementation que nous ne saurions trop blâmer, en ce qu'il détruit cette pureté de lignes qui séduit dans les voûtes en arcs d'ogives, qu'il les alourdit et fait craindre leur chute.

       ARC-BOUTANT. Ce sont les arcs extérieurs qui par leur position sont destinés à contre-butter la poussée des voûtes en arcs d'ogives. Leur naissance repose sur les contre-forts, leur sommet arrive au point de la poussée réunie des arcs-doubleaux et des arcs-ogives. Suivant les goûts de chaque école, on a beaucoup blâmé ou beaucoup loué le système des arcs-boutants; nous n'entreprendrons pas de les défendre ou de faire ressortir leurs inconvénients; il n'y a qu'une chose à dire à notre sens sur ce système de construction, c'est qu'il est l'expression la plus franche et la plus énergique du mode adopté par les constructeurs du moyen âge. Jusqu'à leur application dans les églises gothiques, tout est tâtonnement; du moment que les arcs-boutants sont nettement accusés dans les constructions, la structure des églises se développe dans son véritable sens, elle suit hardiment la voie nouvelle. Demander une église gothique sans arc-boutants, c'est demander un navire sans quille, c'est pour l'église comme pour le navire une question d'être ou de n'être pas. Le problème que les architectes de l'époque romane s'étaient donné à résoudre était celui-ci: élever des voûtes sur la basilique antique. Comme disposition de plan, la basilique antique satisfaisait complétement au programme de l'église latine: grands espaces vides, points d'appui minces, air et lumière. Mais la basilique antique était couverte par des charpentes, l'abside seule était voûtée; or dans notre climat les charpentes ne préservent pas complètement de la neige et du vent; elles se pourrissent assez rapidement quand on n'emploie pas ces dispositions modernes de chéneaux en métal, de conduits d'eau, etc., procédés qui ne peuvent être en usage qu'au milieu d'un peuple chez lequel l'art de la métallurgie est arrivé à un haut degré de perfection. De plus, les charpentes brûlent, et un édifice couvert seulement par une charpente que l'incendie dévore est un édifice perdu de la base au faîte. Jusqu'aux Xe et XIe siècles il n'est question dans les documents écrits de notre histoire que d'incendies d'églises qui nécessitent des reconstructions totales. La grande préoccupation du clergé, et par conséquent des architectes qui élevaient des églises, était dès le Xe siècle de voûter les nefs des basiliques. Mais les murs des basiliques portés par des colonnes grêles ne pouvaient présenter une résistance suffisante à la poussée des voûtes hautes ou basses. Dans le centre de la France les constructeurs, vers le XIe siècle, avaient pris le parti de renoncer à ouvrir des jours au sommet des murs des nefs hautes, et ils contre-buttaient les voûtes en berceau de ces nefs hautes, soit par des demi-berceaux, comme dans la plupart des églises auvergnates, soit par de petites voûtes d'arêtes élevées sur les bas côtés. Les nefs alors ne pouvaient être éclairées que par les fenêtres de ces bas côtés presque aussi hautes que les grandes nefs. Les murs extérieurs, épais et renforcés de contre-forts, maintenaient les poussées combinées des grandes et petites voûtes (voy. ÉGLISES, VOÛTES). Mais dans le nord de la France ce système ne pouvait prévaloir; de grands centres de population exigeaient de vastes églises, on avait besoin de lumière, il fallait prendre des jours directs dans les murs des nefs, et renoncer par conséquent à contre-butter les voûtes hautes par des demi-berceaux continus élevés sur les bas côtés. Dans quelques églises de Normandie, celles entre autres de l'abbaye aux Hommes et de l'abbaye aux Dames de Caen, les constructeurs avaient cherché un moyen terme: ils avaient élevé sur des piles fort épaisses les grandes voûtes d'arêtes des nefs hautes, et ménageant de petits jours sous les formerets de ces voûtes, ils avaient cherché à contre-butter leur poussée par un demi-berceau continu bandé sur le triforium (49). Mais ce demi-berceau n'arrive pas au point de la poussée de ces voûtes hautes. Et pourquoi un demi-berceau continu pour maintenir une voûte d'arête dont les poussées sont reportées sur des points espacés au droit de chaque pile? Il y a quelque chose d'illogique dans ce système qui dut bientôt frapper des esprits enclins à tout ramener à un principe vrai et pratique. Or, supposons que le demi-berceau A figuré dans la coupe de la nef de l'abbaye aux Hommes (49) soit coupé par tranches, que ces tranches soient conservées seulement au droit des poussées des arcs-doubleaux et des arcs-ogives, et supprimées entre les piles, c'est-à-dire dans les parties où les poussées des grandes voûtes n'agissent pas, l'arc-boutant est trouvé; il permet d'ouvrir dans les travées des jours aussi larges et aussi bas que possible. Le triforium n'est plus qu'une galerie à laquelle on ne donne qu'une importance médiocre. Le bas côté, composé d'un rez-de-chaussée, est couvert par un comble à pente simple. Ces murs épais deviennent alors inutiles, les piles des nefs peuvent rester grêles, car la stabilité de l'édifice ne consiste plus que dans la résistance des points d'appui extérieurs sur lesquels les arcs-boutants prennent naissance (voy. CONTRE-FORT). Il fallut deux siècles de tâtonnements, d'essais souvent malheureux, pour arriver à la solution de ce problème si simple, tant il est vrai que les procédés les plus naturels, en construction comme en toute chose, sont lents à trouver. Mais aussi dès que cette nouvelle voie fut ouverte elle fut parcourue avec une rapidité prodigieuse, et l'arc-boutant, qui naît à peine au XIIe siècle, est arrivé à l'abus au XIVe. Quelques esprits judicieux veulent conclure de la corruption si prompte du grand principe de la construction des édifices gothiques, que ce principe est vicieux en lui-même; et cependant l'art grec, dont personne n'a jamais contesté la pureté, soit comme principe, soit comme forme, a duré à peine soixante-dix ans, et Périclès n'était pas mort que déjà l'architecture des Athéniens arrivait à son déclin. Nous pensons, au contraire, que dans l'histoire de la civilisation, les arts qui sont destinés à faire faire un grand pas à l'esprit humain sont précisément ceux qui jettent tout à coup une vive clarté pour s'éteindre bientôt par l'abus même du principe qui les a amenés promptement à leur plus grand développement (voy. ARCHITECTURE).

      Les besoins auxquels les architectes du moyen âge avaient à satisfaire en élevant leurs églises les amenaient presque malgré eux à employer l'arc-boutant; nous allons voir comment ils ont su développer ce système de construction et comment ils en ont abusé.

      Ce n'est, comme nous venons de le dire, qu'à la fin du XIIe siècle que l'arc-boutant se montre franchement dans les édifices religieux du nord de la France; il n'apparaît dans le centre et le midi que comme une importation, vers la fin du XIIIe siècle, lorsque l'architecture ogivale, déjà développée dans l'Ile-de-France, la Champagne et la Bourgogne, se répand dans tout l'occident.

      Nous donnons en première ligne et parmi les plus anciens l'un des arcs-boutants du choeur de l'église Saint-Remy de Reims, dont la construction remonte à la dernière moitié du XIIe siècle (50). Ici l'arc-boutant est simple, il vient contre-butter les voûtes au point de leur poussée, et répartit sa force de résistance sur une ligne verticale assez longue au moyen de ce contre-fort porté sur une colonne extérieure, laissant un passage entre elle et le mur au-dessus du triforium. Mais bientôt les constructeurs observèrent que la poussée des voûtes en arcs d'ogives d'une très-grande portée, agissait encore au-dessous et au-dessus du point mathématique de cette poussée. La théorie peut, en effet, démontrer que la poussée d'une voûte se résout en un seul point, mais la pratique fait bientôt reconnaître que cette poussée est diffuse et qu'elle agit par suite du glissement СКАЧАТЬ