Les Peintres Provençaux. Gouirand André
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Название: Les Peintres Provençaux

Автор: Gouirand André

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ de ses musées, les grands souvenirs historiques évoqués par ses ruines; mais bien la beauté de la campagne romaine déjà entrevue et pressentie dans les dessins de son premier maître Constantin. Et le jeune artiste, qui, dans les plus célèbres galeries, ne pouvait, en face des maîtres, tenir longtemps en place devant son chevalet, s'éprit d'un vif amour pour cette théâtrale nature. Il admira la beauté antique du geste du paysan romain; les scènes quasi virgiliennes auxquelles concouraient des animaux majestueux, dans la limpide atmosphère du ciel de la Romagne, au sein des grands paysages que décoraient les fonds hautains de ses collines augurales, et parfois, la plaine océanique de ses marais pontins. Il vit des scènes champêtres, où l'homme grave procède, ainsi que le dit Théophile Gautier, aux travaux de la terre comme aux cérémonies d'un culte. De ses yeux ravis, il observa les scènes de labour et de moisson, magnifiées par les vers, encore présents à sa mémoire, des poètes latins; les fins de journée glorieuse; la rentrée en apothéose des paysans et des paysannes, sur les hautes charrettes que traînent des bœufs majestueux. Intéressé par la nouveauté du costume, par la grandeur du paysage, par les beaux mouvements harmoniques qu'y font les hommes et les animaux, il va d'instinct vers ces choses. Ce qu'il admire vraiment à Rome, ce n'est pas le passé de la Ville Éternelle, ce ne sont pas Raphaël et Michel-Ange, c'est la vie au dehors, la vie dans la lumière, la vie remuante; et son désir se précise de l'exprimer sur la toile.

      Cependant Granet forçait son élève à étudier les maîtres; il le trouvait, avec raison, encore peu suffisamment armé, non complètement éduqué, pour pouvoir se livrer à ses inspirations personnelles; si bien qu'après deux années de séjour à Rome, et à peine rentré à Aix, Loubon partit pour Paris y continuer son éducation artistique si bien commencée. De nos jours, il se serait immédiatement livré à l'art, sans plus augmenter ses connaissances classiques, car il est assez généralement admis, depuis, qu'apprendre son métier est inutile. Mais c'était le temps où l'artiste faisait un long apprentissage, avant d'oser ce qu'osent généralement aujourd'hui ceux qui ne savent pas assez. Par les hésitations, les longs tâtonnements qui caractérisent l'éclosion des talents de tant d'artistes modernes, arrêtés trop souvent dans leur marche, il faut bien reconnaître, après expérience faite, que rien ne se traduit, en peinture, sans l'éducation préalable, sans la possession complète des moyens techniques d'expression, que les peintres de génie ont toujours possédés mieux qu'aucuns.

      A Paris, grâce à de nombreuses recommandations, grâce aussi à l'attrait sympathique qui émane de sa personne, Loubon se lie bientôt avec tous les artistes de son époque: Delacroix, Decamps, qu'il affectionne particulièrement; Rousseau, Corot, Diaz, Dupré. Par Roqueplan, son compatriote, duquel il subit pendant assez longtemps l'influence, et dont il semble s'être assimilé un certain temps la manière, il connut Troyon et devint bientôt son meilleur ami. C'est dans ce milieu fécondant que le peintre aixois, aidé par sa facilité intuitive, par les qualités de son intelligence, s'initiait, s'instruisait, en cherchant sa voie.

* * *

      Loubon était trop personnel pour se mettre à la remorque de peintres remarquables et tracer longtemps sa route dans leur sillon. Malgré sa vive admiration pour Decamps, pour Roqueplan et pour Troyon, il cherchait maintenant à dégager sa personnalité. Saura-t-on jamais ce qui se passe en ces moments dans le cerveau d'un artiste? par quelle filiation d'idées, par quels éclairs subits, un peintre, après de nombreuses et diverses tentatives, va délibérément vers la voie qui lui est propre? On a prétendu que Loubon fut illuminé par un paysage de Rubens, et qu'à partir de cet instant, il n'hésita plus. Il est assez difficile d'établir comment le grand peintre anversois – que certains mettent au-dessus de tous – put conseiller Loubon, qui ne fut jamais coloriste. Il est admissible cependant que des génies aussi vastes que Rubens ont, dans tous les genres, des ressources émotives telles qu'elles peuvent se manifester par d'infinies façons, sur des tempéraments différents et même éloignés. Ce qu'il y a de certain, c'est que, dès 1835, quand Loubon, à vingt-six ans, exposa pour la première fois au Salon de Paris ses Troupeaux d'Arles descendant les Alpes à Saint-Paul-la-Durance, le peintre y apparaissait avec un faire à lui, et des qualités bien personnelles qui feront toujours, partout, reconnaître dans l'avenir un de ses tableaux, et, on peut ajouter, avec des audaces qu'il est difficile d'apprécier aujourd'hui. Du premier coup, Loubon s'était montré ce qu'il est resté dans ses meilleurs tableaux, avec son entente des belles lignes, son heureux choix des effets lumineux, sa connaissance exacte des grandes valeurs, son respect du ton local, sa conscience exagérée du dessin des premiers plans, et surtout sa superbe construction architecturale des terrains de son paysage.

      Un peu exilé à Paris, comme tout bon Provençal qui l'habite pour la première fois, Loubon conservait du pays natal, avec les souvenirs d'enfance, l'image de tableaux qui, à distance, s'amplifiaient de lumière sous les ciels assez moroses du Nord. De loin, cette Provence lui apparut plus belle peut-être, plus inspiratrice; et il rêva de la peindre et de la faire aimer. Cette pensée, assez naturelle, de vouloir peindre son pays était, en 1835, plus méritante et plus osée qu'on ne pense. Aussi, le premier tableau que Loubon exposa à Paris «n'y fut point remarqué pour son caractère local, mais pour son animation7». Cette toile contenait en germe toutes les promesses que l'artiste réaliserait plus tard.

      Devant ce troupeau qui marche de front sur vous, on a presque l'envie de se garer. Avec énervement, les bêtes et les gens luttent contre le vent qui fait envoler les capes et se dresser les toisons, au milieu d'un tourbillon de poussière dressé en cercle argenté jusqu'au ciel d'un bleu violent. Tout autour, le paysage franchement provençal «en pierres et en herbes grises»; au loin, la Durance caillouteuse avec la belle ligne de ses bords aux escarpements décoratifs.

      La note était trouvée; elle était nouvelle, d'un pur accent. Loubon ne s'y tint pas. On lui reprocha, sans doute, sa crudité, sa violence, son naturalisme; et l'artiste n'eut pas de longtemps le courage de chercher son inspiration dans un pays qui ne plaisait à personne.

      C'est en vain qu'alors, obéissant à ces considérations, l'artiste provençal court la France, qu'il essaie de peindre diversement: les Bords de la Seine à Maisons-Laffitte (Salon de 1841), et des Vues de Nantes et d'Étretat (Salon, 1843). C'est sans bonheur qu'il fait précédemment une incursion dans la peinture de genre: Braconniers jouant aux dés le gibier qu'ils ont tué (1838); Salvator Rosa chez un marchand brocanteur; Soldats jouant à la porte d'une prison (1839). Le portrait ne lui réussit pas mieux, et ceux de M. Ch. Duval et de M. P*** passent inaperçus au Salon de 1840. C'est même inutilement qu'il cherche à revivre et à reconstituer ses souvenirs d'Italie avec sa Mascarade sur l'Arno; Promenade aux Cassines, Florence. C'est à la Provence qu'il lui faudra résolument revenir; c'est elle qui va lui donner, à partir de l'année 1846, le motif de ses meilleurs tableaux, de ses paysages animés, aux environs d'Aix et de Marseille, qui le classeront parmi les bons artistes originaux de ce siècle, dont les œuvres résisteront au temps, et qui demeureront, tandis qu'auront disparu les hâtives et médiocres productions qui, comme une marée montante, envahissent toujours plus compactes, chaque nouvelle année, les Salons et les Expositions.

* * *

      En 1845, Loubon, qui avait été médaillé au Salon de 1842, fut appelé à la direction de l'École gratuite de dessin, à Marseille. Il ne venait pas dans cette ville avec plaisir, car il lui fallait quitter le milieu alors si intéressant des ateliers parisiens, en pleine bataille artistique. Il céda toutefois aux instances de sa famille, très éprouvée par des revers financiers. L'événement fut heureux pour sa carrière. Le peintre, en contact obligé avec les paysages de son pays, vint de nouveau leur demander ses meilleures inspirations. Et nous allons le retrouver désormais dans ses toiles, cherchant à raconter les scènes des mœurs pastorales, les exodes d'animaux fuyant l'orage ou les razzias, les migrations de troupeaux en lutte contre le vent: «Émile Loubon, avec infiniment d'esprit, a dégagé le sens et fixé tout un côté de la physionomie du paysage provençal. Il fut par excellence le peintre de la Provence. Ses toiles nous en ont fait sentir le charme pittoresque. Nous y avons vu la couleur argentine СКАЧАТЬ



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La Tribune artistique et littéraire d'Auguste Chaumelin.