Jane Eyre; ou Les mémoires d'une institutrice. Brontë Charlotte
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Читать онлайн книгу Jane Eyre; ou Les mémoires d'une institutrice - Brontë Charlotte страница 11

СКАЧАТЬ me dit-elle, vous vous trompez. Qu'avez-vous? pourquoi tremblez-vous si fort Voulez-vous boire un peu d'eau?

      – Non, madame Reed.

      – Souhaitez-vous quelque autre chose, Jane? Je vous assure que je désire être votre amie.

      – Non; vous prétendiez tout à l'heure, devant M. Brockelhurst, que j'avais un mauvais caractère et que j'étais une menteuse; mais tout le monde saura votre conduite à Lowood.

      – Jane, ce sont là des choses que vous ne comprenez pas; il faut bien corriger les enfants de leurs défauts.

      – Le mensonge n'est pas mon défaut, m'écriai-je d'une voix sauvage.

      – Avouez, Jane, que vous êtes en colère, et maintenant retournez dans votre chambre, ma chère enfant, et couchez-vous un peu.

      – Je ne suis pas votre chère enfant, et ne puis pas me coucher. Envoyez-moi en pension aussitôt que vous le pourrez, madame Reed, car je déteste cette maison.

      – Oh! oui, je t'y enverrai aussitôt que possible,» murmura Mme Reed en ramassant son ouvrage; puis elle quitta vivement la chambre.

      On m'avait laissée seule, maîtresse du terrain; c'était ma plus rude bataille, ma première victoire: je restai un moment à la place où s'était assis M. Brockelhurst, jouissant de ma solitude conquise. D'abord je me souris à moi-même, et je sentis mon être se dilater; mais ce farouche plaisir cessa aussi vite que les battements accélérés de mon pouls: un enfant ne peut pas discuter avec ses supérieurs ainsi que je l'avais fait, il ne peut pas donner un libre cours à ses sentiments de rage, sans éprouver ensuite les douleurs du remords et la glace du repentir. Quand j'avais accusé et menacé Mme Reed, mon esprit flamboyait comme un tas de bruyères embrasées; mais de même que celles-ci, après avoir été enflammées, ne laissent plus que cendres, mon âme se trouva anéantie, lorsque, après une demi-heure de silence et de réflexion, je reconnus la folie de ma conduite, et la tristesse d'une position où j'étais haïe autant que je haïssais.

      J'avais goûté la vengeance pour la première fois; comme les vins épicés, elle me sembla agréable, chaude et vivifiante; mais l'arrière-goût métallique et brûlant me laissa la sensation d'un empoisonnement. Alors je serais allée de bon coeur demander pardon à Mme Reed; mais je savais par l'expérience et par l'instinct que je l'aurais ainsi rendue plus ennemie et que j'aurais excité les violents entraînements de ma nature.

      Le moins que je pusse montrer, c'était l'emportement dans mes paroles; le moins que je pusse sentir, c'était une sombre indignation. Je pris un volume de contes arabes, en m'efforçant de lire; mais je ne compris rien: ma pensée flottante ne pouvait se fixer sur moi-même, ni sur ces pages que j'avais trouvées jadis si séduisantes. J'ouvris la porte vitrée de la salle à manger: le bosquet était silencieux; une gelée que n'avait brisée ni le soleil ni le vent, couvrait la terre. Je me servis de ma robe pour envelopper ma tête et mes bras, et j'allai me promener dans une partie du parc tout à fait séparée du reste.

      Mais je ne trouvai plus aucun plaisir sous ces arbres silencieux, parmi ces pommes de pins, dernières dépouilles de l'automne dont le sol était couvert, au milieu de ces feuilles mortes amoncelées par le vent et roidies par les glaces; je m'appuyai contra la grille, et je regardai un champ vide où les troupeaux ne paissaient plus, et où l'herbe avait été tondue par l'hiver et revêtue de blanc. C'était un jour bien sombre, un ciel bien obscur, tout chargé de neige. Par intervalles, des flocons de glace tombaient sans se fondre sur le sentier durci et dans le clos couvert de givre. J'étais triste et malheureuse, et je murmurais tout bas: «Que faire, que faire?»

      J'entendis tout à coup une voix claire me crier:

      «Mademoiselle Jane, où êtes-vous? venez déjeuner.»

      C'était Bessie, je le savais, et je ne répondis rien; mais bientôt le bruit léger de ses pas arriva jusqu'à moi. Elle traversait le sentier et se dirigeait de mon côté.

      «Méchante petite fille, me dit-elle, pourquoi ne venez-vous pas quand on vous appelle?»

      La présence de Bessie me sembla encore plus douce que les pensées dont j'étais accablée, bien que, selon son habitude, elle fût un peu de mauvaise humeur. Le fait est qu'après ma lutte avec Mme Reed et ma victoire sur elle, la colère passagère d'une servante me touchait peu, et j'étais prête à venir me réchauffer à la lumière de son jeune coeur.

      Je jetai donc mes deux bras autour de son cou, en lui disant:

      «Venez, Bessie, ne grondez plus.»

      Je ne m'étais jamais montrée si ouverte, si peu craintive; cette manière d'être plut à Bessie.

      «Vous êtes une étrange enfant, mademoiselle Jane, me dit-elle en me regardant; une petite créature vagabonde, aimant la solitude. Vous allez en pension, n'est-ce pas?»

      Je fis un signe affirmatif.

      «Et n'êtes-vous pas triste de quitter la pauvre Bessie?

      – Que suis-je pour Bessie? elle me gronde toujours.

      – C'est qu'aussi vous vous montrez bizarre, timide, effarouchée.

      Si vous étiez un peu plus hardie…

      – Oui, pour recevoir encore plus de coups.

      – Sottise! Mais du reste il est certain que vous n'êtes pas bien traitée; ma mère, lorsqu'elle vint me voir la semaine dernière, me dit que pour rien au monde elle ne voudrait voir un de ses enfants à votre place. Mais venez, j'ai une bonne nouvelle pour vous.

      – Je ne le pense pas, Bessie.

      – Enfant, que voulez-vous dire? Pourquoi fixer sur moi un regard si triste? Eh bien! vous saurez que monsieur, madame et mesdemoiselles sont allés prendre le thé chez une de leurs connaissances; quant à vous, vous le prendrez avec moi; je demanderai à la cuisinière de vous faire un petit gâteau, et ensuite vous m'aiderez à visiter vos tiroirs, parce qu'il faudra bientôt que je fasse votre malle. Madame veut que vous quittiez Gateshead dans un jour ou deux; vous choisirez ceux de vos vêtements que vous voulez emporter.

      – Bessie, dis-je, promettez-moi de ne plus me gronder jusqu'à mon départ.

      – Eh bien, oui; mais soyez une bonne fille et n'ayez pas peur de moi. Ne reculez pas quand je parle un peu haut, car c'est là ce qui m'irrite le plus.

      – Je ne crois pas avoir jamais peur de vous maintenant, Bessie, parce que je suis habituée à vos manières; mais j'aurai bientôt de nouvelles personnes à craindre.

      – Si vous les craignez, elles vous détesteront.

      – Comme vous, Bessie?

      – Je ne vous déteste pas, mademoiselle; je crois vous aimer encore plus que les autres.

      – Vous ne me le montrez pas.

      – Intraitable petite fille, voilà une nouvelle façon de parler; qui donc vous a rendue si hardie?

      – Bientôt je serai loin de vous, Bessie, et d'ailleurs…»

      J'allais parler de ce qui s'était passé entre moi et Mme Reed; mais à la réflexion, je pensai qu'il valait mieux garder le silence sur ce sujet.

      «Et alors vous êtes contente de me quitter?

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