Albert. Dumur Louis
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Название: Albert

Автор: Dumur Louis

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ sans culotte titubant avec des indécences de grosse femme sur un fond de feu de Bengale pourpre; pour le fameux dresseur Bonaparte montant en haute école son étalon, qui le culbuta, au plus beau moment, d’une ruade; pour l’intermède de singes imitant et ridiculisant les sauts de carpe antérieurs; pour l’hercule allemand faisant des effets de muscles à soulever des poids faux, et pour la troisième République présentant un âne en liberté.

      Il s’était diverti de constater qu’en somme la représentation avait mal marché.

      Quant à la nature, Albert l’avait envisagée sous toutes ses faces, dans tous ses aspects et suivant toutes ses transformations. Rien d’elle ne lui était demeuré étranger: ni tendresses, ni sourires, ni vindictes, ni démences, ni dépravations, ni bévues. La dépeçant en analyste et la synthétisant en contemplateur, il n’avait négligé que de se pourvoir d’estime à son endroit.

      Ours, faucons, fourmis, vers, zoophytes, forêts, graminées et cryptogames, métaux, schistes, charbons et théorie des volcans, protoxides, sulfures, azotates, terrains quaternaires, électricités, réactions, un amoncellement de choses et d’êtres, de résultats et de causes – provenant d’où? servant à quoi? – dont il avait scruté jusqu’aux éléments, dont il avait atteint jusqu’aux axiomes. Et quoique ses inhérentes antipathies revinsent en chaque instant lui démontrer qu’entre ces connaissances et rien il n’y avait pas l’ombre d’une différence, il s’était cependant hissé de volonté aux cimes de ces inauthentiques monts, d’où la vue s’étend, dit-on, sur des étendues, presque sans bornes, de science.

       VII

      PARIS

      Se sentant supérieur à la province, Albert vint à Paris.

      Paris, centre du monde, pouvait lui montrer du neuf et lui ouvrir une voie.

      Là seulement, ayant en main les complètes cartes, il jouerait à coup sûr et saurait choisir ses alternatives.

      Il s’était à cela résolu, poussé par cet inextinguible besoin d’étreindre quelque chose de grand – Albert ignorait encore quoi – quelque chose qui flattât ses orgueilleuses cupidités vitales, quelque chose qui sérieusement captivât son héroïsme d’intelligence et de passion. Tant qu’en la petite ville, peu grouillante et peu sublime, il avait vécu, melliflument s’étaient écoulées les saisons à la préparation avide et obstinée de temps où tendaient en houle la foule de ses fallacieux désirs. Ceinte de dignité, luxueuse de prestance et de gloire, là-bas, avec des tuméfactions de splendeur, sous le ciel ardent, gonflait la cité des rêves. Là-bas, avait-il pensé, s’érigeraient, échafaudés hardiment, les monceaux épiques de ses destins: et, sur le trophée, il planterait – oriflamme – son sourire.

      Outre ces hallucinations, d’autres puissants attraits l’adduisaient.

      Parmi ces attraits régnait l’attrait du beau.

      En chaque âme se traîne une traîne d’idéal, sainte, enjolivée, chérie, courte ou encombrante, prétentieuse ou modeste, suivant les génies ou les sèves, qui déborde parfois et qu’on coupe souvent, une traîne qui est la plus magnifique ou la moins sordide part de la robe dont se drapent les personnages humains: les imaginations y ont brodé des fantaisies fabuleuses, où s’évoquent en magiques chevauchées un million de nobles extravagances, de coloris surprenants, de bruyantes apparitions; ors, carmins, diamants, ciels, pétales, porcelaines, iris, festons, ogives, soies, marbres s’y emmêlent, et – par-dessus tout – la forme, la solennelle et divine forme.

      Il comptait trouver à Paris l’idéal réalisé de la beauté.

      Cette ville dont les livres parlaient en surprenants termes, qui depuis des siècles tenait dans l’intellect des hommes une si grande place, ce rendez-vous de tout ce qu’il y a d’illustre et de noble, ce berceau de l’art, ce lit unique de l’amour, ce dispensateur de toute lumière, de tout bienfait, de toute jouissance, cette cité vieille et moderne devait être un Eden éminent, la perfection, la grâce, la splendeur, le grandiose.

      N’était-ce point là que s’étaient déroulées les plus tragiques, les plus émouvantes et les plus héroïques histoires?

      N’était-ce point là que les royaumes, les républiques et les empires les plus merveilleux avaient fleuri?

      N’était-ce point là, de l’aveu de tous, le joyau de la planète Terre?

      Il arriva.

      De la boue l’accueillit: car il pleuvait à Paris comme dans le plus obscur village de France. Des pavés graisseux et tumultueux. Il vit d’abord de grossiers chars, des tombereaux lourdauds et ignobles traînant avec bruit la vulgarité de matériaux. Un grouillement nauséabond d’humains louches et débiles constituait aux rues de triviales animations. Des gris visqueux de bâtisses trouant de cheminées le visqueux gris du ciel. Des trottoirs, des réverbères, des devantures, des cafés, des omnibus. Il fit des pas, passa plus loin, regarda encore, trouva la même chose. Rien de neuf: ce n’était qu’une exagération des villes connues. De grands édifices quadrangulaires, qu’il rencontra, portaient des noms vénérés et célèbres: tout cela était laid, laid, laid. Il franchit sur un pont disgracieux une rivière sale. Un oisif interrogé avoua que c’était la Seine. Des quais mornes et minables bordaient ce bourbier. Là-bas, une cathédrale lamentable succombait de honte sous le poids terrible d’une renommée fabuleuse. Ici, un palais – qui voulait être luxueux – attestait des origines antiques, et faisait dire: «Ce n’est que ça!» Une colonnade, une prétention à être quelque chose, s’allongeant, coiffée de pavillons – relativement moins infime que ce que l’on voit partout ailleurs, mais combien misérable en comparaison des œuvres du rêve! – s’étendait, témoin et travail d’une suite de générations: le Louvre! Furent aperçus des théâtres, des églises, des jardins, des places. Une perspective illustre, bornée par deux arcs de triomphe, la promenade des Champs-Elysées, gloire et panache de la ville, parut, à ses yeux chercheurs de magnificence, une mesquinerie et une pitié. Il parcourut vainement les artères les plus retentissantes et les plus connues. Nulle approbation ne sourit en son regard. Les musées, les monuments, les marbres, les bronzes, depuis l’obélisque rose, coquet débris d’une race ensevelie, jusqu’aux vases funéraires du Père-Lachaise, depuis les minarets clairs du Trocadéro, jusqu’au palais de Cluny, sombre et fouillé, se baignant d’un fouillis de feuillages, rien ne l’émut dans l’émotion cuisante de cette effrayante déconvenue. Sur un haut sommet il grimpa, pour embrasser d’un regard circulaire et malveillant le monstre. Paris tenait dans son œil. Au-delà même, il apercevait les collines de ce qui n’était plus Paris. Des toits, une mare de toits, d’une couleur horrible, de formes innommables, un flux de choses embryonnaires, des crottes houleuses tassées les unes contre les autres, avec des espaces, des trous, où bleuissaient des végétations; par-dessus, émergeant, mais ridiculement, un hérissement de pointes et de bosses, comme des bouts de bâton et de cailloux jetés au hasard par une main de garnement, et qui seraient restés plantés là. Une plaque grisâtre, cabolée, fragment de tôle enfoui dans la vase, représentait l’Opéra; les Invalides n’apparaissaient plus que comme un vieux chaudron de cuivre retourné; Saint-Eustache était une chauve-souris crevée et gisant sur le dos; les deux tours de Saint-Sulpice, dissemblablement fichées, semblaient, dans un coin d’ombre, les deux jambes crispées d’une grosse grenouille plongeant; une antique savate éculée, voilà ce que devenait le vaisseau de Notre-Dame: et Paris, c’était ce sordide étang où croupissaient ces détritus. Paris, à quatre-vingts mètres, ce n’était pas autre chose! Qu’on prît un ballon, et que, de la nacelle, le regard atterré contemplât fuir Paris, au bout d’une demi-heure d’ascension, Paris devait avoir disparu, rasé, anéanti, Paris, la grande merveille, l’ouvrage capital des hommes!

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