Mademoiselle de Bressier. Delpit Albert
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Название: Mademoiselle de Bressier

Автор: Delpit Albert

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ de vous le remettre…

      Moitié sérieux, moitié riant, il s'approcha des deux amies. Ensuite, les réunissant entre ses bras, il les baisa l'une au front, l'autre sur les joues, malgré leurs éclats de rire. Maintenant il examinait la grande toile blanche, où Faustine esquissait la scène du matin.

      – Très bien, mon amie! Voilà qui est dramatique et vivant! Mais c'est le parc… Oui, c'est l'aile droite du château, dans le fond…

      Il fallut raconter au capitaine toute l'histoire. Nelly, d'un ton très larmoyant, expliqua son idée. Elle construisait tout un roman! Une pauvre femme, éprise d'un brillant officier de l'armée de Versailles, bravait le danger et la fatigue pour aller voir celui qu'elle aimait. Étienne accueillit cette hypothèse par un joyeux éclat de rire. Et comme les jeunes filles lui demandaient la cause de son hilarité, il leur expliqua que, seule, une héroïne de la Commune pouvait risquer une telle aventure. Le raisonnement du capitaine ne manquait pas de vraisemblance. Évidemment, l'inconnue espérait trouver à Versailles son fiancé, son mari ou son amant. L'objection d'Étienne détruisait de fond en comble le petit roman inventé par Nelly. La jeune fille le sacrifia sans aucun amour-propre! L'arrivée de Marius, qui revenait de sa course aux environs de Paris, acheva de la convaincre. Ne laissait-il pas la jeune femme à quelques mètres des fortifications? Il avait vu les gardes nationaux s'approcher d'elle, et entendu le lieutenant de la compagnie lui parler.

      Qu'importait à Faustine? Elle ne regrettait rien de sa bonne action. La charité ne connaît point d'opinion politique. Et puis, elle était si heureuse de sentir Étienne auprès d'elle, d'avoir des nouvelles de son père! La journée s'achevait gaiement! Le capitaine se plaisait dans cette atmosphère familiale, entre ces deux tendresses vigilantes, qui lui rappelaient les meilleures et les plus heureuses années de sa vie.

      Vers le soir, il ordonna de seller son cheval. Marius hochait la tête. Il commençait une longue histoire pour détourner le jeune homme de partir à la nuit close. Étienne s'étonnait, riant, demandant au vieux soldat d'où lui venait cette prudence inaccoutumée. Marius ne voulait pas répondre d'abord. Il connaissait le capitaine et son amour des périlleuses aventures. Nelly et Faustine insistaient, elles aussi: mais pour le seul plaisir de conserver plus longtemps auprès d'elles celui qu'elles considéraient toutes les deux comme un frère.

      – Voyons, Marius, dit Étienne. Tu as un motif pour m'empêcher de rentrer ce soir à l'État-major?

      – Eh bien, oui, mon capitaine.

      – Un motif… grave!

      – Très grave.

      – Lequel? Parle.

      Bon gré, mal gré, il fallut que Marius s'exécutât. Il avait recueilli quelques mots de la causerie échangée entre le lieutenant et Françoise. Une centaine de gardes nationaux occupaient les bois, cachés dans les environs. Pour regagner Versailles, le jeune officier passerait forcément au milieu de ces guérillas attentives; ce serait s'exposer inutilement et par vaine bravade. Étienne se mit à rire.

      – Tu es fou, mon pauvre Marius. Alors, moi, un officier français, je reculerais devant une poignée de pantouflards? Ces gens-là ne sont point des soldats. Ils n'ont de courage que pour fusiller les prisonniers. Mon chemin traverse les bois où ils se cachent; j'y passerai coûte que coûte. Et malheur à ceux que je rencontrerai!

      Faustine était brave. Son frère le savait. La fille, la sœur d'hommes qui risquent tous les jours leur vie, s'accoutume insensiblement au danger. Elle a de bonne heure appris à le regarder en face. Cependant son cœur se serra. Les craintes de Marius la pénétraient. Elle s'effrayait à l'idée qu'Étienne franchirait seul, sans escorte, la nuit, ces grands bois sombres, qui se dressaient à l'horizon comme de mystérieux géants.

      – Pourquoi ne restes-tu pas avec nous? dit-elle, d'une voix suppliante. Tu m'as dit que ton devoir ne te rappelait pas. Reste… je t'en prie!

      – Mais, mon amie, on peut se battre demain: ce serait beau si j'étais absent! Puis, ne sens-tu pas que les craintes de Marius m'ont mis en goût? Morbleu! j'ai l'espoir de sabrer une douzaine de communards, et je reculerais? Allons donc! Regarde, Œdipe piaffe de joie. Je n'ai qu'à sauter en selle. En un temps de galop j'arriverai à Versailles!

      Faustine n'insista plus. Elle connaissait la bravoure de son frère; cette bravoure aventureuse et légendaire qui l'entraînait toujours au plus épais du danger. Il était si vaillant et si beau, ce hardi jeune homme, souriant au péril offert, comme au rendez-vous d'une jolie femme! Nelly essaya de joindre ses prières à celles de son amie. Mais quand le capitaine voulait la condamner au silence, il la traitait de petite fille; dépitée, elle se taisait, s'enfermant dans sa dignité blessée.

      Œdipe, un vigoureux cheval anglais, avait fait toute la campagne du second siège. Faustine essaya de se rassurer, en voyant la vie de son frère confiée à l'ardent animal. Seul, Marius continuait à hocher la tête, avec mécontentement. Il grommelait entre ses dents, à la grande gaieté d'Étienne, qui se moquait de ses enfantines frayeurs.

      – Mesdemoiselles, je vous salue! s'écria le capitaine.

      Il partit au petit galop de chasse, à travers les allées du parc. Faustine le regardait, les sourcils froncés, cherchant vainement à chasser l'inquiétude qui la poignait.

      – Que crains-tu? lui demanda Nelly, en passant ses bras autour du cou de son amie.

      – Je ne sais pas…

      – Et toi, Marius? Qu'est-ce que tu as à grommeler d'un air mécontent?

      – Je dis… je dis que la guerre est une mauvaise bête. Quand on la griffe pour s'amuser, elle se venge.

      V

      Œdipe filait grand train. Étienne ne songeait déjà plus aux prédictions de Marius. Comme les êtres créés pour l'action, il avait l'insouciance autant que le mépris de la mort. Il aurait dit volontiers avec Shakespeare: «Le danger et moi sommes deux lions nés le même jour: seulement je suis l'aîné!» Le péril n'exige en somme qu'une accoutumance de la pensée: l'esprit s'y fait aussi aisément que le corps à l'inclémence du ciel.

      La nuit tombait rapidement. Des nuages, gris comme des plaques d'ardoise, couraient en frissonnant sur le ciel. Pas une voiture, pas un promeneur. A droite et à gauche les maisons blanches et les villas coquettes. Chavry n'avait pas trop souffert pendant la guerre. Le commandant prussien qui l'occupait, connaissait de réputation le général de Bressier. Depuis la Commune, les formidables batteries de Versailles protégeaient le château contre le canon de Paris.

      Une centaine de gardes nationaux cachés dans les bois! En vérité, Marius devenait fou. Et le capitaine riait en lui-même de la naïveté du vieux soldat. Il retrouvait l'Africain toujours crédule aux histoires invraisemblables, habitué aux Bédouins agiles tapis dans l'ombre des buissons traîtres. Les communards, fugitifs et vaincus, traqués par les soldats de ligne, ne pensaient guère à s'embusquer si près de leurs ennemis. Et quand ce serait vrai, après tout? Il passerait sur le ventre de ces gens-là. Étienne éprouvait contre eux ce sentiment de rage qui dominait dans tous les cœurs patriotes. Échappé à grand'peine de son bagne allemand, encore humilié des désastres de l'armée, il voulait male-mort à ces hommes qui dressaient leur drapeau sanglant en face du drapeau français. Les souffrances intimes de la défaite agissaient sur lui comme agit la douleur d'une mère aimée sur un fils tendre. Cet étendard tricolore qui avait frissonné dans tant de victoires, lui devenait plus cher après leurs communes souffrances.

      La grande route le conduisait droit à Versailles. Il suffisait de laisser galoper СКАЧАТЬ