L'Académie des sciences et les académiciens de 1666 à 1793. Joseph Bertrand
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СКАЧАТЬ que, désignés par l’éclat non par la nature de leurs travaux, ils n’appartiendraient à aucune section. En cas de vacance parmi les honoraires, l’Académie devait proposer un candidat à l’agrément du roi. Pour les places de pensionnaires, elle en présentait trois parmi lesquels deux au moins déjà associés ou élèves. La nomination des associés se faisait comme celle des pensionnaires, et sur les trois candidats présentés, deux au moins devaient être choisis parmi les élèves; mais la règle fut renversée, et en 1716, un règlement nouveau imposa au contraire l’obligation d’inscrire sur la liste présentée au roi un candidat au moins étranger à l’Académie, afin que Sa Majesté pût à chaque élection si elle le jugeait utile rajeunir et fortifier l’Académie par l’adjonction d’un membre nouveau.

      Les associés prenaient part à tous les travaux de l’Académie, mais ils n’opinaient que sur les questions de science. En cas de doute sur un de leurs droits, les honoraires et les pensionnaires en décidaient en dernier ressort à la majorité des suffrages.

      Chaque pensionnaire choisissait son élève et le faisait agréer par la Compagnie, qui le proposait à la nomination du roi. Plusieurs choix se portèrent, comme on devait s’y attendre, sur des fils, des neveux ou des frères qui furent admis sans opposition. Les élèves ne votaient jamais; ils ne devaient parler que sur l’invitation du président et ne partageaient dans les premières années aucun des droits des académiciens; mais l’apprentissage peu à peu devint un surnumérariat accepté et brigué par des candidats d’une science déjà éprouvée. Galois proposa Ozanam plus que sexagénaire qui conserva, jusqu’à l’âge de soixante-quinze ans, avec le titre d’élève, la situation presque humiliante qu’il lui attribuait dans la compagnie; plusieurs autres, en se distinguant par leurs découvertes, prirent dans l’Académie une légitime influence. Le titre d’élève mettait une trop grande différence entre des savants égaux souvent par le talent comme par la renommée; on le supprima en 1716 en créant douze adjoints auxquels une plus grande part fut accordée dans les délibérations et dans les travaux. L’institution des associés libres est de même date; sans appartenir à aucune section et sans cultiver spécialement une des branches de la science, ils devaient par leurs lumières générales prêter à l’Académie un précieux concours. C’est à cette classe qu’ont appartenu le chirurgien Lapeyronie, l’ingénieur Belidor, le magistrat astronome Dionis du Séjour et l’illustre Turgot, qui cependant aurait si bien tenu sa place parmi les honoraires.

      L’Académie renouvelée et agrandie fut solennellement installée au Louvre, et un logement spacieux et magnifique remplaça la petite salle de la bibliothèque du roi. Les séances, comme par le passé, furent fixées au mercredi et au samedi, mais aux recherches en commun condamnées par trente années d’épreuves médiocrement fructueuses devaient succéder les efforts individuels, et la libre inspiration de chacun remplacer les programmes qui, trop exactement suivis, avaient rompu souvent les idées originales. Plusieurs fois déjà, il est vrai, l’ancienne Académie avait réuni en un seul volume les recherches personnelles et isolées de quelques académiciens, en s’excusant alors en quelque sorte d’une dérogation aux vrais principes.

      «Quelque application que l’on ait aux desseins principaux que l’on a entrepris, il est difficile, disait Fontenelle, de ne s’en pas laisser détourner de temps en temps pour travailler à d’autres petits ouvrages, selon que l’occasion en fournit de nouveaux sujets et que l’on y est porté par son inclination particulière. Ces interruptions de peu de durée sont toujours permises lorsqu’on s’est occupé de desseins de longue haleine, et il est même important de ne pas laisser échapper les conjonctures favorables pour trouver certaines choses qu’il serait impossible de découvrir en d’autres temps. Il arrive souvent à ceux qui composent l’Académie des sciences de faire de ces petites pièces, pour profiter des occasions qui se présentent et pour se délasser des longs ouvrages à qui ils sont assidûment appliqués.»

      Ces petites pièces, rassemblées dans le désordre de leur production, forment la collection des mémoires, monument durable et œuvre par excellence de l’Académie. Chaque académicien, marchant librement dans sa voie sous la seule inspiration de son propre génie, signait son écrit, comme il était juste, et en demeurait responsable. Tout était permis excepté le repos; l’Académie, dépôt non-seulement mais foyer de la science, avait pour maxime que vivant pour elle seule, un savant doit, sans jamais s’en distraire, inventer et perfectionner incessamment et sans fin ni relâche faire paraître au moins de nouveaux efforts. Tout pensionnaire, associé ou élève qui s’éloignait pour un temps de l’étude et du travail, cessait par cela même d’être académicien. Chacun devait communiquer à jours fixes et à tour de rôle le résultat de ses recherches et de ses essais; le président avertissait et pressait les retardataires en les privant en cas de récidive d’une partie de leurs droits académiques. Sans prévoir ni admettre aucune excuse, le règlement, plus d’une fois appliqué dans sa rigoureuse dureté, excluait même à jamais comme infidèles à la science les membres assidus ou non aux séances, qui restaient trop longtemps sans y prendre la parole. Cette loi sévère et aveugle, gardienne du nombre et non de la qualité des productions, semblait dénier aux académiciens le droit de se dévouer à une œuvre de longue haleine et de suivre de grands desseins. On devait heureusement s’en relâcher bien vite, mais plus d’une exclusion fut prononcée et maintenue.

      On lit par exemple au procès-verbal du 17 février 1714: «Le roi ayant été informé que quelques-uns d’entre les associés et les élèves de l’Académie ne faisaient aucune fonction d’académicien, que même ils n’assistaient presque point aux assemblées et que, malgré les divers avis qui leur avaient été donnés, ils ne se corrigeaient pas de leur négligence, elle pouvait devenir d’un dangereux exemple. Sa Majesté a cru devoir ne pas différer davantage à prononcer leur exclusion. Vous aurez donc soin au plus tôt de déclarer vacante la place d’associé anatomiste du sieur Duverney le jeune, celle d’élève anatomiste du sieur Auber, celle d’élève géomètre du sieur du Tenor.» Et le 15 décembre 1723: «M. de Camus, adjoint mécanicien, n’ayant satisfait à aucun tour de rôle ordonné par les règlements, ni assisté à aucune assemblée depuis deux ans, le roi a ordonné que sa place soit déclarée vacante et qu’on procédât à la remplir d’un autre sujet.»

      Un autre académicien rayé de la liste par décision du régent fut le financier Law. L’Académie, qui aurait pu faire un meilleur choix, l’avait proposé comme candidat unique à une place d’honoraire. Il fut agréé et siégea plusieurs fois, mais son impopularité rapidement croissante faisant regretter sans doute cette détermination, on s’avisa que, n’étant pas Français, il ne pouvait être membre honoraire et que son élection était nulle. L’Académie eut la dignité et le bon goût de réclamer et de maintenir son choix. On lui envoya la note suivante, qui ne porte aucune signature: «Des jurisconsultes, plus esclairez que MM. de l’Académie des sciences en fait de lois et de formalitez, ont donné avis qu’en nommant M. Law pour académicien honoraire, l’élection estoit nulle. Ces jurisconsultes se fondent sur ce que l’art. 3 du règlement de cette Académie porte en termes formels que les académiciens honoraires seront tous régnicoles; or c’est une qualité qu’on ne scaurait donner audit sieur Law qui, à la vérité, avait obtenu des lettres de naturalité, mais qui, ne les ayant pas fait enregistrer à la Chambre des comptes est toujours réputé étranger, suivant le sentiment des autheurs et la jurisprudence des arrêts.»

      A la loi d’exactitude imposée aux académiciens s’ajoutait, dans l’obligation d’examiner les mémoires présentés par les étrangers, une fatigue à laquelle les forces des pensionnaires âgés ne suffisaient pas toujours. Par une faveur rarement refusée, ils obtenaient alors le titre de vétérans. Saurin, Jacques Cassini, Maraldi, Fontenelle, Leymery, Mairan, La Condamine et Grandjean-Fouchy l’obtinrent successivement. Le pensionnaire nommé vétéran devenait libre de tout travail; il perdait, il est vrai, ses droits à la pension, mais l’Académie, par une faveur chaque fois renouvelée, lui assignait sur les fonds destinés à ses travaux une indemnité équivalente.

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