La Comédie humaine volume VI. Honore de Balzac
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Название: La Comédie humaine volume VI

Автор: Honore de Balzac

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ style="font-size:15px;">      – Oh! tu baisses, disait l'un.

      – Eh! tiens-toi, saperlotte! disait l'autre. L'Empereur Napoléon est bien resté pendant un mois comme tu le vois là, dit un élève en montrant la belle statue de Chaudet.

      L'Empereur, debout, tenait le sceptre impérial, et cette statue fut abattue, en 1814, de la colonne qu'elle couronnait si bien. Au bout de dix minutes, la sueur brillait en perles sur le front de Joseph. En ce moment un petit homme chauve, pâle et maladif, entra. Le plus respectueux silence régna dans l'atelier.

      – Eh! bien, gamins, que faites-vous? dit-il en regardant le martyr de l'atelier.

      – C'est un petit bonhomme qui pose, dit le grand élève qui avait disposé Joseph.

      – N'avez-vous pas honte de torturer un pauvre enfant ainsi? dit Chaudet en abaissant les deux membres de Joseph. Depuis quand es-tu là? demanda-t-il à Joseph en lui donnant sur la joue une petite tape d'amitié.

      – Depuis un quart d'heure.

      – Et qui t'amène ici?

      – Je voudrais être artiste.

      – Et d'où sors-tu, d'où viens-tu?

      – De chez maman.

      – Oh! maman! crièrent les élèves.

      – Silence dans les cartons! cria Chaudet. Que fait ta maman?

      – C'est madame Bridau. Mon papa, qui est mort, était un ami de l'Empereur. Aussi l'Empereur, si vous voulez m'apprendre à dessiner, payera-t-il tout ce que vous demanderez.

      – Son père était Chef de Division au Ministère de l'Intérieur, s'écria Chaudet frappé d'un souvenir. Et tu veux être artiste déjà?

      – Oui, monsieur.

      – Viens ici tant que tu voudras, et l'on t'y amusera! Donnez-lui un carton, du papier, des crayons, et laissez-le faire. Apprenez, drôles, dit le sculpteur, que son père m'a obligé. Tiens, Corde-à-Puits, va chercher des gâteaux, des friandises et des bonbons, dit-il en donnant de la monnaie à l'élève qui avait abusé de Joseph. Nous verrons bien si tu es un artiste à la manière dont tu chiqueras les légumes, reprit Chaudet en caressant le menton de Joseph.

      Puis il passa les travaux de ses élèves en revue, accompagné de l'enfant qui regardait, écoutait et tâchait de comprendre. Les friandises arrivèrent. Tout l'atelier, le sculpteur lui-même et l'enfant donnèrent leur coup de dent. Joseph fut alors caressé tout aussi bien qu'il avait été mystifié. Cette scène, où la plaisanterie et le cœur des artistes se révélaient et qu'il comprit instinctivement, fit une prodigieuse impression sur l'enfant. L'apparition de Chaudet, sculpteur, enlevé par une mort prématurée, et que la protection de l'Empereur signalait à la gloire, fut pour Joseph comme une vision. L'enfant ne dit rien à sa mère de cette escapade; mais, tous les dimanches et tous les jeudis, il passa trois heures à l'atelier de Chaudet. La Descoings, qui favorisait les fantaisies des deux chérubins, donna dès lors à Joseph des crayons, de la sanguine, des estampes et du papier à dessiner. Au Lycée impérial, le futur artiste croquait ses maîtres, il dessinait ses camarades, il charbonnait les dortoirs, et fut d'une étonnante assiduité à la classe de dessin. Lemire, professeur du lycée Impérial, frappé non-seulement des dispositions, mais des progrès de Joseph, vint avertir madame Bridau de la vocation de son fils. Agathe, en femme de province qui comprenait aussi peu les arts qu'elle comprenait bien le ménage, fut saisie de terreur. Lemire parti, la veuve se mit à pleurer.

      – Ah! dit-elle quand la Descoings vint, je suis perdue! Joseph, de qui je voulais faire un employé, qui avait sa route toute tracée au Ministère de l'Intérieur où, protégé par l'ombre de son père, il serait devenu chef de bureau à vingt-cinq ans, eh! bien, il veut se mettre peintre, un état de va-nu-pieds. Je prévoyais bien que cet enfant-là ne me donnerait que des chagrins!

      Madame Descoings avoua que, depuis plusieurs mois, elle encourageait la passion de Joseph, et couvrait, le dimanche et le jeudi, ses évasions à l'Institut. Au Salon, où elle l'avait conduit, l'attention profonde que le petit bonhomme donnait aux tableaux tenait du miracle.

      – S'il comprend la peinture à treize ans, ma chère, dit-elle, votre Joseph sera un homme de génie.

      – Oui, voyez où le génie a conduit son père! à mourir usé par le travail à quarante ans.

      Dans les derniers jours de l'automne, au moment où Joseph allait entrer dans sa quatorzième année, Agathe descendit, malgré les instances de la Descoings, chez Chaudet, pour s'opposer à ce qu'on lui débauchât son fils. Elle trouva Chaudet, en sarrau bleu, modelant sa dernière statue; il reçut presque mal la veuve de l'homme qui jadis l'avait servi dans une circonstance assez critique; mais, attaqué déjà dans sa vie, il se débattait avec cette fougue à laquelle on doit de faire, en quelques moments, ce qu'il est difficile d'exécuter en quelques mois; il rencontrait une chose long-temps cherchée, il maniait son ébauchoir et sa glaise par des mouvements saccadés qui parurent à l'ignorante Agathe être ceux d'un maniaque. En toute autre disposition, Chaudet se fût mis à rire; mais en entendant cette mère maudire les arts, se plaindre de la destinée qu'on imposait à son fils et demander qu'on ne le reçût plus à son atelier, il entra dans une sainte fureur.

      – J'ai des obligations à défunt votre mari, je voulais m'acquitter en encourageant son fils, en veillant aux premiers pas de votre petit Joseph dans la plus grande de toutes les carrières! s'écria-t-il. Oui, madame, apprenez, si vous ne le savez pas, qu'un grand artiste est un roi, plus qu'un roi: d'abord il est plus heureux, il est indépendant, il vit à sa guise; puis il règne dans le monde de la fantaisie. Or, votre fils a le plus bel avenir! des dispositions comme les siennes sont rares, elles ne se sont dévoilées de si bonne heure que chez les Giotto, les Raphaël, les Titien, les Rubens, les Murillo; car il me semble devoir être plutôt peintre que sculpteur. Jour de Dieu! si j'avais un fils semblable, je serais aussi heureux que l'Empereur l'est de s'être donné le roi de Rome! Enfin, vous êtes maîtresse du sort de votre enfant. Allez, madame! faites-en un imbécile, un homme qui ne fera que marcher en marchant, un misérable gratte-papier: vous aurez commis un meurtre. J'espère bien que, malgré vos efforts, il sera toujours artiste. La vocation est plus forte que tous les obstacles par lesquels on s'oppose à ses effets! La vocation, le mot veut dire l'appel, eh! c'est l'élection par Dieu! Seulement vous rendrez votre enfant malheureux! Il jeta dans un baquet avec violence la glaise dont il n'avait plus besoin, et dit alors à son modèle: – Assez pour aujourd'hui.

      Agathe leva les yeux et vit une femme nue assise sur une escabelle dans un coin de l'atelier, où son regard ne s'était pas encore porté; et ce spectacle la fit sortir avec horreur.

      – Vous ne recevrez plus ici le petit Bridau, vous autres, dit Chaudet à ses élèves. Cela contrarie madame sa mère.

      – Hue! crièrent les élèves quand Agathe ferma la porte.

      – Et Joseph allait là! se dit la pauvre mère effrayée de ce qu'elle avait vu et entendu.

      Dès que les élèves en sculpture et en peinture apprirent que madame Bridau ne voulait pas que son fils devînt un artiste, tout leur bonheur fut d'attirer Joseph chez eux. Malgré la promesse que sa mère tira de lui de ne plus aller à l'Institut, l'enfant se glissa souvent dans l'atelier que Regnauld y avait, et on l'y encouragea à barbouiller des toiles. Quand la veuve voulut se plaindre, les élèves de Chaudet lui dirent que monsieur Regnauld n'était pas Chaudet; elle ne leur avait pas d'ailleurs donné monsieur son fils à garder, et mille autres plaisanteries. Ces atroces rapins composèrent et chantèrent une chanson СКАЧАТЬ