Henri IV en Gascogne (1553-1589). Charles de Batz-Trenquelléon
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Читать онлайн книгу Henri IV en Gascogne (1553-1589) - Charles de Batz-Trenquelléon страница 19

СКАЧАТЬ je la croyais bien grande, je la vois davantage. Ce ne sont pas les hommes ici qui prient les femmes, ce sont les femmes qui prient les hommes. Si vous y étiez, vous n'en échapperiez jamais sans une grande grâce de Dieu. Je vous envoie un bouquet pour mettre sur l'oreille, puisque vous êtes à vendre, et des boutons pour un bonnet. Les hommes portent à cette heure force pierreries, mais on en achète pour cent mille écus et on en achète tous les jours. L'on dit que la reine s'en va à Paris, et Monsieur. Si je demeure ici, je m'en irai en Vendômois.

      «Je vous prie, mon fils, me renvoyer ce porteur incontinent, et quand vous m'écrirez, me mander que vous n'osez écrire à Madame, de peur de la fâcher, ne sachant comment elle a trouvé bon celle que vous lui avez écrite. Votre sœur se porte bien. J'ai vu une lettre que monsr de La Case vous a écrite. Je serais d'avis que vous connussiez pour qui il parle. Je vous prie encore, puisqu'on m'a retranché ma négociation particulière et qu'il faut parler par avis et conseil, m'envoyer Francourt. Je demeure en ma première opinion, qu'il faut que vous retourniez vers Béarn. Mon fils, vous avez bien jugé, par mes premiers discours, que l'on ne tâche qu'à vous séparer de Dieu et de moi; vous en jugerez autant par ces dernières, et de la peine en quoi je suis pour vous. Je vous prie, priez bien Dieu, car vous en avez bien besoin en tout temps et même en celui-ci, qu'il vous assiste. Et je l'en prie, et qu'il vous donne, mon fils, ce que vous désirez. – De Blois, ce VIIIe de mars.

      «De par votre bonne mère et meilleure amie.

«Jehanne.»

      Jeanne patienta longtemps; mais, à la fin, jugeant qu'elle ne gagnerait rien à jouter avec la reine-mère sur le terrain des finesses diplomatiques, elle changea de ton et d'allure, et voulut que les questions en suspens fussent tranchées, à défaut de quoi elle menaçait de rompre toute négociation. Combattue de la sorte, Catherine céda sur tous les principaux points contestés, et le contrat fut signé le 11 avril. En voici les stipulations essentielles:

      A part les villes et domaines, Marguerite reçoit pour dot trois cent mille écus d'or au soleil, l'écu évalué à cinquante-quatre sols. La reine-mère lui donne deux cent mille livres tournois; les ducs d'Anjou et d'Alençon, chacun vingt-cinq mille livres. Ces sommes ne furent pas payées comptant, mais constituées en achat de rentes, au denier douze, sur la ville de Paris. Jeanne d'Albret déclare son fils héritier de tous ses biens acquis et à venir; lui abandonne, dès à présent, les revenus, offices et bénéfices de l'Armagnac, son domaine, douze mille livres de rentes assises sur le comté de Marle, et les biens qu'elle tenait du cardinal de Bourbon, son beau-frère. Le prince s'oblige à fournir le château de Pau de meubles et ustensiles, jusqu'à concurrence de trente mille livres. Pour les bagues et joyaux, la reine de Navarre fera ce qu'elle jugera convenable.

      La reine de Navarre se rendit à Paris, le 14 mai, et, avec son activité ordinaire, s'occupa des préparatifs du mariage, en attendant l'arrivée de son fils, encore dans ses Etats, et dont les messages de Charles IX pressaient le départ. Depuis plusieurs années, la santé de Jeanne dépérissait; les préoccupations et les soucis qui avaient rempli son séjour à Blois, et qu'elle retrouva, sous une autre forme, à Paris, brisèrent ses forces et hâtèrent une catastrophe qu'avaient pu prévoir les confidents de sa vie privée. «Etant arrivée le quinzième de mai, dit André Favyn, le premier jour de juin ensuivant, elle se trouva malade d'une lassitude de membres sur le soir, pour avoir été par la ville tout le long du jour; nonobstant cela elle ne laissa de traîner jusques au cinquième jour qu'elle alita, et mourut le dixième dudit mois de juin sur les trois heures après minuit, en l'hôtel du prince de Condé (dit aujourd'hui de Montpensier), rue de Grenelle. Elle décéda en l'âge de quarante-trois ans; son corps embaumé et mis dans un cercueil de plomb, couvert d'un velours noir, sans croix, flambeaux, ni armoiries, selon la nouvelle religion, fut porté en la chapelle de Vendôme, auprès de son mari.

      «Quelques écrivains, pour taxer la mémoire des défunts rois de France Charles IX et Henri III d'heureuse mémoire, ont, par une extrême impudence, laissé par écrit, poussés plutôt d'un zèle inconsidéré de leur religion que de la vérité, que cette grande et docte princesse était morte ayant senti des gants empoisonnés; d'autres, qu'elle avait été empoisonnée d'un boucon qu'on lui donna, priée de souper chez le duc d'Anjou, depuis roi Henri troisième du nom. Ecrivains convaincus de mensonge par le témoignage des officiers domestiques de la feue reine, par la relation desquels l'on apprend qu'elle mourut pulmonique. Elle avait donné charge à ses médecins qu'après sa mort elle fût ouverte, et sa tête particulièrement, pour savoir le sujet d'une démangeaison qu'elle avait ordinairement sur icelle, à ce que si cette maladie était héréditaire aux prince et princesse de Navarre ses enfants, on y pût remédier. Son test (crâne) fut donc scié par un chirurgien de Paris nommé Desneux, en la présence de Caillart, médecin ordinaire de ladite reine Jeanne, et de sa religion: y furent trouvées certaines petites bulbes pleines d'eau entre le crâne et la taie du cerveau, sur laquelle s'épandant, elles causaient cette démangeaison. Au reste, cette taie du cerveau était belle et nette, ce qui n'eût été si on l'eût empoisonnée par des gants parfumés. Son corps fut pareillement ouvert, toutes les parties nobles lui furent trouvées saines et entières, les poumons exceptés, lesquels se trouvèrent gâtés du côté droit, avec une dureté et callosité extraordinaire et une apostème assez grosse, laquelle s'étant crevée dans le corps, fut cause de la mort de la reine.»

      La version du vieil écrivain sur les derniers moments de Jeanne d'Albret est celle que l'histoire sérieuse a retenue, celle qui prévaut aujourd'hui, à travers les controverses passionnées de trois siècles. L'accusation d'empoisonnement aurait pu se produire, avec quelque apparence de raison, après le mariage de Henri: commis à ce moment, le crime eût été peut-être profitable; auparavant, il était nuisible et absurde. Il fut soupçonné, pourtant, et longtemps encore après l'événement; et même de nos jours, la thèse qui en fait la preuve contre la vérité et la raison se perpétue dans plus d'un livre nouveau. Il y a une école d'historiens, recrutée dans tous les camps, qui semble s'être vouée à la réhabilitation des anciennes erreurs.

      La reine de Navarre mourut en pleine possession d'elle-même. Elle comprit, dès la première atteinte du mal, qu'elle allait, selon son expression, «entrer du tout (entièrement) dans l'autre vie», et se prépara avec résignation à ce terrible passage. Son testament porte l'empreinte d'une âme forte et religieuse13. La conscience humaine a pu hésiter, en d'autres temps, devant cette femme extraordinaire. Aujourd'hui que, sans l'emporter peut-être sur les générations du XVIe siècle, nous sommes loin des passions qui les armaient les unes contre les autres, nous ne saurions nous abandonner ni au dénigrement systématique, ni à l'admiration sans bornes. La mère de Henri IV eut un grand cœur et une âme royale, double héritage que recueillit et fit fructifier son fils. L'esprit de fanatisme lui dicta des actes iniques et attentatoires à la liberté humaine, qu'elle s'imaginait servir mieux que les catholiques; mais qui donc, à cette époque, surtout parmi les têtes couronnées, respecta toujours la liberté, fut constamment fidèle à la justice? Les deux auteurs du démembrement du royaume de Navarre furent un pape et un roi, Jules II et Ferdinand le Catholique, le souverain laïque agissant avec l'épée, le souverain religieux fulminant l'interdit, tous deux d'accord pour punir Jean, roi de Navarre, aïeul de Jeanne d'Albret, de n'avoir pas voulu trahir le roi de France, son allié et leur adversaire. Le souvenir de cette double iniquité, qui vécut toujours au cœur des petits souverains de Pau, ne suffirait pas, néanmoins, pour expliquer l'apostasie et le fanatisme de Jeanne d'Albret; mais il faut rappeler aussi les caresses prodiguées par Marguerite de Valois à la Réforme, et dont Jeanne fut témoin; il faut relire l'histoire des palinodies d'Antoine de Bourbon, contre qui Jeanne défendit, quelque temps, ses croyances traditionnelles, et qu'elle suivit enfin dans l'Eglise calviniste, mais lentement, à mesure que la conviction et la passion la maîtrisaient, et pour n'en plus sortir, pour en sortir d'autant moins que son mari en sortit lui-même, un peu avant sa mort, par ambition personnelle, au moment où ses fausses vues politiques et les scandaleux dérèglements de sa vie frappaient deux fois au cœur la reine de Navarre. L'histoire ne doit ni amnistier, ni excuser, mais expliquer. A la lumière СКАЧАТЬ



<p>13</p>

Appendice: II.