Название: Mémoires du Baron de Bonnefoux, Capitaine de vaisseau, 1782-1855
Автор: Baron de Pierre-Marie-Joseph Bonnefoux
Издательство: Public Domain
Жанр: Зарубежная классика
isbn: http://www.gutenberg.org/ebooks/38734
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Les campagnes de Bertheaume étaient trop insignifiantes pour que M. de Bonnefoux me les laissât faire longtemps; il me fit donc passer sur le cutter le Poisson-Volant, destiné à protéger nos convois dans la Manche, et il m'y embarqua comme commandant en second. Je craignis, d'abord, d'être embarrassé de tant d'autorité; mais tout allait assez bien, lorsque sept vaisseaux furent désignés par le consul Bonaparte pour aller porter des secours à l'armée qu'il avait abandonnée en Égypte. Le Dix-Août étant un de ses vaisseaux, j'y retournai avec empressement. J'y retrouvai mes anciens camarades, moins Moreau, mais plus Louin et Desbois, deux très bons jeunes gens de La Guerche81. Louin se retira du service, à la paix d'Amiens. Desbois a péri dans ses navigations, victime du climat des colonies; tu vois que la mort a terriblement moissonné dans nos rangs.
Cette armée d'Égypte était dans un état déplorable. Kléber, qui en avait pris le commandement après le départ de Bonaparte, avait été assassiné. Menou, qui l'avait remplacé, n'avait pas ce qu'il fallait pour remonter le moral d'hommes courroucés de l'abandon de leur premier général; et les généraux en sous-ordre, consternés de la mort de Kléber, ne pouvaient s'accorder ni entre eux, ni avec Menou, et ils revenaient en France dès qu'ils le pouvaient. Les vivres, les vêtements, les armes, les munitions, tout manquait, en Égypte, à nos soldats; le pays était en hostilité permanente; les ports étaient bloqués par des vaisseaux anglais; enfin, une armée de cette nation, débarquée sur le sol africain, faisait cause commune avec le pays.
Dans cet état, sept vaisseaux portant 3.000 hommes de troupes étaient bien peu de chose; aussi crut-on que le Consul voulait, seulement, paraître se rappeler ses compagnons d'armes. Ces vaisseaux étaient commandés par le contre-amiral Ganteaume82 montant l'Indivisible, et ayant sous ses ordres le contre-amiral Linois83, montant le Formidable, de 80 canons comme l'Indivisible84.
Sous Gibraltar, nous fûmes aperçus par des navires garde-côtes anglais. Dès le lendemain, au point du jour, une corvette anglaise se trouva à portée de canon de notre escadre. Elle ne résista pas et fut prise. Quelques indiscrétions nous firent savoir qu'à notre apparition le commandant de Gibraltar avait expédié ce bâtiment et deux autres qui étaient prêts, pour porter, dans toute la Méditerranée, la nouvelle de notre présence dans cette mer. Les deux autres bâtiments étaient la frégate Success et le cutter Sprightly. Admirons, toutefois, notre heureuse étoile. Le surlendemain, nous rencontrâmes la frégate que, malgré sa marche distinguée, le Jean-Bart et le Dix-Août atteignirent et réduisirent promptement; car elle ne se défendit en aucune manière; et, peu après, le Dix-Août aperçut et chassa le cutter.
D'abord il nous gagna et sembla devoir nous échapper. Le commandant Bergeret prévit que le temps faiblirait dans la soirée, qu'alors le Sprightly serait en calme, tandis que nos voiles hautes, beaucoup plus élevées que les siennes, porteraient encore. Il persista donc, et il fit bien, puisque, avant la nuit, ce bâtiment était à nous. J'y fus envoyé pour l'amariner; mais, comme l'amiral ne voulut pas l'adjoindre à son escadre, il l'expédia pour Malaga; ainsi je n'en gardai pas le commandement; ce fut un chef de timonerie qui fut chargé de cette mission de quelques heures.
Qui n'aurait cru, d'après cela, que nous allions continuer notre route avec diligence et sécurité? Il n'en fut pas ainsi: trois voiles furent vues, un soir, qui ne furent ni chassées ni reconnues, et que nous ne revîmes pas le lendemain. Leur aspect fit changer les projets de l'amiral, qui prit, aussitôt, la direction de Toulon, où il arriva85, et où il fut abandonné par deux capitaines, étonnés sans doute de cette rentrée. M. Bergeret était l'un d'eux. Quel vide il nous laissa et comme je le regrettai! Toutefois il fut remplacé par M. le Goüardun86, homme du monde, peu marin, mais très brave, très poli, très spirituel. Avant de quitter définitivement son bord, le commandant Bergeret nous fit appeler, Hugon et moi, pour nous embrasser et nous faire un cadeau d'adieu. Le mien fut le hamac de matelot dans lequel le commandant Bergeret couchait habituellement et quelques Essais sur la tactique navale, qu'il avait écrits pendant la campagne de Bruix.
Par l'un, il semblait me dire qu'un marin ne devait jamais être assez bien couché pour que la vigilance lui fût difficile; et, par son manuscrit, que, quels que fussent les devoirs que СКАЧАТЬ
81
Chef-lieu de canton du département d'Ille-et-Vilaine, à 21 kilomètres au sud de Vitré.
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Honoré-Joseph-Antoine Ganteaume, né le 13 avril 1755, à la Ciotat (aujourd'hui département des Bouches-du-Rhône), avait servi dans la Marine royale en qualité d'officier auxiliaire, lieutenant de frégate et capitaine de brûlot, du 30 mars 1779 au 17 mai 1785. Il y était rentré comme sous-lieutenant de vaisseau, le 1er mai 1786. La Révolution le nomma successivement lieutenant de vaisseau, en 1793, capitaine de vaisseau en 1794. Ce fut la partie brillante de sa carrière, pendant laquelle il servit avec éclat sous Villaret-Joyeuse et Renaudin. Contre-amiral en 1798, il ramena Bonaparte en France, au mois d'octobre 1799. Après le 18 brumaire, le premier Consul le fit entrer au Conseil d'État. Nommé vice-amiral, le 30 mai 1804, créé comte de l'Empire, Ganteaume est mort en activité de service à Aubagne (Var), le 28 septembre 1818. Il était pair de France et Inspecteur général des classes.
83
Voyez ci-après la notice sur l'amiral Linois.
84
L'escadre partit de Brest, le 23 janvier 1801.
85
Le 18 février 1801.
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Louis-Marie Le Goüardun, né le 9 septembre 1754, était capitaine de vaisseau, depuis le 12 brumaire de l'an III. C'était un ancien officier auxiliaire de la Marine royale.