Автор: de Lenclos Ninon
Издательство: Public Domain
Жанр: Зарубежная классика
isbn: http://www.gutenberg.org/ebooks/29476
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Si vous n'avez encore ni donné ni rompu ces petits boucaro, que je vous ai envoyés, dont le dedans étoit blanc, conservez-les; car ce blanc est une composition de bézoard.
LETTRE XVIII
Je vous adresse cette lettre à Paris, quoique, par votre dernière, vous m'ayez mandé que, dans trois jours, vous partiez pour Lyon. Il me revient par vous et par tout le monde, à quel point vous faites valoir mes lettres; et, comme je ne suis pas persuadée de leur mérite, j'ai été jusqu'à présent tout étonnée du cas qu'on en faisoit. Mais je crois en avoir découvert la raison; c'est que vous ne les donnez pas à lire, et que vous les lisez vous-même; comme cela ne vous coûte guère, vous y mettez tout ce qui leur manque pour les rendre agréables, et pour leur attirer des louanges. Je vous prie, ma chère madame, de m'avouer la vérité là-dessus, sans consulter votre modestie. Je lirai avec plus d'attention et de sensibilité tout ce que vous m'écrirez de Lyon, que tout ce que vous m'écrivez de Paris, parce que vous me parlerez plus de vous et de tout ce qui vous touche; car je prétends que vous n'omettiez rien de tout ce que vous ferez; je voudrois bien aussi tout ce que vous penserez. Pour moi, madame, si je voulois ne vous parler que de ce qui m'occupe le plus ici présentement, ce seroit de la cruelle canicule qu'on y souffre. Car la peste et la famine, que nous avons déjà vues deux fois, et la guerre qu'on croit fort proche, ne me paroissent pas encore si insupportables que l'horrible chaleur qu'il fait. Encore le jour se sauve-t-on assez, en se tenant dans un appartement bas; mais la nuit on n'y peut coucher, à cause des moucherons qui dévorent les pauvres personnes.
C'est vous, madame, qui pensez et qui écrivez mieux que personne du monde. Hélas! nous ne savons à qui en parler ici. Nous lisons vos lettres, M. de Villars, ma fille et moi, avec un grand goût et un grand plaisir. Elles m'en causent bien plus d'un, par ne me point laisser douter que vous ne m'aimiez; et, quoique ce plaisir réveille l'ennui que l'on souffre de ne point voir ce que l'on aime, et de qui l'on est aimé, cette peine est bien douce, comparée à la moindre diminution de votre amitié pour moi. Il y a quatre ou cinq endroits dans votre dernière lettre, d'une vivacité et d'une imagination bien ignorées jusqu'à vous, madame, et qu'on n'imitera jamais. Je ne pense pas même qu'on puisse faire aller son ambition jusqu'à espérer d'en devenir une méchante copie.
Puisque nous sommes sur les copies; voulez-vous bien que je vous fasse souvenir que vous m'avez parlé de votre portrait? Je n'aurois osé vous le demander, quelqu'envie que j'en eusse, si vous ne m'en aviez parlé la première.
J'aime notre jeune reine du plaisir qu'elle me paroît avoir, quand je lui nomme votre nom, et que je lui dis que vous vous souvenez d'elle. Elle m'a chargée de beaucoup d'amitiés pour vous. Je ne saurois vous rien dire qui puisse vous instruire sur tout ce qui la regarde. Nous en parlerons un jour, si nous nous revoyons. Elle est grasse, belle, buvant, mangeant, dormant, riant très-souvent, dansant de tout son cœur, quand nous sommes seules; moi chantant le menuet et le passe-pied. Contentez-vous de cela.
Vous n'avez pas trouvé que le marquis de la Fuente fît souvenir de M. de Villars. S'il n'y a point de guerre, sa femme partira au mois de septembre pour l'aller trouver. C'est une des plus raisonnables femmes d'ici: je vous prie de me mander tout ce que vous savez touchant la guerre.
Vous me dites, et cela est vrai, que l'on seroit bien heureux, si les lieux d'ennui pouvoient inspirer de solides et sérieuses réflexions pour le salut, nous détacher des choses de ce monde, qui se détachent tous les jours de nous: la santé, la jeunesse, la beauté, les amis.
Il passera dans peu un étranger20 à Lyon, qui vous remettra un très-petit présent de ma part. J'aime à vous marquer le plus souvent que je puis que je songe à vous, par ces légères bagatelles. M. de Villars en a honte; car il vous croit digne qu'on ne vous présente que des couronnes. Quand vous en auriez, il ne pourroit pas vous honorer, ni vous respecter au-delà de ce qu'il fait. Adieu, madame.
LETTRE XIX
J'ai une véritable impatience d'avoir de vos nouvelles; j'en ai beaucoup aussi d'en apprendre de Paris, puisqu'on y parle sans cesse de guerre, sans que je comprenne encore qui commencera à la déclarer. Les Espagnols ne sont pas en état de la soutenir. Leur misère passe tout ce qu'on en peut imaginer. Il est vrai qu'ils espèrent, ou, pour mieux dire, qu'ils croient sûrement que l'Empereur, l'Angleterre et la Hollande se joindront à eux. Le prince de Parme doit partir aujourd'hui pour aller commander en Flandre. On dit ici qu'ils n'ont pas voulu qu'elle s'achevât de perdre, sans un Espagnol naturel. Notre marquis de Grana a le cœur bien envenimé contre la France; et, s'il étoit secondé par tout ce qu'il voudroit bien mettre contre nous, il tailleroit ce qu'il appelle de la besogne. Il est galant homme, il a de l'esprit; mais, dans ses manières de parler, on le prendroit pour être né sur les bords de la Garonne.
Nous avons été ici en véritable péril de mourir des excessives chaleurs. La beauté et la fraîcheur de la reine n'en ont point souffert. Elle m'a promis de me donner un petit coffre pour vous. Dès que je l'aurai, je chercherai une voie pour vous le faire tenir. Elle me paroît fort souhaiter votre amitié; je l'assure aussi qu'elle a raison de la souhaiter.
Je voudrois que l'on crût un peu moins aux horoscopes; je ne me reprocherai jamais d'avoir eu, sur ce sujet, de pernicieuse complaisance, et de n'avoir pas fait mon possible pour désabuser des faussetés qui s'y trouvent.
Il y a, dans la boîte que vous recevrez par le marquis de Ligneville, deux paires de bas de soie, des pastilles d'ambre dans une bourse, et un œuf d'aventurine avec des pastilles dedans, dont je crois que le goût ne vous déplaira pas. Je vous fais ce détail de peu d'importance, afin que vous vous aperceviez si l'on en prenoit quelque chose.
La connétable Colonne est dans la maison de son mari, assez inquiète de ce qu'elle deviendra, car elle n'est nullement résolue de s'en retourner en Italie avec lui. Elle voudroit bien pouvoir rentrer en ce temps-là dans un couvent à Madrid; bien entendu d'en sortir peu après, et de s'en aller, tant que terre la pourra porter, en Flandre, en Angleterre, СКАЧАТЬ
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Le marquis