Récits d'une tante (Vol. 4 de 4). Boigne Louise-Eléonore-Charlotte-Adélaide d'Osmond
Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Récits d'une tante (Vol. 4 de 4) - Boigne Louise-Eléonore-Charlotte-Adélaide d'Osmond страница 4

СКАЧАТЬ comme imminent.

      Je rentrai plus effrayée que je n'étais partie. Je retrouvai ma rue parfaitement calme; seulement, par mesure de précaution, les habitants descendaient les lanternes, les serraient et effaçaient les armes royales là où elles se trouvaient.

      On me remit un billet de monsieur Pasquier. Il s'informait si j'avais quelque moyen de communiquer avec le duc de Raguse et m'engageait à lui faire savoir que des gens bien instruits pensaient que la résistance militaire, opposée à un mouvement si général, amènerait des catastrophes effroyables, quel qu'en fût le résultat. On connaissait ses lumières et son cœur et l'on pensait que le plus beau rôle pour lui était de se placer comme médiateur, en annonçant à Saint-Cloud les difficultés (plus réelles que peut-être lui-même ne le savait) dont il se trouvait entouré, et en y conseillant des concessions qui pourraient encore tout sauver, si on se hâtait de les proclamer.

      J'ai su depuis que ce billet avait été le résultat d'une conférence, tenue chez monsieur Pasquier, et dans laquelle monsieur Hyde de Neuville avait cherché à le décider à se rendre à Saint-Cloud pour éclairer le Roi sur sa position. Monsieur Pasquier avait représenté qu'il n'était nullement propre à cette mission; il ne pouvait obtenir du Roi de l'écouter favorablement, ne possédant pas sa confiance.

      Monsieur Hyde se trouvait dans la même situation. Enfin l'abbé de Montesquiou, mieux vu à Saint-Cloud que ces messieurs, consentit à s'y rendre2, et c'était pour appuyer les paroles dont il était porteur qu'on désirait une démarche du maréchal. Il en avait pris l'initiative depuis plusieurs heures, mais on l'ignorait.

      J'envoyai tout de suite chez le duc de Raguse savoir si on était en communication avec lui. Tous ses gens se trouvaient aux Tuileries.

      Je reçus un nouveau billet de monsieur Pasquier; il m'autorisait à envoyer le premier au maréchal. Je l'enveloppai dans quelques lignes écrites à la hâte. Je ne savais comment les faire parvenir. Mon médecin se trouvait là et, voyant mon anxiété, il se chargea de remettre la lettre en main propre.

      Il y réussit, car, peu de temps après, je vis entrer dans ma chambre monsieur de La Rue, aide de camp du maréchal. Il l'envoyait me dire qu'il était trop tard. Toutes les propositions de conciliation avaient été vainement tentées; les ordres de Saint-Cloud étaient impératifs, il ne lui restait plus qu'à agir militairement. D'ailleurs, l'affaire était trop engagée; il fallait, avant tout triompher de l'insurrection.

      Monsieur de La Rue ajouta qu'il venait de porter l'ordre de marche aux colonnes: elles devaient s'avancer en balayant tout devant elles, et probablement j'entendrais gronder le canon sous moins d'une demi-heure.

      «Dieu nous en garde! m'écriai-je. J'ignore quel en serait le résultat pour la monarchie; mais, si elle réchappe d'une pareille crise, elle sera forcée de sacrifier tous ceux qui auront mitraillé la population parisienne dans une cause si odieuse à la nation!»

      Je lui fis la peinture de la position du maréchal, de son impopularité dans le pays, où les calomnies inventées en 1814 avaient encore cours, du peu d'affection que lui portait la Cour, de la méfiance qu'il inspirait aux partis ultra et jésuitique, enfin de la disposition où serait tout le monde à l'offrir en holocauste. «Si le maréchal, ajoutai-je, fait tirer un seul coup de canon, qu'il se fasse tuer, car sa vie ne sera plus qu'une série de malheurs!»

      J'étais fort animée et je parvins à persuader La Rue. Il devenait de plus en plus soucieux et me répondait toujours par cette exclamation:

      «Mais que faire! on tire sur nous; l'affaire est engagée; il faut bien commencer par la vider et mettre ces gens-là à la raison! Et d'ailleurs il n'y a pas moyen de parler au maréchal. Il a été obligé de m'attirer dans l'embrasure d'une fenêtre pour me donner le message que je vous apporte, et il a eu toute la difficulté possible à trouver un moment pour lire votre lettre.

      – Pourquoi donc cela?

      – Mais les ministres sont aux Tuileries, chez lui. Monsieur de Polignac et son monde l'entourent et le gardent tellement à vue qu'en étant nominativement le chef de tout il n'a pas la permission de dire une parole, ou de faire un geste, sans les voir contrôler.

      – Tâchez pourtant de lui faire comprendre combien il se sacrifie inutilement. Parlez-lui surtout des dangers du pays auquel il est si dévoué.

      – J'essaierai de lui rapporter vos paroles, car les miennes n'auraient aucune influence. Il est accoutumé à nous commander et non pas à nous écouter, et les conseils ne peuvent lui arriver utilement par notre bouche. Au reste, votre message n'est pas le seul dont je suis chargé. J'ai rencontré Fabvier à votre porte. Arrivé ce matin même de Lyon, il trouve les affaires bien différentes de ce qu'il les croyait; il vient de parcourir la ville et de se recorder avec ses amis: «Jusqu'à présent, m'a-t-il dit, ils ne se sont mêlés de rien; mais, d'ici à une heure, chaque groupe aura à sa tête un chef intelligent, un officier capable et on s'en apercevra. Il ne faut pas s'y tromper, m'a-t-il dit, le peuple est sérieusement au jeu; le mouvement, pour être spontané, n'en est que plus violent et, ce qui le fera réussir, c'est de n'être le résultat d'aucune conspiration.»

      La Rue, comme de raison, avait répondu à son ancien camarade:

      «Nous serons prêts à bien recevoir ceux qui nous attaqueraient, et nous aurons sur eux l'avantage de faire notre devoir.

      – Devoir tant que tu voudras, mais dis au maréchal que, s'il laisse engager la partie sérieusement, il peut la tenir pour perdue. La troupe ne peut rien dans une ville contre une population unanime et exaspérée. Il y a encore un peu d'hésitation à commencer, mais, si une fois on se sent tout à fait compromis, ce sera sans ressource.»

      Sans attacher par trop d'importance à un langage que Fabvier dans sa position devait tenir, j'engageai pourtant monsieur de La Rue à répéter ses paroles au maréchal devant les personnes dont il était obsédé, afin d'avertir que les insurgés seraient dirigés militairement. Ils le furent, en effet, et bien habilement.

      Tout de suite après le départ de monsieur de La Rue, je fis prévenir monsieur Pasquier de la réponse peu satisfaisante qui m'était parvenue; puis je me pris à ruminer sur ce que La Rue m'avait dit du peu d'état qu'obtiendraient des paroles passant par sa bouche.

      Je savais que nul plus que monsieur Arago n'avait crédit sur l'esprit du maréchal; je lui écrivis pour l'engager à se rendre tout de suite à l'état-major et à y user de son influence pour sauver le pays, le trône et son ami de la ruine prochaine dont ils étaient menacés. Je fis monter un homme à cheval pour se rendre par les boulevards extérieurs à l'Observatoire.

      À peine était-il parti que j'entendis le premier coup de canon. Je ne puis peindre l'effet qu'il produisit sur moi; je jetai un cri et, cachant ma tête dans mes mains, je restai immobile pendant quelques minutes.

      Tous nos soins devenaient superflus; le sort en était jeté, le pays, le trône, les individus, tout était en jeu! Il n'y avait plus qu'à attendre, en tremblant, le résultat de si funestes chances.

      Je passais tout mon temps à la fenêtre. Bientôt je vis arriver une patrouille de soldats. En débusquant dans la rue, ils commencèrent par y tirer une douzaine de coups de fusil quoique tout y fut complètement pacifique. Le comte Karoly, sortant de chez moi, pensa être atteint d'une balle qui vint frapper la borne de la porte.

      Il n'y eut pas d'accident dans la rue d'Anjou, mais un voiturier, tournant tranquillement sa charrette, fut tué dans la rue de Surène. Cette inutile démonstration anima vivement les gens de mon quartier.

      Jusque-là, СКАЧАТЬ



<p>2</p>

L'abbé de Montesquiou, arrêté à la barrière, ne parvint pas à Saint-Cloud.