Récits d'une tante (Vol. 1 de 4). Boigne Louise-Eléonore-Charlotte-Adélaide d'Osmond
Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Récits d'une tante (Vol. 1 de 4) - Boigne Louise-Eléonore-Charlotte-Adélaide d'Osmond страница 13

СКАЧАТЬ des compliments et le laissa repartir. Madame Adélaïde s'affligea, se plaignit, mais elle et son neveu étaient Bourbon, comme elle disait, et n'avaient assez d'énergie, ni pour résister aux volontés des autres, ni pour s'y associer pleinement.

      Si Thoiry avait été en deça de Pontchartrain, peut-être n'y aurait-il pas eu de révolution en France. Monsieur de Machault était un homme sage, qui aurait su tirer meilleur parti des vertus de Louis XVI que le courtisan spirituel, mais léger et immoral, auquel il confia son sort. Ce n'est pas que monsieur de Maurepas ne fût l'homme qui convînt le mieux aux goûts, si ce n'est aux besoins du moment.

      J'ai dit que, dans ce temps, avec de l'esprit, on faisait tout passer; l'esprit jouait alors le rôle qu'on accorde au talent aujourd'hui. Je veux rapporter quelques-unes des anecdotes que j'ai entendu raconter à ma mère qui poussait la moralité jusqu'à la pruderie, sans que, bien des années après, ces faits lui parussent autre chose qu'une malice spirituelle.

      Le vicomte de Ségur, l'homme le plus à la mode de ce temps, faisait d'assez jolis petits vers de société dont sa position dans le monde était le plus grand mérite. Monsieur de Thiard, impatienté et peut-être jaloux de ses succès, fit à son tour une pièce de vers où il conseillait à monsieur de Ségur d'envoyer ses ouvrages au confiseur, ayant, disait-il, prouvé qu'il avait tout juste l'esprit qu'on peut mettre dans une pastille. Monsieur de Ségur affecta de rire de cette épigramme, mais résolut de s'en venger.

      Or, il y avait en Normandie une madame de Z… très belle personne, habitant son château, y vivant décemment avec son mari et jouissant d'une assez grande considération, malgré ses rapports avec monsieur de Thiard qu'on disait fort intimes et qui duraient depuis plusieurs années. Celui-ci passait pour l'aimer passionnément. Le vicomte profita de son crédit; son père était ministre de la guerre, fit envoyer son régiment en garnison dans la ville voisine du château de madame de Z… joua son rôle parfaitement, feignit une passion délirante et, après des assiduités qui durèrent plusieurs mois, parvint à plaire et enfin à réussir.

      Bientôt madame de Z… se trouva grosse; son mari était absent et même monsieur de Thiard. Elle annonça au vicomte son malheur. La veille encore, il lui témoignait le plus ardent amour; mais, ce jour-là, il lui répondit que son but était atteint, qu'il ne s'était jamais soucié d'elle. Seulement, il avait voulu se venger du sarcasme de monsieur de Thiard, et lui montrer que son esprit était propre à autre chose qu'à faire des distiques de confiseur. En conséquence, il lui baisait les mains, elle n'entendrait plus parler de lui. En effet, il partit sur-le-champ pour Paris, racontant son histoire à qui voulait l'entendre.

      Madame de Z… honnie de son mari, déshonorée dans sa province, brouillée avec monsieur de Thiard, mourut en couches. Monsieur de Z… fut obligé de reconnaître ce malheureux enfant que nous avons vu dans le monde, madame Léon de X… et que l'esprit d'intrigue qu'elle possédait rendait bien digne de son père. Jamais le vicomte de Ségur n'a pu s'apercevoir qu'une pareille aventure, dont il se vantait tout haut, choquât qui que ce soit.

      Voici un autre genre:

      Monsieur de Créqui sollicitait une grâce de la Cour, et, en conséquence, faisait la sienne à monsieur et à madame de Maurepas. Une de ses obséquiosités était de faire chaque soir la partie de la vieille et très ennuyeuse madame de Maurepas; aussi elle le soutenait vivement, et ses importunités avaient crédit sur monsieur de Maurepas. Le jour même où la grâce fut obtenue, monsieur de Créqui vint chez madame de Maurepas. Madame de Flamarens, nièce de madame de Maurepas et qui faisait les honneurs de la maison, offrit une carte à monsieur de Créqui, comme à l'ordinaire. Celui-ci, s'inclinant, répondit avec un sérieux de glace: «Je vous fais excuse, je ne joue jamais.» Et, en effet, il ne fit plus la partie de madame de Maurepas. Cette bassesse, couverte par le piquant de la forme, ne blessa point, et personne n'en riait de meilleur cœur que le vieux ministre.

      Monsieur de Maugiron était colonel d'un superbe régiment, mais il avait l'horreur, ou plutôt l'ennui de tout ce qui était militaire, et passait pour n'être pas très brave. Un jour, à l'armée, les grenadiers de France où il avait anciennement servi, chargèrent dans une circonstance assez dangereuse. Monsieur de Maugiron se mit volontairement dans leurs rangs, et se conduisit de façon à se faire remarquer. Le lendemain, à dîner, les officiers de son régiment lui en firent compliment: «Mon Dieu, messieurs, vous voyez bien que, lorsque je veux, je m'en tire comme un autre. Mais cela me paraît si désagréable et surtout si bête que je me suis bien promis que cela ne m'arriverait plus. Vous m'avez vu au feu; gardez-en bien la mémoire, car c'est la dernière fois.»

      Il tint parole. Quand son régiment chargeait, il se mettait de côté, souhaitait bon voyage à ses officiers et disait bien haut: «Regardez donc ces imbéciles qui vont se faire tuer.» Malgré cela, monsieur de Maugiron n'était pas un mauvais officier; son régiment était bien tenu, se conduisait toujours à merveille dans toutes les affaires, et ce bizarre colonel y était aimé et même considéré.

      C'est à lui que sa femme, très spirituelle personne, écrivait cette fameuse lettre:

      «Je vous écris parce que je ne sais que faire et je finis parce que je ne sais que dire.

«Sassenage de Maugiron,bien fâchée de l'être.»

      On ne savait pas se refuser une repartie spirituelle. Le maréchal de Noailles s'était très mal montré à la guerre, et sa réputation de bravoure en était restée fort suspecte. Un jour où il pleuvait, le Roi demanda au duc d'Ayen si le maréchal viendrait à la chasse. «Oh! que non, Sire, mon père craint l'eau comme le feu.» Ce mot eut le plus grand succès.

      Je n'ai voulu rapporter ces divers faits, faciles à multiplier, que pour prouver combien dans ces temps qu'on nous représente plus moraux que les nôtres, dans ces temps où la société était, disait-on, un tribunal dont tout le monde ressortissait, l'esprit et surtout l'impudence suffisaient pour éviter les sentences qu'elle aurait portées probablement contre des torts moins spirituellement affichés.

      J'ai dit que madame de Civrac était dame d'honneur de madame Victoire. Sa vie est un roman.

      Mademoiselle Monbadon, fille d'un notaire de Bordeaux, avait atteint l'âge de vingt-cinq ans. Elle était grande, belle, spirituelle et surtout ambitieuse. Elle fut recherchée en mariage par un hobereau du voisinage qui s'appelait monsieur de Blagnac. Il était garde du corps. Cet homme était pauvre, fort rustre, incapable d'apprécier son mérite, mais désirait partager une très petite fortune qu'elle devait hériter de son père. La personne qui traitait le mariage fit valoir la naissance de monsieur de Blagnac; il était de la maison de Durfort. Mademoiselle Monbadon se fit apporter les papiers et, satisfaite de cette inspection, épousa monsieur de Blagnac.

      Ajoutant un léger bagage au portefeuille où elle enferma les parchemins généalogiques, elle s'embarqua dans la diligence, avec son mari, et arriva à Paris. Sa première visite fut pour Chérin; elle lui remit ses papiers, le pria de les examiner scrupuleusement. Quelques jours après, elle revint les chercher et obtint l'assurance que la filiation de monsieur de Blagnac avec la branche de Durfort-Lorge était complètement établie. Elle s'en fit délivrer le certificat, et commença à se faire appeler Blagnac de Civrac. Elle écrivit au vieux maréchal de Lorge pour lui demander une entrevue. Elle lui dit très modestement n'être qu'en passant à Paris; elle croyait que son mari avait l'honneur de lui appartenir. De si loin que ce pût être, c'était un si grand honneur, un si grand bonheur qu'elle ne voulait pas retourner dans l'obscurité de sa province sans l'avoir réclamé. Si elle osait pousser sa prétention jusqu'à être reçue une fois par madame la maréchale, sa reconnaissance serait au comble. Le maréchal se laissa prendre à ces paroles doucereuses, sans trop reconnaître la parenté sur laquelle elle n'insista pas. Elle fut admise à faire une visite. Elle s'y conduisit adroitement. Elle obtint la permission de revenir pour prendre congé, elle revint. Le départ était retardé, СКАЧАТЬ