Bel-Ami / Милый друг. Ги де Мопассан
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СКАЧАТЬ au juste que sa femme?

      Saint-Potin se frotta les mains:

      – Oh! une rouée, une fine mouche. C'est la maîtresse d'un vieux viveur nommé Vaudrec, le comte de Vaudrec, qui l'a dotée et mariée…

      Duroy sentit brusquement une sensation de froid, une sorte de crispation nerveuse, un besoin d'injurier et de gifler ce bavard. Mais il l'interrompit simplement pour lui demander:

      – C'est votre nom, Saint-Potin?

      L'autre répondit avec simplicité:

      – Non, je m'appelle Thomas. C'est au journal qu'on m'a surnommé Saint-Potin.

      Et Duroy, payant les consommations, reprit:

      – Mais il me semble qu'il est tard et que nous avons deux nobles seigneurs à visiter.

      Saint-Potin se mit à rire:

      – Vous êtes encore naïf, vous! Alors vous croyez comme ça que je vais aller demander à ce Chinois et à cet Indien ce qu'ils pensent de l'Angleterre? Comme si je ne le savais pas mieux qu'eux, ce qu'ils doivent penser pour les lecteurs de la Vie Française. J'en ai déjà interviewé cinq cents de ces Chinois, Persans, Hindous, Chiliens, Japonais et autres. Ils répondent tous la même chose, d'après moi. Je n'ai qu'à reprendre mon article sur le dernier venu et à le copier mot pour mot. Ce qui change, par exemple, c'est leur tête, leur nom, leurs titres, leur âge, leur suite. Oh! là-dessus, il ne faut pas d'erreur, parce que je serais relevé raide par le Figaro ou le Gaulois. Mais sur ce sujet le concierge de l'hôtel Bristol et celui du Continental m'auront renseigné en cinq minutes. Nous irons à pied jusque-là en fumant un cigare. Total: cent sous de voiture à réclamer au journal. Voilà, mon cher, comment on s'y prend quand on est pratique.

      Duroy demanda:

      – Ça doit rapporter bon d'être reporter dans ces conditions-là?

      Le journaliste répondit avec mystère:

      – Oui, mais rien ne rapporte autant que les échos, à cause des réclames déguisées.

      Ils s'étaient levés et suivaient le boulevard, vers la Madeleine. Et Saint-Potin, tout à coup, dit à son compagnon:

      – Vous savez, si vous avez à faire quelque chose, je n'ai pas besoin de vous, moi.

      Duroy lui serra la main, et s'en alla.

      L'idée de son article à écrire dans la soirée le tracassait, et il se mit à y songer. Il emmagasina des idées, des réflexions, des jugements, des anecdotes, tout en marchant, et il monta jusqu'au bout de l'avenue des Champs-Élysées, où on ne voyait que de rares promeneurs, Paris étant vide par ces jours de chaleur.

      Ayant dîné chez un marchand de vin auprès de l'Arc de triomphe de l'Étoile, il revint lentement à pied chez lui par les boulevards extérieurs, et il s'assit devant sa table pour travailler.

      Mais dès qu'il eut sous les yeux la grande feuille de papier blanc, tout ce qu'il avait amassé de matériaux s'envola de son esprit, comme si sa cervelle se fût évaporée. Il essayait de ressaisir des bribes de souvenirs et de les fixer: ils lui échappaient à mesure qu'il les reprenait, ou bien ils se précipitaient pêle-mêle, et il ne savait comment les présenter, les habiller, ni par lequel commencer.

      Après une heure d'efforts et cinq pages de papier noircies par des phrases de début qui n'avaient point de suite, il se dit: «Je ne suis pas encore assez rompu au métier. Il faut que je prenne une nouvelle leçon.» Et tout de suite la perspective d'une autre matinée de travail avec Mme Forestier, l'espoir de ce long tête-à-tête intime, cordial, si doux, le firent tressaillir de désir. Il se coucha bien vite, ayant presque peur à présent de se remettre à la besogne et de réussir tout à coup.

      Il ne se leva, le lendemain, qu'un peu tard, éloignant et savourant d'avance le plaisir de cette visite.

      Il était dix heures passées quand il sonna chez son ami.

      Le domestique répondit:

      – C'est que monsieur est en train de travailler.

      Duroy n'avait point songé que le mari pouvait être là. Il insista cependant:

      – Dites-lui que c'est moi, pour une affaire pressante.

      Après cinq minutes d'attente, on le fit entrer dans le cabinet où il avait passé une si bonne matinée.

      À la place occupée par lui, Forestier maintenant était assis et écrivait, en robe de chambre, les pieds dans ses pantoufles, la tête couverte d'une petite toque anglaise; tandis que sa femme, enveloppée du même peignoir blanc, et accoudée à la cheminée, dictait, une cigarette à la bouche.

      Duroy, s'arrêtant sur le seuil, murmura:

      – Je vous demande bien pardon; je vous dérange?

      Et son ami, ayant tourné la tête, une tête furieuse, grogna:

      – Qu'est-ce que tu veux encore? Dépêche-toi, nous sommes pressés.

      L'autre, interdit, balbutiait:

      – Non, ce n'est rien, pardon.

      Mais Forestier, se fâchant:

      – Allons, sacrebleu! ne perds pas de temps; tu n'as pourtant pas forcé ma porte pour le plaisir de nous dire bonjour.

      Alors Duroy, fort troublé, se décida:

      – Non… voilà… c'est que… je n'arrive pas encore à faire mon article… et tu as été… vous avez été si… si… si gentils la dernière fois que… que j'espérais… que j'ai osé venir…

      Forestier lui coupa la parole:

      – Tu te fiches du monde, à la fin! Alors tu t'imagines que je vais faire ton métier, et que tu n'auras qu'à passer à la caisse au bout du mois. Non! Elle est bonne, celle-là!

      La jeune femme continuait à fumer, sans dire un mot, souriant toujours d'un vague sourire qui semblait un masque aimable sur l'ironie de sa pensée.

      Et Duroy, rougissant, bégayait:

      – Excusez-moi… j'avais cru… j'avais pensé…

      Puis brusquement, d'une voix claire:

      – Je vous demande mille fois pardon, madame, en vous adressant encore mes remerciements les plus vifs pour la chronique si charmante que vous m'avez faite hier.

      Puis il dit à Charles: «Je serai à trois heures au journal,» et il sortit.

      Il retourna chez lui, à grands pas, en grommelant: «Eh bien, je m'en vais la faire celle-là, et tout seul, et ils verront…»

      À peine rentré, la colère l'excitant, il se mit à écrire.

      Il continua l'aventure commencée par Mme Forestier, accumulant des détails de roman-feuilleton, des péripéties surprenantes et des descriptions ampoulées, avec une maladresse de style de collégien et des formules de sous-officier. En une heure, il eut terminé une chronique qui ressemblait à un chaos de folies, et il la porta, avec СКАЧАТЬ