Название: Toutes les Oeuvres Majeures de Cicéron
Автор: Ciceron
Издательство: Bookwire
Жанр: Языкознание
isbn: 4064066373825
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LVI. L’utilité est personnelle ou extérieure : cependant presque tout s’y rapporte au bien-être personnel, comme dans la république, où certaines choses constituent pour ainsi dire le corps de l’État, telles que le territoire, les ports, l’argent, les flottes, les matelots, les soldats, les alliés ; enfin tout ce qui sert au maintien de son indépendance et de son intégrité. D’autres sont d’une utilité plus spécieuse et moins nécessaire, comme une ville immense et magnifique, des richesses brillantes, des amis et des alliés nombreux. Comme tous ces avantages ne servent pas seulement à maintenir l’intégrité et l’indépendance des États, mais à les rendre forts et puissants, on peut envisager deux choses dans l’utilité, la sûreté et la puissance. La sûreté nous protège et nous défend contre les dangers. La puissance est la possession des moyens propres à conserver ses avantages et d’obtenir ceux d’autrui. Il faut encore, dans tout ce que nous avons dit, considérer le plus ou le moins de facilité. Ce qui ne demande que peu ou point de peine, de frais, de fatigue et de temps, est facile. Ou regarde comme difficile ce qu’il est possible d’achever et de conduire à sa fin, mais à force de peines, de frais, de fatigues et de temps, en bravant toutes les difficultés plus ou moins nombreuses, plus ou moins considérables, qui s’opposent à l’exécution.
Après avoir traité de l’honnête et de l’utile, il nous reste à parler de la nécessité et des circonstances, qui nous ont semblé, comme on l’a vu plus haut, devoir être jointes à ces deux premiers mobiles.
LVII. J’appelle nécessité, une force irrésistible qu’aucune puissance ne saurait ni changer ni adoucir. Des exemples rendront notre définition plus claire, et feront mieux connaître la nature et l’empire de la nécessité : « Le bois doit nécessairement être combustible. L’homme doit nécessairement mourir un jour ; » aussi nécessairement que l’exige la force irrésistible de cette nécessité qu’aucune puissance ne saurait ni adoucir ni changer, et telle que nous la définissions tout à l’heure. Quand l’orateur rencontre de tels obstacles, il peut les appeler nécessités. S’il trouve des difficultés,. il considérera, d’après la question précédente, s’il est possible de les surmonter. Il me semble encore qu’il y a des nécessités accessoires, et d’autres simples et absolues. Car nous ne disons pas dans le même sens : « Il est nécessaire que les Casiliniens se rendent à Annibal, » et « il est nécessaire que Casilinum tombe au pouvoir d’Annibal. » Dans le premier cas, la nécessité accessoire est celle-ci : « A moins qu’ils n’aiment mieux mourir de faim ; » car s’ils aiment mieux prendre ce parti, il n’y a plus de nécessité. Il n’en est pas de même dans le second exemple ; car, soit que les Casiliniens se rendent, soit qu’ils aiment mieux mourir de faim, il n’en est pas moins nécessaire que Casilinum tombe au pouvoir d’Annibal. Cette distinction de nécessité est-elle utile ? Sans doute, surtout quand le premier cas se présente ; car si la nécessité est simple et absolue, il n’y a presque rien à dire, puisque rien ne peut en adoucir la rigueur. Mais n’y a-t-il nécessité que pour éviter ou obtenir quelque chose, considérons ce que cette nécessité accessoire offre d’honnête ou d’utile. En effet, si vous voulez y prendre garde, en bornant toutefois cet examen aux divers objets de la vie civile, vous ne trouverez aucune action nécessaire, que par une cause que nous appelons accessoire. Mais, d’une autre part, vous trouverez bien des choses nécessaires sans aucun accessoire semblable. Par exemple : « Il est nécessaire que l’homme né mortel meure ; » il n’y a point d’accessoire. « Il n’est pas nécessaire qu’il mange, » à moins qu’on n’ajoute cet accessoire : « Excepté s’il ne veut pas mourir de faim. » Il faudra donc, comme nous l’avons dit, considérer toujours la nature des accessoires ; car, dans toutes les circonstances, il faut exposer la nécessité fondée, ou sur l’honnêteté, comme : « Cela est nécessaire, si nous voulons être fidèles à l’honnêteté ; » ou sur la sûreté. « Cela est nécessaire, si nous vous Ions être en sûreté ; » ou sur le bien-être : « Cela est nécessaire, si nous voulons vivre sans aucune contrariété. »
LVIII. La nécessité la plus impérieuse est celle que prescrit l’honnêteté ; vient ensuite celle de la sûreté ; la troisième, et la moins importante, est celle du bien-être, qu’on ne peut nullement opposer aux deux autres. Mais il est quelquefois utile de comparer ensemble la sûreté et l’honneur, pour décider (quoique l’honneur l’emporte réellement) à quel parti, dans telle ou telle conjoncture, on doit donner la préférence. Il semble qu’on peut établir sur ce point une règle générale. Quand, en s’occupant de sa sûreté, on espère recouvrer quelque jour, par ses talents et par son mérite, ce qu’on a pour le moment sacrifié de l’honneur, il est peut-être permis de préférer sa sûreté ; sinon la victoire doit toujours rester à l’honneur.
Ainsi, même alors, nous pouvons dire que nous avons suivi la route que nous traçait l’honneur, puisqu’en sacrifiant notre sûreté, nous n’aurions pu le recouvrer. C’est le moment de céder à une force supérieure, de se soumettre à la condition imposée par un autre, ou bien de se condamner à une inaction passagère, et d’attendre une occasion plus favorable. Pour le bien-être, il faut considérer seulement si ce qu’exigent nos intérêts mérite que l’on déroge à ce que réclament la véritable grandeur et l’honnêteté. Le plus essentiel, selon moi, c’est d’examiner la nature de l’objet qui, si nous voulons l’obtenir ou l’éviter, rend telle chose nécessaire, c’est-à-dire, quel est l’accessoire, afin de se décider ensuite en conséquence, en regardant comme plus nécessaire ce qui nous importe le plus.
Par circonstances, on entend les changements amenés par l’issue des événements, par la manière de conduire une entreprise, par les motifs qui nous dirigent ; changements dont il résulte que les faits ne sont plus tels qu’auparavant, ou tels qu’ils sont d’ordinaire. Ainsi : « Il est honteux de passer à l’ennemi, mais non pas quand c’est dans le même dessein qu’Ulysse. C’est une sottise de jeter son argent dans la mer, mais non pas quand c’est pour le même motif qu’Aristippe. » Il est donc des choses qu’il faut juger non en elles-mêmes, mais d’après le temps et l’intention. Considérez alors ce qu’exigent les conjonctures ou. les personnes ; ne vous attachez point à l’action, mais aux motifs, au temps, à la durée. Tels sont les lieux communs que l’on peut employer pour exposer et soutenir une opinion.
LIX. La louange et le blâme se tirent des lieux attribués aux personnes, et que nous avons développés plus haut. Voulez-vous les traiter d’une manière moins générale, vous pouvez les diviser en lieux propres à l’âme, lieux propres au corps, lieux propres aux objets extérieurs. La vertu dont nous avons parlé tout à l’heure appartient à l’âme ; la santé, la dignité, la force, la légèreté, au corps ; l’illustration, les richesses, la naissance, les amis, la patrie, la puissance, et tout ce qui leur ressemble, forment les lieux extérieurs. Ici, comme dans toutes les autres parties de l’art oratoire, il faudra appliquer la règle générale des contraires, et le blâme se formera de toutes les choses opposées.
Mais pour avoir le droit de louer ou de blâmer, attachez-vous moins aux choses physiques ou extérieures qu’à la manière dont on en use ; car louer un homme de ce qu’il tient du hasard, c’est une sottise ; l’en blâmer, c’est un sot orgueil : mais tout ce qui dépend de l’âme peut être loué avec honneur, ou blâmé avec véhémence.
Maintenant que nous avons enseigné la manière de trouver des preuves pour tous les genres de causes, СКАЧАТЬ