Sonate à Kreutzer: Collection intégrale (3 Traductions en un seul livre). León Tolstoi
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Название: Sonate à Kreutzer: Collection intégrale (3 Traductions en un seul livre)

Автор: León Tolstoi

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066448158

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СКАЧАТЬ d’un soir d’ivresse pour nous entraîner. Nous partîmes. Mon frère, aussi innocent que moi, tomba cette nuit... Et moi, gamin de seize ans, je me souillai et je coopérai à la souillure de la femme-sœur, sans comprendre ce que je faisais, jamais je n’ai entendu de mes amis que ce que j’accomplis là fût mauvais. Il est vrai qu’il y a dix commandements de la Bible, mais les commandements ne sont faits que pour être récités devant les curés, aux examens, et encore pas aussi exigés que les commandements sur l’emploi de ut dans les propositions conditionnelles.

      Ainsi, de mes aînés, dont j’estimais l’opinion, je n’ai jamais entendu que ce fût répréhensible ; au contraire, j’ai entendu des gens que je respectais dire que c’était bien ; j’ai entendu dire que mes luttes et mes souffrances s’apaiseraient après cet acte ; je l’ai entendu et je l’ai lu. J’ai entendu de mes aînés que c’était excellent pour la santé, et mes amis ont toujours paru croire qu’il y avait en cela je ne sais quel mérite et quelle bravoure. Donc, on n’y voyait rien que de louable. Quant au danger d’une maladie, c’est un danger prévu : le gouvernement n’en prend-il pas soin ? Il règle la marche régulière des maisons de tolérance, il assure l’hygiène de la débauche pour nous tous, jeunes et vieux. Des médecins rétribués exercent la surveillance. C’est très bien ! Ils affirment que la débauche est utile à la santé, ils instituent une prostitution régulière. Je connais des mères qui prennent soin à cet égard de la santé de leurs fils. Et la science même les envoie aux maisons de tolérance !

      – Pourquoi donc la science ? demandai-je.

      – Que sont donc les médecins, ce sont les pontifes de la science ! Qui pervertit les jeunes gens en affirmant de telles règles d’hygiène ? Qui pervertit les femmes en leur apprenant et imaginant des moyens de ne pas avoir d’enfants ? Qui soigne la maladie avec transport ? Eux !

      – Mais pourquoi ne pas soigner la maladie ?

      – Parce que soigner la maladie, c’est assurer la débauche, c’est la même chose que la maison des enfants trouvés.

      – Non, mais...

      – Oui, si un centième seulement des efforts pour guérir la maladie était employé à guérir la débauche, il y a longtemps que la maladie n’existerait plus, tandis que maintenant tous les efforts sont employés non pas à extirper la débauche, mais à la favoriser en assurant l’innocuité des suites. D’ailleurs, il ne s’agit pas de cela, il s’agit de ce que moi, comme les neuf dixièmes, si ce n’est plus, non seulement des hommes de notre société, mais de toutes les sociétés, même les paysans, il m’est arrivé cette chose effrayante que je suis tombé et non pas parce que j’étais assujetti à la séduction naturelle d’une certaine femme. Non, aucune femme ne m’a séduit, je suis tombé parce que le milieu où je me trouvais ne voyait dans cette chose dégradante qu’une fonction légale et utile pour la santé, parce que d’autres n’y voyaient qu’un amusement naturel, non seulement excusable, mais même innocent pour un jeune homme. Je ne comprenais pas qu’il y avait là une chute, et je commençais à m’adonner à ces plaisirs (en partie désir et en partie nécessité) qu’on me faisait croire caractéristiques de mon âge, comme je m’étais mis à boire, à fumer.

      Et, cependant, il y avait dans cette première chute quelque chose de particulier et de touchant. Je me souviens que tout de suite, là-bas, sans sortir de la chambre, une tristesse m’envahit si profonde que j’avais envie de pleurer. De pleurer sur la perte de mon innocence, sur la perte pour toujours de mes relations avec la femme ! Oui, mes relations avec la femme étaient perdues pour toujours. Des relations pures, avec les femmes, depuis et pour toujours, je n’en pouvais plus avoir. J’étais devenu ce qu’on appelle un voluptueux, et être un voluptueux est un état physique comme l’état d’un morphinomane, d’un ivrogne et d’un fumeur,

      Comme le morphinomane, l’ivrogne, le fumeur n’est plus un homme normal, de même l’homme qui a connu plusieurs femmes pour son plaisir n’est plus normal. Il est anormal pour toujours, c’est un voluptueux. Comme on peut reconnaître l’ivrogne et le morphinomane d’après leur physionomie et leurs manières, on peut aussi reconnaître un voluptueux. Il peut se retenir, lutter, mais il n’aura plus jamais de relations simples, pures et fraternelles envers la femme. D’après sa manière de jeter un regard sur une jeune femme, on peut tout de suite reconnaître un voluptueux, et je suis devenu un voluptueux et je le suis resté.

      VI

      Table des matières

      Oui, c’est ainsi ! Et cela alla de plus en plus loin, avec toute espèce de retours ! Mon Dieu ! quand je me rappelle toutes mes lâchetés et mauvaises actions, j’en suis épouvanté ! Et je me souviens de ce « moi » qui, durant cette époque, était encore l’objet des railleries des camarades pour son innocence.

      Quand j’entends parler de la jeunesse dorée, des officiers, des Parisiens, et tous ces messieurs et moi-même, noceurs de trente ans, qui avons sur la conscience des centaines de crimes si terribles et variés envers les femmes, quand nous autres, noceurs de trente ans, nous entrons dans un salon ou un bal, bien lavés, rasés et parfumés, avec du linge très blanc, en habit ou en uniforme, comme des emblèmes de pureté, oh ! le dégoût ! Il arrivera bien un temps, une époque, où tous ces mensonges et toutes ces lâchetés seront dévoilés !

      C’est ainsi pourtant que je vécus jusqu’à trente ans, sans abandonner une minute mon intention de me marier et de me bâtir une vie conjugale élevée, et dans ce but j’observais les jeunes filles qui auraient pu me convenir. J’étais enfoncé dans la pourriture et en même temps je cherchais des vierges dont la pureté fût digne de moi ! Beaucoup d’entre elles furent rejetées : elles ne me paraissaient pas assez pures !

      Enfin, j’en trouvai une que je jugeai à ma hauteur. C’était une des deux filles d’un propriétaire terrien de Penza, jadis très riche et depuis ruiné. À dire la vérité, sans fausse modestie, on me poursuivit et on finit par me capter. La mère (le père n’y était plus) disposa toute espèce de traquenards, et l’un d’eux, une promenade en bateau, décida de mon avenir.

      Je me décidai à la fin de la promenade susdite, la nuit, au clair de lune, pendant que nous revenions, tandis que j’étais assis à côté d’elle ; j’admirais son corps svelte dont un jersey moulait les formes charmantes, les boucles de ses cheveux, et je conclus subitement que c’était elle. Il me semblait par ce beau soir qu’elle comprenait tout ce que je pensais et sentais, et je pensais et sentais les choses les plus élevées !

      Au fond, il n’y avait que le jersey qui lui allait très bien, et les boucles de ses cheveux, et aussi que j’avais passé la journée auprès d’elle et que je voulais un rapprochement plus intime.

      Je rentrai chez moi enthousiasmé, et je me persuadai qu’elle réalisait la plus haute perfection et que c’est pour cela même qu’elle était digne d’être ma femme, et, le lendemain, je lui en fis la proposition...

      Non ! vous direz ce que vous voudrez, nous vivons dans un tel abîme de mensonge que si quelque événement ne nous assène pas un coup sur la tête, comme à moi, nous ne pouvons pas nous réveiller. Quel imbroglio ! sur mille hommes qui se marient, non seulement parmi nous, mais aussi parmi le peuple, à peine trouvera-t-on un seul qui ne soit pas marié auparavant au moins une dizaine de fois. (Il est vrai qu’il existe maintenant, je l’ai entendu dire, des jeunes gens purs qui sentent et savent que ce n’est pas une plaisanterie, mais une affaire sérieuse. Que Dieu leur vienne en aide ! Mais de mon temps, on n’en trouvait pas un pareil sur mille.)

      Et СКАЧАТЬ