Название: Bric-à-brac
Автор: Alexandre Dumas
Издательство: Bookwire
Жанр: Языкознание
isbn: 4064066076382
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On lui fit confectionner le susdit bassin, qui fût aménagé à l'avant du bâtiment; on transporta à bord cent tonnes d'eau du Nil afin qu'il eût toujours un bain doux et frais; en outre, on embarqua quarante chèvres, pour subvenir à sa nourriture.
Quatre Arabes, un pêcheur, un preneur de lions, un preneur de girafes et un preneur de singes furent embarqués avec les animaux qu'ils avaient amenés.
Le tout arriva en seize jours à Marseille.
Il va sans dire que Delaporte n'avait pas perdu de vue un instant sa première cargaison.
À Marseille, il mit sur des trues appropriés à cette destination l'hippopotame et sa suite.
Les trente, quadrupèdes, dont vingt quadrumanes, arrivèrent à Paris aussi heureusement qu'ils étaient arrivés à Marseille.
À leur arrivée j'allai leur faire visite. Grâce à Delaporte je fus admis à l'honneur de saluer les lions, de présenter mes respects à l'hippopotame, de caresser les antilopes, de passer entre les jambes des girafes, et d'offrir des noix et des pommes aux singes.
Le domestique de Delaporte, qui était le favori de tous ces animaux, semblait jaloux de me voir ainsi fraterniser avec eux.
À propos, laissez-moi vous dire un seul petit mot du domestique de
Delaporte.
C'est un magnifique enfant du Darfour, noir comme un charbon et qui a déjà l'air d'un homme, quoiqu'il n'ait, selon toute probabilité, que onze ou douze ans. Je dis selon toute probabilité, parce qu'il n'y a pas d'exemple qu'un nègre sache son âge. Celui-là… Pardon, j'oubliais de vous dire son nom. Il se nomme Abailard. En outre,—chose assez commune, au reste, d'un nègre à l'égard de son maître,—il appelle Delaporte papa.
Vous allez voir pourquoi il se nomme Abailard et appelle Delaporte papa.
Abailard, qui, en ce temps-là, n'avait pas encore de nom, ou qui en avait un dont il ne se souvient plus, fut fait prisonnier, avec sa mère, par une tribu en guerre avec la sienne.
Sa mère avait quatorze ans, et lui en avait deux.
On les sépara et on les vendit.
La mère fut vendue à un Turc, l'enfant à un négociant chrétien.
Nul ne sait ce que devint la mère.
Quant à l'enfant, son maître habitait Kenneh; il vint à Kenneh avec son maître.
Nous avons dit que son maître était négociant; mais nous avons oublié de spécifier l'objet de son commerce.
Il vendait des étoffes.
Un jour, il s'aperçut qu'une pièce d'étoffe lui manquait, et il soupçonna le pauvre petit, alors âgé de six ans, de l'avoir volée.
Le procès est vite fait dans toute l'Égypte, et dans la haute Égypte surtout, entre un maître et un esclave.
Le marchand d'étoffes coucha l'enfant sur le dos, lui passa les jambes dans des entraves et lui appliqua lui-même, afin d'être sûr qu'il n'y aurait point de tricherie, cinquante coups de bâton sous la plante des pieds.
Puis, comme le sang s'y était naturellement amassé et que l'on craignait des abcès, qui se terminent souvent par la gangrène, on fit venir un barbier qui entailla chaque plante des pieds de deux ou trois coups de rasoir, lesquels permirent au sang de s'épancher.
L'enfant fut un mois sans pouvoir marcher et boita deux mois.
Au bout de ces trois mois, le malheur voulut qu'il cassât une soupière. Cette fois, comme le négociant avait reconnu qu'il y avait prodigalité à endommager la plante des pieds d'un nègre, les blessures le rendant impropre au travail pendant trois mois, ce fut sur une autre partie du corps qu'il lui appliqua les cent coups.
Les nègres ont cette partie du corps, que nous ne nommerons pas, fort sensible, à ce qu'il paraît; la punition fut donc encore plus douloureuse à l'enfant que la première; si douloureuse, qu'au risque de ce qui pourrait lui arriver, le lendemain de la punition, il s'enfuit de la maison et se réfugia chez l'oncle de son maître.
L'oncle était un brave homme, qui garda le fugitif jusqu'à ce qu'il fût guéri, c'est-à-dire environ un mois.
Au bout d'un mois, il lui annonça qu'il pouvait rentrer chez son maître. Çelui-ci avait juré qu'il ne lui serait rien fait, et même il avait poussé la déférence pour son oncle jusqu'à lui promettre que son protégé serait vendu dans les vingt-quatre heures.
Or, la promesse de cette vente était une bonne nouvelle pour le malheureux enfant. Il ne croyait pas, à quelque maître qu'on le vendît, qu'il pût rien perdre à changer de condition.
En effet, aucune punition ne fut appliquée au fugitif, et, le lendemain, un homme jaune étant venu et l'ayant examiné avec un soin méticuleux, après quelques débats, le prix fut arrêté à mille piastres turques, c'est-à-dire à deux cents francs, à peu près. Les mille piastres furent comptées et l'homme jaune emmena l'enfant.
Celui-ci suivit sans défiance son nouveau maître, qui demeurait dans un quartier éloigné de la ville; ou plutôt à un jet de flèche de la dernière maison de la ville.
Cependant, arrivé à-la maison, une certaine répugnance instinctive le tirait en arrière; mais son maître lui envoya un vigoureux coup de pied, dans une partie encore mal cicatrisée. L'enfant poussa un cri et entra dans la maison.
Il lui sembla que des cris plaintifs répondaient à son cri.
Il regarda derrière lui si la porte était encore ouverte. La porte était fermée et la barre déjà mise.
Il se prit à trembler de tous ses membres.
Les cris qu'il avait cru entendre devenaient plus distincts.
Il n'y avait pas à en douter, on infligeait un supplice quelconque à un ou plusieurs individus.
Son nouveau maître, au frisson qui parcourait son corps et au claquement de ses dents, devina ce qui se passait en lui.
Il le prit par le bras et le poussa dans la chambre d'où partaient les cris.
Une douzaine d'enfants de six à sept ans étaient attachés sur des planches comme des pigeons à la crapaudine; le barbier qui avait déjà ouvert la plante des pieds du pauvre petit esclave était là, son rasoir ensanglanté à la main.
Le négociant chrétien avait tenu, parole à son oncle: il avait, comme il le lui avait promis, vendu son esclave; seulement, il l'avait vendu à un marchand d'eunuques!
En jetant les yeux autour de lui, en voyant le sort qui lui était réservé, l'enfant se trouva mal.
Le barbier jugea la disposition mauvaise pour faire l'opération, et il invita le négociant en chair humaine à la remettre au lendemain.
Le maître, qui craignait de perdre les mille piastres, y consentit.
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