Название: Les voyageurs du XIXe siècle
Автор: Jules Verne
Издательство: Bookwire
Жанр: Языкознание
isbn: 4064066074371
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Ne dirait-on pas la marche d'une armée? Ces bruits guerriers, l'éclat des uniformes et des armes, tout cela pouvait-il donner l'idée d'une ambassade pacifique? Ne pourrait-on pas appliquer à l'Inde le dicton si connu, qui explique, en Espagne, les idées et les mœurs qui nous sont étrangères, et dire Cosas de India, comme on dit Cosas de España?
«La rareté de l'eau, rapporte encore l'ambassadeur, et la mauvaise qualité de celle que nous buvions, étaient insupportables à nos soldats et à nos valets. Si l'abondance des melons d'eau soulageait leur soif, ce n'était pas sans de fâcheux effets pour leur santé. La plupart des naturels de l'Inde qui nous accompagnaient furent affligés d'une fièvre lente et de la dyssenterie. Quarante personnes moururent pendant la première semaine de halte à Bikanir.»
On peut dire de Bikanir ce que La Fontaine dit des bâtons flottants:
De loin c'est quelque chose, et de près ce n'est rien
L'aspect extérieur de la ville lui est favorable; mais ce n'est qu'un amas sans ordre de cabanes avec des murailles de «bousillage».
A ce moment, le pays était envahi par cinq armées, et les deux belligérants expédiaient envoyé sur envoyé à l'ambassadeur anglais pour tâcher d'obtenir, sinon un secours matériel, du moins un appui moral.
Elphinstone fut reçu par le rajah de Bikanir.
«Cette cour, dit-il, était fort différente de toutes celles que j'avais vues dans l'Inde. Les hommes étaient plus blancs que les Hindous, ressemblaient aux Juifs par la configuration de leurs traits et étaient coiffés de turbans magnifiques. Le rajah et ses parents avaient des bonnets de plusieurs couleurs, enrichis de pierreries. Le rajah s'appuyait sur un bouclier d'acier, dont le milieu relevé en bosse et la bordure étaient incrustés de rubis et de diamants. Quelques moments après (notre entrée), le rajah nous proposa de nous soustraire à la chaleur et à l'importunité de la foule..... Nous nous assîmes à terre, suivant la coutume indienne, et le rajah prononça un discours, dans lequel il nous dit qu'il était le vassal du souverain de Delhi, et que, Delhi étant au pouvoir des Anglais, il s'empressait de reconnaître en ma personne la suzeraineté de mon gouvernement. Il se fit apporter les clés du fort et me les offrit, mais je les refusai, n'ayant aucun pouvoir à cet égard. Après de longues instances, le rajah consentit à garder ses clés. Quelque temps après, une troupe de bayadères entra; les danses et les chants ne cessèrent qu'à notre départ.»
Au sortir de Bikanir, il faut rentrer dans un désert, au milieu duquel s'élèvent les cités de Moujghur et de Bahawulpore, où une foule compacte attendait l'ambassade. L'Hyphase, fleuve sur lequel navigua la flotte d'Alexandre, ne répondit pas à l'idée qu'un tel souvenir évoquait. Le lendemain arrivait Bahaweel-Khan, gouverneur d'une des provinces orientales du Caboulistan. Il apportait de magnifiques présents à l'ambassadeur anglais, qu'il conduisit par la rive droite de l'Hyphase jusqu'à Moultan, ville fameuse par ses soieries. Le gouverneur de cette ville avait été frappé de terreur en apprenant l'arrivée des Anglais, et l'on délibéra pour savoir quelle attitude il conviendrait de tenir, si ceux-ci allaient prendre la ville par surprise où s'ils exigeaient sa cession.
Ces alarmes se calmèrent, et l'entrevue fut des plus cordiales. La description qu'en donne Elphinstone, pour paraître un peu chargée, n'en est pas moins curieuse.
«Le gouverneur, dit-il, salua M. Strachey (le secrétaire de l'ambassade) à la manière persane. Ils s'acheminèrent ensemble vers la tente, et le désordre ne fit que s'accroître. Ici, on se battait à coups de poing; là, les cavaliers passaient à travers les piétons. Le cheval de M. Strachey fut presque jeté à terre, et le secrétaire eut beaucoup de peine à reprendre l'équilibre. En approchant de la tente, le Khan et sa suite se trompèrent de route, ils se précipitèrent sur la cavalerie avec tant d'impétuosité, que celle-ci eut à peine le temps de faire volte-face pour les laisser passer. Les troupes en désordre se replièrent sur la tente, les domestiques du Khan prirent la fuite, les paravents furent arrachés et foulés aux pieds, les cordes mêmes de la tente rompirent et la toile faillit nous tomber sur la tête. L'intérieur fut en un instant rempli de monde et dans une complète obscurité. Le gouverneur et dix personnes de sa suite s'assirent, les autres restèrent sous les armes. Cette visite fut de peu de durée; ce gouverneur ne savait que réciter son rosaire avec ferveur et me dire avec précipitation: «Vous êtes le bien-venu! vous êtes le bien-venu!» Enfin, il prétexta qu'il craignait que je fusse incommodé par la foule et il se retira.»
Le récit est amusant. Est-il vrai dans tous ses détails? Peu importe. Le 31 décembre, l'ambassade passait l'Indus et pénétrait dans un pays cultivé avec soin et méthode qui ne rappelait en rien l'Hindoustan. Les gens du pays n'avaient jamais entendu parler des Anglais, qu'ils prenaient pour des Mogols, des Afghans ou des Hindous. Aussi, les bruits les plus étranges couraient-ils dans cette population amie du merveilleux.
Il fallut faire un séjour d'un mois à Déra pour attendre un «mehmandar», sorte d'introducteur des ambassadeurs. Deux personnes de la mission en profitèrent pour escalader le pic de Tukhte-Soleiman, ou Trône de Soliman, sur lequel l'arche de Noé, suivant la légende, se serait arrêtée après le déluge.
Le 7 février eut lieu le départ de Déra, et dès lors l'ambassade ne fit plus que traverser des contrées délicieuses jusqu'à Peschawer, où le roi se rendait de son côté, car cette ville n'est pas la résidence ordinaire de la cour.
«Le jour de notre arrivée, dit la relation, le dîner nous fut fourni par la cuisine du roi. Les plats étaient excellents. Dans la suite, nous fîmes préparer les viandes à notre manière; mais le roi continua de nous fournir à déjeuner, à dîner et une collation, plus des provisions pour deux mille personnes, deux cents chevaux et un grand nombre d'éléphants. Il s'en fallait de beaucoup que notre suite fût aussi considérable, et je n'eus cependant pas peu de peine, au bout d'un mois, à obtenir de Sa Majesté quelque retranchement sur cette profusion inutile.»
Comme il fallait s'y attendre, les négociations pour les présentations à la cour furent longues et difficiles. On finit cependant par s'arranger, et la réception fut aussi cordiale que le permettent les usages diplomatiques. Le roi était habillé de diamants et de pierreries; il portait une couronne magnifique, et sur l'un de ses bracelets étincelait le «cohi-nour», le plus grand diamant qui existe et dont on trouve un dessin dans les Voyages de Tavernier.
«Je dois déclarer, dit Elphinstone, que si quelques objets et surtout la richesse extraordinaire du costume royal excitèrent mon étonnement, j'en trouvai beaucoup d'autres fort au-dessous de mon attente. Somme toute, on y voyait moins les indices de la prospérité d'un État puissant que les symptômes de la décadence d'une monarchie naguère florissante.»
Et, là-dessus, l'ambassadeur cite la rapacité avec laquelle les officiers du roi se disputèrent les présents des Anglais, et certains autres détails qui l'impressionnèrent péniblement.
Une seconde entrevue avec le roi produisit sur Elphinstone une impression plus favorable.
«On croira difficilement, dit-il, qu'un monarque oriental puisse avoir un aussi bon ton et conserver sa dignité en même temps qu'il s'efforce de plaire.»
La plaine de Peschawer, entourée, sauf à l'est, de hautes montagnes, est baignée par trois bras de la rivière de Caboul, qui y font leur jonction, et par plusieurs petits ruisseaux. Aussi, cette campagne est-elle singulièrement fertile. Prunes, pêches, poires, СКАЧАТЬ