Lettres à Mademoiselle de Volland. Dénis Diderot
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Читать онлайн книгу Lettres à Mademoiselle de Volland - Dénis Diderot страница 16

Название: Lettres à Mademoiselle de Volland

Автор: Dénis Diderot

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066079130

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СКАЧАТЬ notre vie; et la vôtre, quelle est-elle? vous portez-vous bien? vous ménage-t-on? pensez-vous quelquefois à moi? m'aimez-vous toujours? Si vous n'avez point entendu parler de moi plus tôt, croyez que ce n'est pas ma faute. Le Grandval est à deux lieues et demie de Charenton, et à la même distance de Gros-Bois. Il n'y a point de poste plus voisine. J'espérais toujours qu'il nous viendrait quelqu'un que je chargerais d'une lettre pour la rue des Vieux-Augustins; mais nous n'avons encore vu personne, et nous ne sommes point dans un village. Cela n'empêchera point que je ne sois un peu plus exact dans la suite. Un domestique qui me sert portera mes lettres à Charenton; vous adresserez les vôtres au directeur de la poste pour m'être rendues, et le même domestique les prendra. Voilà qui est arrangé. Demain je saurai le nom de ce directeur; il sera prévenu. Mercredi ou jeudi vous saurez mon adresse, et nous tâcherons de réparer le temps perdu.

      Mme d'Houdetot est venue ici de Villeneuve-le-Roi. C'est une sœur à Mme d'Épinay. Nous avons un peu jasé d'elle et de Grimm. Il n'y a pas d'apparence que je revoie mon ami aussitôt que je l'espérais; cela me fâche. Il serait venu ici, et j'aurais eu quelqu'un à qui j'aurais ouvert mon cœur et parlé de vous. Ce cœur est malade, il est rempli de sentiments qui le surchargent et qui n'en peuvent sortir. Je prévois que l'ennui et le chagrin ne tarderont guère à me gagner, et qu'il faudra souffrir ou s'en retourner.

      Il y a à Valence, en Dauphiné, un M. Daumont[17] qui me rendrait un grand service, s'il le voulait. J'en attends depuis deux mois des papiers qui compléteraient deux lettres, de seize que j'ai à rendre aux libraires. J'ai prié Le Breton de m'instruire de l'arrivée de ces papiers, de l'argent à toucher, de l'ouvrage à rendre. Les bons prétextes pour retourner à Paris! Ces papiers ne viendront-ils point?

      Je travaille beaucoup; mais c'est avec peine. Il est une idée qui se présente sans cesse, et qui chasse les autres: c'est que je ne suis pas où je veux être. Mon amie, il n'y a de bonheur pour moi qu'à côté de vous; je vous l'ai dit cent fois, et rien n'est plus vrai. Si j'étais condamné à rester longtemps ici et que je ne pusse vous y voir, il est sûr que je ne vivrais pas; je périrais d'une ou d'autre façon. Les heures me paraissent longues; les jours n'ont point de fin; les semaines sont éternelles, je ne prends un certain intérêt à rien: si vous éprouvez les mêmes choses, que je vous plains! Mais que fait donc ce Grimm à Genève? qui est-ce qui l'y retient? Encore si je l'avais!

      Il n'y a point de doute que si madame votre mère avait eu avec moi les procédés que je méritais, ou je ne serais pas venu ici, ou j'en serais déjà revenu. Mais je me dis: Quand je serais à Paris, qu'y ferais-je? Plus voisin d'elle et ne la voyant pas davantage, je n'en serais que plus tourmenté. Peut-être ajouterais-je à ses peines, par quelque visite inconsidérée? Et votre petite sœur, en avez-vous des nouvelles? Comment se porte-t-elle? Sa santé déjà ébranlée par les peines qu'elle a...

      (Le reste de la lettre manque.)

      XVIII

      À Paris, 9 octobre 1759.

      Je revenais chercher mon bouquet, un mot doux, un baiser, une caresse... et vous saviez que j'arrivais, et que c'était le jour de ma fête[18]! et vous vous êtes absentée! mais il n'a pas dépendu de vous de rester; il a fallu suivre. La mauvaise journée que vous aurez passée! Bonsoir, ma chère amie; vous vous portez bien; Clairet me l'a dit; c'est quelque chose. Cela me fait supposer qu'on ne manque pas tout à fait d'humanité. Vous avez envoyé un billet chez Grimm. Mauvaise tête, avez-vous pu penser que j'irais jusque-là? Qu'eussiez-vous fait à ma place? À la vôtre, j'aurais laissé le billet sur mon secrétaire, et moi j'aurais dit en moi-même: Il y aura après-demain quinze jours qu'elle n'a vu ce qu'elle aime; elle a souffert, elle a désiré, elle est inquiète, son premier moment sera pour moi...

      Ce n'est pas lui qui m'appelle ici, ma Sophie, c'est vous; oui, c'est vous, croyez-le. Je vous le dis, je le lui dirais à lui-même, et il n'en serait pas fâché. C'est qu'il aime aussi, lui; c'est qu'il y avait huit mois que nous ne nous étions embrassés; c'est qu'il était deux heures et demie quand il est arrivé, et qu'à cinq il était reparti pour l'aller retrouver[19]... J'ai rendez-vous chez lui, au sortir d'ici... Quel plaisir j'ai eu à le revoir et à le recouvrer! Avec quelle chaleur nous nous sommes serrés! Mon cœur nageait. Je ne pouvais lui parler, ni lui non plus. Nous nous embrassions sans mot dire, et je pleurais. Nous ne l'attendions pas. Nous étions tous au dessert quand on l'annonça: C'est monsieur Grimm.—C'est monsieur Grimm! repris-je, avec un cri; et je me levai, et je courus à lui, et je sautai à son cou! Il s'assit, il dîna mal, je crois. Pour moi, je ne pus desserrer les dents, ni pour manger, ni pour parler. Il était à côté de moi. Je lui serrais la main, et je le regardais. Jugez combien je vais être heureux tout à l'heure que je vous reverrai!... Après dîner, notre tendresse reprit; mais elle fut un peu moins muette. Je ne sais comment le Baron, qui est un peu jaloux, et qui peut-être est un peu négligé, regardait cela. Je sais seulement que ce fut un spectacle bien doux pour les autres; car ils me l'ont dit. Enfin, chère amie, il est ici; quand il a su que vous y étiez aussi, il m'a dit: Et que faites-vous donc dans ces champs!...

      On en a usé avec nous comme avec un amant et une maîtresse pour qui on aurait des égards; on nous a laissés seuls dans le salon; on s'est retiré, le Baron même. Il faut que notre entrevue l'ait singulièrement frappé. Mais à propos du Baron, le lendemain de son incartade, il entre chez moi le matin, et il me dit: «Il est une mauvaise qualité que j'ai parmi beaucoup d'autres que vous me connaissiez déjà: c'est que, sans être avare, je suis mauvais joueur; je vous ai brusqué hier, bien ridiculement; j'en suis bien taché.» Comment trouvez-vous ce procédé? Très-beau, je pense! Adieu, ma Sophie; estimez le Baron: si vous le connaissiez, vous l'aimeriez trop.

      XIX

      9 octobre 1759.

      La chaleur d'hier au soir est bien tombée. Je ne sens plus ce matin qu'une chose, c'est que je m'éloigne de vous. Tandis que M. de Montamy[20] et le Baron prennent des arrangements pour la distribution d'un cabinet d'histoire naturelle qui est resté enfermé dans des caisses depuis dix ans, je m'amuse à causer encore un moment avec vous. Ne trouvez-vous pas singulier que l'histoire naturelle soit la passion dominante de cet ami? qu'il se soit pourvu à grands frais de tout ce qu'il y a de plus rare en ce genre, et que cette précieuse collection soit restée des années entières dans le fond d'une écurie, entre la paille et le fumier? Les goûts des hommes sont passagers: ils n'ont que des jouissances d'un moment. Ah! chère femme, quelle différence d'un homme à un autre! mais aussi quelle différence d'une femme à une autre!

      Adieu, ma tendre amie; vous n'attendiez pas de moi ce billet, il vous en sera plus doux. Je m'en vais, et je souffre; je ne devinais guère hier au soir mon abattement de ce matin. Que serait-ce donc, si j'allais à mille lieues? Que serait-ce, si je vous perdais? mais je ne vous perdrai pas; il faut bien que je le croie, et que je me le dise pour n'être pas fou. Adieu.

      XX

      9 octobre 1759.

      Je suis chez mon ami, et j'écris à celle que j'aime. Ô vous, chère femme, avez-vous vu combien vous faisiez mon bonheur! Savez-vous enfin par quels liens je vous suis attaché? Doutez-vous que mes sentiments ne durent aussi longtemps que ma vie? J'étais plein de la tendresse que vous m'aviez inspirée quand j'ai paru au milieu de nos convives; elle brillait dans mes yeux; elle échauffait mes discours; elle disposait de mes mouvements; elle se montrait en tout. Je leur semblais extraordinaire, inspiré, divin. Grimm n'avait pas assez de ses yeux pour me regarder, pas assez de ses oreilles pour m'entendre; tous étaient étonnés; moi-même j'éprouvais une satisfaction intérieure que je ne saurais vous rendre. C'était comme un feu qui brûlait au fond de mon âme, dont ma poitrine était embrasée, qui se répandait sur eux et СКАЧАТЬ