Название: L'Affaire du Collier de la Reine
Автор: Морис Леблан
Издательство: Bookwire
Жанр: Языкознание
isbn: 4064066379865
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– Soit, mais ces deux mille francs qu’Henriette recevait chaque année, n’est-ce pas le meilleur signe de sa complicité ?
– Complice, vous eût-elle remerciés de cet argent ? Et puis, ne la surveillait-on pas ? Tandis que l’enfant est libre, lui, il a toute facilité pour courir jusqu’à la ville voisine pour s’aboucher avec un revendeur quelconque et lui céder à vil prix un diamant, deux diamants, selon le cas… sous la seule condition que l’envoi d’argent sera effectué de Paris, moyennant quoi on recommencera l’année suivante.
Un malaise indéfinissable oppressait les Dreux-Soubise et leurs invités. Vraiment il y avait dans le ton, dans l’attitude de Floriani, autre chose que cette certitude qui, dès le début avait si fort agacé le comte. Il y avait comme de l’ironie, et une ironie qui semblait plutôt hostile que sympathique et amicale ainsi qu’il eût convenu.
Le comte affecta de rire.
– Tout cela est d’un ingénieux qui me ravit ! Mes compliments ! Quelle imagination brillante !
– Mais non, mais non, s’écria Floriani avec plus de gravité, je n’imagine pas, j’évoque des circonstances qui furent inévitablement telles que je les montre.
– Qu’en savez-vous ?
– Ce que vous-même m’en avez dit. Je me représente la vie de la mère et de l’enfant, là-bas, au fond de la province, la mère qui tombe malade, les ruses et les inventions du petit pour vendre les pierreries et sauver sa mère ou tout au moins adoucir ses derniers moments. Le mal l’emporte. Elle meurt. Des années passent. L’enfant grandit, devient un homme. Et alors – et pour cette fois, je veux bien admettre que mon imagination se donne libre cours – supposons que cet homme éprouve le besoin de revenir dans les lieux où il a vécu son enfance, qu’il les revoie, qu’il retrouve ceux qui ont soupçonné, accusé sa mère… pensez-vous à l’intérêt poignant d’une telle entrevue dans la vieille maison où se sont déroulées les péripéties du drame ?
Ses paroles retentirent quelques secondes dans le silence inquiet, et sur le visage de M. et Mme de Dreux, se lisait un effort éperdu pour comprendre, en même temps que la peur, que l’angoisse de comprendre. Le comte murmura :
– Qui êtes-vous donc, monsieur ?
– Moi ? Mais le chevalier Floriani que vous avez rencontré à Palerme et que vous avez été assez bon de convier chez vous déjà plusieurs fois.
– Alors que signifie cette histoire ?
– Oh ! Mais rien du tout ! C’est simple jeu de ma part. J’essaie de me figurer la joie que le fils d’Henriette, s’il existe encore, aurait à vous dire qu’il fut le seul coupable, et qu’il le fut parce que sa mère était malheureuse, sur le point de perdre la place de… domestique dont elle vivait, et parce que l’enfant souffrait de voir sa mère malheureuse.
Il s’exprimait avec une émotion contenue, à demi levé et penché vers la comtesse. Aucun doute ne pouvait subsister. Le chevalier Floriani n’était autre que le fils d’Henriette. Tout, dans son attitude, dans ses paroles, le proclamait. D’ailleurs n’était-ce point son intention évidente, sa volonté même d’être reconnu comme tel ?
Le comte hésita. Quelle conduite allait-il tenir envers l’audacieux personnage ? Sonner ? Provoquer un scandale ? Démasquer celui qui l’avait dépouillé jadis ? Mais il y avait si longtemps ! Et qui voudrait admettre cette histoire absurde d’enfant coupable ? Non, il valait mieux accepter la situation, en affectant de n’en point saisir le véritable sens. Et le comte, s’approchant de Floriani, s’écria avec enjouement :
– Très amusant, très curieux, votre roman. Je vous jure qu’il me passionne. Mais, suivant vous, qu’est-il devenu, ce bon jeune homme, ce modèle des fils ? J’espère qu’il ne s’est pas arrêté en si beau chemin.
– Oh ! Certes non.
– N’est-ce pas ! Après un tel début ! Prendre le collier de la Reine à six ans, le célèbre collier que convoitait Marie-Antoinette !
– Et le prendre, observa Floriani, se prêtant au jeu du comte, le prendre sans qu’il lui en coûte le moindre désagrément, sans que personne ait l’idée d’examiner l’état des carreaux, ou s’aviser que le rebord de la fenêtre est trop propre, ce rebord qu’il avait essuyé pour effacer les traces de son passage sur l’épaisse poussière… Avouez qu’il y avait de quoi tourner la tête d’un gamin de son âge. C’est donc si facile ? Il n’y a donc qu’à vouloir et tendre la main ?… Ma foi, il voulut…
– Et il tendit la main.
– Les deux mains, reprit le chevalier en riant.
Il y eut un frisson. Quel mystère cachait la vie de ce soi-disant Floriani ? Combien extraordinaire devait être l’existence de cet aventurier, voleur génial à six ans, et qui, aujourd’hui, par un raffinement de dilettante en quête d’émotion, ou tout au plus pour satisfaire un sentiment de rancune, venait braver sa victime chez elle, audacieusement, follement, et cependant avec toute la correction d’un galant homme en visite !
Il se leva et s’approcha de la comtesse pour prendre congé. Elle réprima un mouvement de recul. Il sourit.
– Oh ! Madame, vous avez peur ! Aurais-je donc poussé trop loin ma petite comédie de sorcier de salon ?
Elle se domina et répondit avec la même désinvolture un peu railleuse :
– Nullement, monsieur. La légende de ce bon fils m’a au contraire fort intéressée, et je suis heureuse que mon collier ait été l’occasion d’une destinée aussi brillante. Mais ne croyez-vous pas que le fils de cette… femme, de cette Henriette, obéissait surtout à sa vocation ?
Il tressaillit, sentant la pointe, et répliqua :
– J’en suis persuadé, et il fallait même que cette vocation fût sérieuse pour que l’enfant ne se rebutât point.
– Et comment cela ?
– Mais oui, vous le savez, la plupart des pierres étaient fausses. Il n’y avait de vrai que les quelques diamants rachetés au bijoutier anglais, les autres ayant été vendus un à un selon les dures nécessités de la vie.
– C’était toujours le Collier de la Reine, monsieur, dit la comtesse avec hauteur, et voilà, me semble-t-il, ce que le fils d’Henriette ne pouvait comprendre.
– Il a dû comprendre, madame, que faux ou vrai, le collier était avant tout un objet de parade, une enseigne.
M. de Dreux fit un geste. Sa femme aussitôt le prévint.
– Monsieur, dit-elle, si l’homme auquel vous faites allusion a la moindre pudeur…
Elle s’interrompit, intimidée par le calme regard de Floriani.
Il répéta :
– Si cet homme a la moindre pudeur ?…
Elle sentit qu’elle ne gagnerait rien à lui parler de la sorte, et malgré elle, malgré СКАЧАТЬ