Название: LUPIN: Les aventures complètes
Автор: Морис Леблан
Издательство: Bookwire
Жанр: Языкознание
isbn: 4064066379902
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Il s’assit sur une petite caisse placée au fond du placard. Une quadruple rangée de vêtements suspendus le protégeait. Sauf le cas d’investigations, il était évidemment là en toute sûreté.
Dix minutes s’écoulèrent. Il entendit le trot sourd d’un cheval, du côté de la villa, et le bruit d’un grelot. Une voiture s’arrêta, la porte d’en bas claqua, et presque aussitôt il perçut des voix, des exclamations, toute une rumeur qui s’accentuait au fur et à mesure, probablement, qu’un des captifs était délivré de son bâillon.
« On s’explique, pensa-t-il… La rage du baron doit être à son comble… Il comprend maintenant la raison de ma conduite de ce soir, au cercle, et que je l’ai roulé proprement… Roulé, ça dépend, car enfin, Steinweg m’échappe toujours… Voilà la première chose dont il va s’occuper : lui a-t-on repris Steinweg ? Pour le savoir, il va courir à la cachette. S’il monte, c’est que la cachette est en haut. S’il descend, c’est qu’elle est dans les sous-sols. »
Il écouta. Le bruit des voix continuait dans les pièces du rez-de-chaussée, mais il ne semblait point que l’on bougeât. Altenheim devait interroger ses acolytes. Ce ne fut qu’après une demi-heure que Sernine entendit des pas qui montaient l’escalier.
« Ce serait donc en haut, se dit-il, mais pourquoi ont-ils tant tardé ? »
– Que tout le monde se couche, dit la voix d’Altenheim.
Le baron entra dans la chambre avec un de ses hommes et referma la porte.
– Et moi aussi, Dominique, je me couche. Quand nous discuterions toute la nuit, nous n’en serions pas plus avancés.
– Moi, mon avis, dit l’autre, c’est qu’il est venu pour chercher Steinweg.
– C’est mon avis, aussi, et c’est pourquoi je rigole, au fond, puisque Steinweg n’est pas là.
– Mais, enfin, où est-il ? Qu’est-ce que vous avez pu en faire ?
– Ça, c’est mon secret, et tu sais que, mes secrets, je les garde pour moi. Tout ce que je peux te dire, c’est que la prison est bonne et qu’il n’en sortira qu’après avoir parlé.
– Alors, bredouille, le prince ?
– Je te crois. Et encore, il a dû casquer pour arriver à ce beau résultat. Non, vrai, ce que je rigole !… Infortuné prince !…
– N’importe, reprit l’autre, il faudrait bien s’en débarrasser.
– Sois tranquille, mon vieux, ça ne tardera pas. Avant huit jours, je t’offrirai un portefeuille d’honneur, fabriqué avec de la peau de Lupin. Laisse-moi me coucher, je tombe de sommeil.
Un bruit de porte qui se ferme. Puis Sernine entendit le baron qui mettait le verrou, puis qui vidait ses poches, qui remontait sa montre et qui se déshabillait.
Il était joyeux, sifflotait et chantonnait, parlant même à haute voix.
– Oui, en peau de Lupin… et avant huit jours… avant quatre jours ! Sans quoi c’est lui qui nous boulottera, le sacripant !… Ça ne fait rien, il a raté son coup ce soir… Le calcul était juste, pourtant… Steinweg ne peut être qu’ici… Seulement, voilà…
Il se mit au lit et tout de suite éteignit l’électricité. Sernine s’était avancé près du rideau, qu’il souleva légèrement, et il voyait la lumière vague de la nuit qui filtrait par les fenêtres, laissant le lit dans une obscurité profonde.
« Décidément, c’est moi la poire, se dit-il. Je me suis blousé jusqu’à la gauche. Dès qu’il ronflera, je m’esquive… »
Mais un bruit étouffé l’étonna, un bruit dont il n’aurait pu préciser la nature et qui venait du lit. C’était comme un grincement, à peine perceptible d’ailleurs.
– Eh bien, Steinweg, où en sommes-nous ?
C’était le baron qui parlait ! Il n’y avait aucun doute que ce fût lui qui parlât, mais comment se pouvait-il qu’il parlât à Steinweg, puisque Steinweg n’était pas dans la chambre ? Et Altenheim continua :
– Es-tu toujours intraitable ?… Oui ?… Imbécile ! Il faudra pourtant bien que tu te décides à raconter ce que tu sais… Non ?… Bonsoir, alors, et à demain…
« Je rêve, je rêve, se disait Sernine. Ou bien c’est lui qui rêve à haute voix. Voyons, Steinweg n’est pas à côté de lui, il n’est pas dans la chambre voisine, il n’est même pas dans la maison. Altenheim l’a dit… Alors, qu’est-ce que c’est que cette histoire ahurissante ? »
Il hésita. Allait-il sauter sur le baron, le prendre à la gorge et obtenir de lui, par la force et la menace, ce qu’il n’avait pu obtenir par la ruse ? Absurdité ! Jamais Altenheim ne se laisserait intimider.
« Allons, je pars, murmura-t-il, j’en serai quitte pour une soirée perdue. »
Il ne partit point. Il sentit qu’il lui était impossible de partir, qu’il devait attendre, que le hasard pouvait encore le servir.
Il décrocha avec des précautions infinies quatre ou cinq costumes et paletots, les étendit par terre, s’installa, et, le dos appuyé au mur, s’endormit le plus tranquillement du monde.
Le baron ne fut pas matinal. Une horloge quelque part sonna neuf coups quand il sauta du lit et fit venir son domestique.
Il lut le courrier que celui-ci apportait, s’habilla sans dire un mot, et se mit à écrire des lettres, pendant que le domestique suspendait soigneusement dans le placard les vêtements de la veille, et que Sernine, les poings en bataille, se disait :
« Voyons, faut-il que je défonce le plexus solaire de cet individu ? »
À dix heures, le baron ordonna :
– Va-t’en !
– Voilà, encore ce gilet…
– Va-t’en, je te dis. Tu reviendras quand je t’appellerai pas avant. Il poussa la porte lui-même sur le domestique, attendit, en homme qui n’a guère confiance dans les autres, et, s’approchant d’une table où se trouvait un appareil téléphonique, il décrocha le récepteur.
– Allô !… mademoiselle, je vous prie de me donner Garches… C’est cela, mademoiselle, vous me sonnerez…
Il resta près de l’appareil.
Sernine frémissait d’impatience. Le baron allait-il communiquer avec son mystérieux compagnon de crime ?
La sonnerie retentit.
– Allô, fit Altenheim… Ah ! C’est Garches… parfait… Mademoiselle, je voudrais le numéro 38… Oui, 38, deux fois quatre…
Et au bout de quelques secondes, la voix plus basse, aussi basse et aussi nette que possible, il prononça СКАЧАТЬ